Eh oui, l’heure du bilan a déjà sonné. J’ai parfois du mal à croire qu’il y a maintenant 3 ans, je débarquais à l’aéroport de Vancouver avec mon visa de résidente permanente, 2 valises et quelques économies en poche.
2008 a été incontestablement la meilleure de mes trois années au Canada. Après avoir travaillé quelques mois dans une compagnie minière, je me suis rendue compte que je voulais vraiment privilégier la traduction, mon domaine principal de compétences. Après quelques hésitations et une certaine procrastination, je décide enfin de prendre le risque et de me lancer.
Contrairement à ce que je croyais, cela marche! Je commence à avoir des contrats en tout genre, y compris de gros projets. Je ne ménage pas mes efforts non plus pour trouver des clients. Avec Internet, je ne suis pas limitée a Vancouver, ni même au Canada. Je contacte beaucoup d’agences de traduction, je postule sur des sites spécialisés et je fais du réseautage local aussi. Tout cela finit par porter ses fruits. Ma base de clients se construit petit à petit, le chiffre d’affaires augmente régulièrement et me permet de vivre décemment. Je ne mène pas forcement la grande vie, mais je peux payer mes factures.
Tout cela représente néanmoins beaucoup de travail et beaucoup d’énergie. Surtout que je suis toute seule pour m’occuper de tout, que cela soit pour mon entreprise ou pour le reste de ma vie. Je me sens un peu en déséquilibre pour tout concilier. Mon père vient me rendre visite en Mai, et cette visite m’a non seulement fait plaisir, mais m’a aussi permis de mieux m’organiser et de justement trouver un meilleur équilibre. Nous en profitons également pour visiter un peu plus la Colombie-Britannique et partons quelques jours aux US. Je suis beaucoup plus détendue et sereine. J’apprécie beaucoup plus les choses, surtout que maintenant, je dispose d’une grande flexibilité quant à mon emploi du temps.
Cette flexibilité a néanmoins un revers de la médaille. J’ai passé pas mal de fins de semaine et de jours fériés à travailler. Mais j’accepte, c’est la règle du jeu. Je sais qu’être à mon compte n’est pas un emploi de bureau. Le fait d’avoir mon entreprise m’a apporté la stabilité que je voulais et dont j’avais besoin depuis mon arrivée au Canada. Ma confiance et mon estime personnelles sont en hausse, et cela aussi, j’en avais besoin.
Contrairement à un statut d’employée, mes clients me font plus confiance et me considèrent comme une experte dans mon domaine. Nos relations professionnelles sont sur une base beaucoup plus égalitaire. Les aspects de l’expérience Canadienne, de la formation et des références locales disparaissent. Vous l’aurez compris, le cadre et la mentalité du bureau traditionnel ne me manquent pas du tout ! Le reste de ma vie va bien aussi. J’ai toujours mon cercle d’amis que je vois régulièrement, et sur qui je peux compter.
Néanmoins, une première période un peu creuse niveau travail et un changement dans ma vie sociale amènent des doutes début Septembre. Ces doutes en amènent d’autres. Je réalise que ma famille me manque plus que je croyais et que pas mal d’aspects de mon nouveau pays m’agacent. Cela donnera lieu à ma chronique intitulée « Dans le creux de la vague ». Par la suite, je parle de ce que je ressens à différentes personnes dont l’avis me sera très bénéfique. Il était normal d’avoir ces doutes et de ressentir ce que je ressentais.
Par la suite, les affaires reprennent et mon Automne est chargé niveau travail. Je suis très occupée et mes revenus sont très réguliers pendant plus 3 mois, malgré les nouvelles économiques plutôt inquiétantes. La crise n’est encore pas chez moi. Décembre arrive et le retour en France se profile. Du fait, que je peux travailler d’où je veux et comme je le souhaite, je décide de rester plus longtemps cette année. Ce séjour me fait le plus grand bien et j’en profite pour bien me relaxer. A ce moment là, je n’ai encore aucune idée de la tempête qui va s’abattre sur moi à mon retour.
Retour sur Vancouver vers le 20 janvier et l’atterrissage est plutôt rude. Les affaires se retrouvent presque à l’arrêt, et aucune reprise en vue. C’est arrivé presque du jour au lendemain. Heureusement que j’ai quelques économies de côté. Mes clients ne m’ont pas oubliée mais ils attendent plus longtemps pour me contacter, et ne font vraiment traduire que le strict nécessaire. Il faut donc que j’agisse rapidement. Je décide donc de regarder des offres de travail à temps partiel, mais aussi à temps plein, dans l’administratif et dans d’autres domaines. Ce n’est pas ce que je veux, mais je n’ai pas trop le choix.
Là aussi, les choses vont s’avérer beaucoup plus difficiles que ce que j’imaginais. La crise est vraiment là et je le réalise pleinement. Il y a beaucoup moins d’offres et la concurrence est énorme. Les employeurs ont l’embarras du choix et profitent pleinement de cette situation. Mon profil n’a pas forcement la priorité, et les aspects de l’expérience Canadienne, de la formation et des références locales ressurgissent. Le fait d’être à mon compte semble également poser problème. Et puis, je m’aperçois qu’un certain nombre d’offres ne sont en fait pas réelles.
Je perds mon temps, je suis pleine de doutes et très stressée et cela m’irrite au plus haut point. Je décide de retourner vers l’association d’aide à l’emploi qui m’a toujours été utile depuis mon arrivée à Vancouver. En discutant avec ma conseillère attitrée, il semblerait qu’une formation serait la meilleure option dans ma situation. Elle me confirme que dans le contexte économique actuel et par rapport à mon profil, trouver un emploi ne va pas être facile. Je réalise que tout ce qui n’est pas Canadien ne compte vraiment pas ici, et encore plus en période de crise.
Après mûre réflexion et exploration plus approfondie de cette option, nous -ma conseillère et moi- nous apercevons que je pourrais être éligible à un financement par le gouvernement provincial pour une formation. Il y a deux ans, j’ai bénéficié de l’assurance chômage suite à un contrat de travail temporaire. Cela m’ouvre donc la porte à ce programme provincial. Néanmoins, il y a beaucoup de critères à remplir et de justificatifs à fournir. Je ne peux pas nécessairement faire n’importe quelle formation et il faut que la dite formation donne des perspectives d’emploi, entre autres.
Dans mon cas, je décide de m’orienter sur une formation gestion des entreprises/comptabilité, ce qui est logique de mon point de vue et par rapport à mon profil. En tant que travailleuse autonome, cela me permettra de m’occuper de ma propre comptabilité et d’économiser certains frais. Cela pourrait aussi me permettre de développer mon entreprise en offrant plutôt de services administratifs et pas uniquement de la traduction. Cela m’ouvrira surtout plus de portes dans les entreprises locales, du moins je l’espère.
Le dossier à remplir est plutôt épais et il y a pas mal de recherches à faire. En tout, cela me prendra quasiment 3 semaines pour le monter. Maintenant, j’attends. Pour la première fois depuis que je suis ici, je ne sais pas du tout ce que le futur me réserve. J’ai réalisé qu’il y a beaucoup d’éléments sur lesquels je n’ai aucun contrôle, que ce soit pour mon entreprise, un emploi ou cette formation. Cela ne me sert à rien de stresser ou d’en vouloir au système ou à la terre entière. J’ai conscience que mon avenir ici est en jeu.
Néanmoins, je ne regrette absolument pas ma décision d’être venue et d’être restée ici, puis de m’être mise à mon compte. Si c’était à refaire, je referais tout ce que j’ai fait depuis 3 ans. Il y a une ou deux situations que je gérerais différemment, mais cela n’affecterait pas le résultat final. J’espère pouvoir prolonger cette aventure le plus longtemps possible. La prochaine étape, si tout se passe bien, sera l’acquisition de la nationalité Canadienne.
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