La tribune
Il y a de ça maintenant plus de 4 ans, par un beau matin d’avril, je partais travailler avec des ailes dans le dos. La raison ? L’université de Montréal venait d’accepter ma demande d’inscription. Difficile de décrire une telle sensation : une excitation immense et aussi une peur bien normale.
Mais il faut redescendre sur terre : les papiers ne se font pas tout seuls. Donc c’est parti pour la visite guidée de la délégation du Québec et de l’ambassade du Canada. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, obtenir son visa d’étudiant est ce qu’il y a de plus facile. L’étape suivante consiste à trouver un billet d’avion qui ne va pas nous ruiner. Malheureusement certaines compagnies ne sont pas très souples au niveau des suppléments de bagages. Ce que j’avais donc économisé sur le billet d’avion, je l’ai reperdu en payant le supplément de 10 kilos de mes bagages.
Malgré tout ces petits inconvénients me voilà sur le sol québécois sous un splendide orage. Nous sommes le 16 août 1996 : date fatidique d’un changement radical de vie.
Par rapport à d’autres, je suis chanceuse. Ma sœur ayant vécue à Montréal pendant 3 ans, mon appartement est déjà réservé chez son ancien propriétaire. Un petit appartement calme dans le quartier de Côte des neiges, pas très loin de l’Université de Montréal.
Ma mère, partie avec moi, me fait visiter Montréal. Mais le moment de la séparation approche. Un jour ma sœur m’a dit » le plus dur c’est quand les gens s’en vont « . Je ne pensais pas que ça l’était autant. Me voilà donc seule. Je ne connais personne pour l’instant et mes cours ne reprennent que dans une semaine. Alors je me promène, je visite et j’essaye de m’adapter à mon nouveau milieu. J’ai la vague impression de rêver toute éveillée.
L’accent québécois ne m’a pas posé trop de problème. Il m’est arrivé de faire des erreurs car certains mots n’ont pas tout à fait le même sens mais, rien de dramatique. Ce qui m’a le plus marqué c’est la gentillesse des gens. Se promener dans une grande ville avec une carte en main et voir des cyclistes s’arrêter pour vous renseigner, c’est assez rare. On ne verrait pas ça à Paris. Il faut dire aussi que Montréal paraît bien petite face à notre grosse capitale.
Une chose m’a choqué pourtant. La réputation des français, ici, n’est pas toujours des meilleurs. Je reconnais que c’est parfois bien mérité vu certains spécimen que l’on croise à la saison touristique. L’être humain ne pouvant s’empêcher de généraliser, c’est à nous de faire nos preuves. C’est à nous de nous adapter et pas l’inverse ! Mais certains ont, semble-t-il, du mal à le comprendre.
Il faut arriver au Québec en oubliant tout ce qu’on connaît. Comparer avec la France est la pire des choses à faire. Il ne faut pas oublier que nous sommes en Amérique du Nord même si les gens parlent français. Ici, on rencontre le matérialisme américain et une partie de la manière de vivre américaine mais avec des racines latines. Notre gros défaut est de se dire qu’ils parlent français donc qu’ils sont comme nous. C’est faux. Leur histoire est différente, d’une certaine façon leur langue aussi. Le français a évolué différemment, on retrouve ici de nombreux termes issus du XVII siècle que nous avons perdus en France. Alors, bien entendu, quand j’entends des français dire que les québécois ne parlent pas français mon côté historienne me fait entrer dans une colère noire. Nous ne sommes pas là pour juger. C’est ce que nous reprochent les québécois.
Une chose importante à modifier dans son comportement : l’agressivité. On a tellement l’habitude de se battre pour le moindre bout de papier en France que l’on est agressif de nature. Rare sont les québécois qui vont s’énerver pour une broutille mais les français, eux, sont nombreux. Ce n’est pas rare que l’on me dise que je » n’arrête pas de chialer « . Et oui, je râle mais il est parfois dure d’oublier 28 ans de culture !
Le plus beau compliment que l’on m’ait fait ici ? C’est le jour où un de mes amis m’a dit que j’étais » intégré « . Ça fait chaud au cœur car quoi que l’on en pense nous sommes des étrangers même si l’on se sent chez soi dans ce pays si vaste et si splendide.
Ici, j’ai compris ce que voulait dire le mot déraciné. Ici, je suis française de part mon accent et mon comportement. En France ? On me trouve l’accent québécois et rares sont les gens qui ne me le disent pas. Mes amis me font répéter certaines phrases pour me prendre » la main dans le sac « . Il faut dire qu’en 4 ans, mes expressions ont changé et mon accent parisien s’est estompé et cela sans que j’y sois pour quelque chose.
Laurence Dupin
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