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Le temps des doutes

Salut public fidèle (comment ça personne ne me lit ?)…. Une envie de partager mon sentiment d’aujourd’hui se mélange à celle de ne simplement pas écrire cette chronique. Pas envie, le ciel est gris, mon humeur est morose et mes doigts bafouillent sur le clavier.
Donc aujourd’hui, c’est une chronique mi figue mi raisin, entre allégresse et morosité, ma catharsis, mon défouloir.

C’est étrange comme dans l’immigration il y a l’attente qui est trop longue et ces journées qu’on trouve trop courtes. Vous savez, celles qui vous rappellent que vous allez partir, quitter ces gens charmants autour de vous, ces journées où sans savoir exactement pourquoi vous êtes agacés, une boule au fond de la gorge ou l’estomac noué.
Ben moi je viens de passer une semaine de ce genre.
Ça a commencé mardi par l’arrivée de mes IVM. Chouette mon dossier avance mais howowo ça s’en vient la fin là ! Dans une semaine j’aurais passé ces examens que je redoute tant (parce que je n’aime pas les prises de sang, je sais pas faire pipi sur demande, dans un bocal en plus, et parce que même si le médecin est sympa et que je suis en forme, j’ai toujours peur qu’on me découvre je ne sais quoi).
Dans une semaine, sauf complication, les dés seront jetés et au revoir la France….
Bon finalement je me dis chouette, c’est ce que je souhaites depuis un bail maintenant et les nuages gris s’envolent. Sauf que….

En cette belle fin de semaine Ti’Namour a reçu la visite d’une partie de sa famille.
Sa maman en bonne québécoise qui rêve de plage et de soleil pour sa retraite se déplace tous les hivers à Malaga dans le sud de l’Espagne et depuis deux ou trois ans, au mois de mars, la sœur aînée de Ti’Namour et son chum passent leurs vacances là-bas. Cette année, ils sont remontés jusqu’à Barcelone en avion, puis ils ont loué une voiture pour se rendre jusqu’au pays des santons et des moutons nous voir.
Ti’Namour est assez proche de sa sœur et de son chum. Il a logé chez eux un bout avant de partir dans l’Ouest puis encore cet été avant de venir en France. On a passé des fins de semaines avec eux et je les apprécie moi aussi beaucoup. Quant à sa petite maman, elle est toute cute et volontaire (imaginez donc ce qu’on a pu arpenter comme rues et ruelles, elle nous a suivi partout. Elle était fatiguée en soirée, normal, mais elle ne s’est jamais plainte, elle a ben aimé ça).
Bref, jeudi en fin d’après-midi, je tente de boucler une chronologie et une arborescence pour un projet à ma job quand je reçois un message de Ti’Namour inquiet parce qu’il n’arrive pas à joindre sa mère et qu’ils auraient déjà dû être rendus.
Comme il est 18h10 et que je finis dans 5 minutes, je lui demande le numéro et je lui dis que je le tiens au courant.
En attendant mon train pour retourner sur Aubagne, je tente de découvrir comment joindre un cellulaire espagnol depuis mon cellulaire français.
Une fois le mystère du +34 résolu, je rappelle Ti’Namour pour le rassurer : ils sont alors à 50 km de Marseille. Finalement, ils arriveront à Aubagne en même temps que mon train.
Petit détour pour poser les bagages à l’hôtel et nos deux familles se rencontrent.
Présentation entre Papa-Maman Véro et Maman-soeurette-beau frère de Ti’Namour, avec ce qu’il y a de « stressant » dans ces affaires de familles. Mais tout va bien, on déguste le repas, et déjà on prévoit le lendemain.
Journée sur Marseille. Le vieux, le vrai, celui que peu de touristes connaissent, celui qui va me manquer. On fait le plein de produits locaux (les navettes à la fleur d’oranger, du savon de Marseille, une petite bouteille de Pastis et les cartes postales évidemment), puis on se rend au Cap Canaille à Cassis (une falaise pas mal ben haute) pour le coucher de soleil.
Retour chez mes parents pour un bon couscous tunisien et samedi matin départ à 10h00 pour la Camargue.
Les Saintes Maries de la mer, les chevaux blancs si chers à Brassens, le bac des Salins et l’ancien port des croisades Aigues Mortes. Et déjà c’est la fin. Ce matin, dimanche, on prend un petit déjeuner ensembles, Ti’Namour fait un essai pour une job à midi et la belle famille repart sur la route direction l’Espagne.
Et là, je repense à la phrase de Kees, l’ami de notre chroniqueuse Bouh : « la vie d’un immigrant, c’est de ramener sans cesse ceux qu’on aime à l’aéroport ». Et le même coup de blues me prend. Ok, c’est sûr la famille de Ti’Namour on la revoit en septembre, mais je me suis mise à penser à ma famille, mes amis que je ne reverrai pas de sitôt.
Je suis consciente dès le départ de cette situation, et dans mon projet c’est un des éléments qui pesaient dans la balance. Mais cela ne m’empêche pas d’y penser et de redouter les pertes et les manques.
En un an d’échange Crepuq, celle que je considérai comme mon amie la plus proche est pour moi une inconnue, j’ignore tellement de choses sur ce qu’elle est et fait aujourd’hui. J’ai gagné d’autres liens avec des personnes qui me paraissaient moins proches, j’ai perdu des amitiés et des plumes. En un an ! Alors qu’en sera-t-il en deux, cinq et dix ans ?
Le doute arrive donc déjà dans ma tête ? Oui, je doute, non de mon projet, mais de ce qu’il restera de mes « tendres » années, celles où l’on grandit, où l’on apprend avec d’autres, ce qu’est la vie et ses obstacles. Le doute de revoir un jour à nouveau ceux que j’aime et qui me manquent déjà, à 200 km. Ceux qui m’accompagnent depuis 5 ans déjà et que j’attendrai toujours sur un bout de parvis universitaire par une matinée d’octobre….
Mais ne dit-on pas que «le doute est le début de la sagesse»…. Hum, je vais devenir extrêmement sage d’ici septembre, car les doutes ne sont à mon avis pas encore finis !

Un doux mélange de bonheur et de tristesse flotte donc sur la Provence aujourd’hui, qui, comme au diapason avec mon cœur, pleure ses larmes de printemps….

PS : le 20 mars est la journée de la francophonie à travers le monde et ses 63 états qui comptent des francophones.
En cette année 2006, on fête l’un de ses fondateurs, un poète, un écrivain du Sénégal et un grand homme, que j’avais étudié pour mon bac (DES) et que je redécouvre aujourd’hui.
Je vous invite donc à découvrir et redécouvrir comme moi celui qui reste le père de la littérature africaine : Léopold Sédar Senghor. Celui qui n’aima jamais tant que le français qui est pour lui « [….] les grandes orgues, qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l’orage. Il est, tour à tour ou en même temps, flûte, hautbois, trompette, tam-tam et même canon.» (in Les Éthiopiques).

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