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Il était une fois…Cartier

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Nous sommes en l’an de grâce 1534 sur le pont d’un bateau balloté par l’Océan:

« 25 avril 1534.

Ma belle Madeleine,

Je suis embarqué sur ce bâteau depuis quelques jours mais cela fait des mois que je ne t’ai vu. Quand le sieur capitaine nous a embarqué à la Pâques passée, son second nous avait promis que toutes nos dettes seraient remboursées. J’ai quitté la prison pour une poignée de pierres promises mais j’ai été un sot et un fou de l’y croire. Me voila sur cette coque de noix pour me rendre dans les terres neuves, au-delà d’un nouveau monde qu’un gênois a découvert qu’ils disent, pendant que toi tu portes mon dernier né et tu gardes la ferme comme une âme en peine. Que je pleure de ne l’y voir la face à cet enfant-là.
Le sieur capitaine veut nous mener au bout du monde, vers l’Orient et ses richesses. Nous serons riches dit-il, nous n’aurons qu’à ramasser les tissus et les pierres que les hommes jettent comme de vulgaire paillot raconte-t-il.
Les hommes ont peur. On murmure que ce n’est pas l’Orient où l’on nous mène mais l’enfer et ses démons. Madeleine, si je ne dois jamais te revoir, confies mon âme au grand Saint Christophe ma mie.

27 avril 1534.

Certains hommes murmurent dans leur sommeil. Le diable cogne à la porte de leurs esprits. Il nous fait voir des créatures étranges.
Hier, nous avons aperçu de l’eau qui sortait de la mer, en long jet. Les hommes ont peur. Nous ne savons où nous allons. Nous rationnons la nourriture, car qui sait quand nous rentrerons.
Aucun navire, aucune terre, nous sommes sur la bonne voie dit ce méchant capitaine. Mais de quelle voie parle-t-il si ce n’est celle de l’enfer?

1er avril 1534.

Madeleine, il me semble avoir vu un bâteau cette nuit. Je faisais mon quart là-haut sur le grand hune et j’ai cru apercevoir l’un de ces bâteaux de pêche batant pavillon espagnol ou français peut-être. Peut-être ma blonde que notre capitaine n’est pas atteint de rêveries diaboliques. Peut-être bien qu’il y a là-bas une terre, riche, belle, promise?
Ce matin le ciel était fâcheux, les creux auraient rendus malade toute la chienlie du bagne. Pour justifier notre folie, grand Saint Christophe, offre-nous l’opportunité de voir une terre qui vaille.

8 avril 1534.

Des oiseaux. Nous avons aperçu des oiseaux Madeleine ce matin! Des oiseaux! La terre n’est plus très loin ma belle.
Lorsque je reviendrai, je t’amènerais de ces étoffes dont on dit que seules les reines peuvent se parer. Je te couvrirais de ces pierres vertes que le seigneur de ton père portait sur son sceau. Je ferai de toi la plus belle et nous aurons 3 vaches mon amour, à nous, bien à nous, pour donner du lait à mon fils. Et jamais plus je ne devrais courber le dos pour recevoir le fouet de n’avoir payer leur dîme.

10 avril 1534.

La terre, nous l’avons vu! Une terre neuve, offerte après 20 jours de longue mer. Nous avons mis cap sur le Nord.
Le coeur des hommes et le mien est empli d’impatience. Ah la douce folie! Nous allons être riches, le sieur capitaine avait raison.

14 avril 1534.

Nous longeons des côtes effroyables Madeleine depuis quelques jours. Le sieur capitaine dit que cette terre doit être celle que Dieu a donnée à Caïn pour avoir tuer Abel. Nous avons pris la direction du sud maintenant, ces côtes si tordues ne sont sans doute que des îles infertiles, posées là pour nous détourner de notre chemin et nous faire accroire que nous sommes au bout. Mais non le grand empire est plus loin encore et nous serons les premiers à en trouver les portes par cette voie, le bâteau des bretons, car il était de la Rochelle ma mie, leur bâteau est resté en arrière. Il mouille dans une baie que le sieur a nommé Brest sur sa grande carte.
Il y trace les lignes des terres que nous voyons et la position des étoiles aussi. Il dit qu’il veut tout y consigner pour que les flottes marchandes du Roy se rendent ensuite sans danger vers l’Orient.

10 juillet 1534.

Madeleine,

Hier que d’aventures. Au matin notre coque a heurté le fond. Nous sommes trop lourds et l’eau trop peu profonde pour pousser plus avant.
Nous sommes au milieu d’une baie à quelques milles des terres. Le sieur est parti en barque avec quelques hommes car nous avons vu de la fumée sur la côte. Il y a là-bas des hommes qui vivent, pour sûr mon amour. Et nous saurons très vite si nous sommes en Orient.
La folie a repris quelques hommes qui disent que ce sont sûrement des démons que l’enfer nous envoie pour nous tenter, ma mie, moi je sais que ce n’est pas ça. Nous avons trouvé une terre ma mie, Madeleine, une terre neuve.

16 juillet 1534.

Ma mie je ne sais si ce sont des hommes mais leur apparence y est semblable. Leur peau a une teinte similaire à celle de notre Pierrot quand il aidait aux champs mais leurs cheveux sont noirs, comme leurs yeux. Plusieurs portent sur la tête un panache de plume et ces sauvages parlent une langue qu’aucun homme ne comprend. Le sieur Cartier les a rencontré il y a deux jours à peine, il nous a demandé d’être prudents mais affables avec eux.

24 juillet 1534.

Madeleine, je n’écrirai pas beaucoup ce soir. Mes bras et mes mains sont endolories par l’ouvrage de ce jour. Nous avons entrepis de construire une croix de près de trente pieds dans les troncs des arbres que l’on trouve en abondance ici. Après que nous l’eûmes élevée, le Sieur Cartier y a placé l’écusson du Roy. Nous repartons bientôt Madeleine, je reviens vers toi.
Nous n’amenons qu’une maigre récompense, deux de ces sauvages, les fils de leur Roy semble-t-il. Le sieur capitaine prétend que l’on ne nous croira pas sans ceux-là. Mais toi ma mie, tu me crois-ty? »

L’histoire de ne dit pas ce qu’advint ce marin une fois rendu à Saint-Malo ce 5 septembre 1534. En revanche on sait que l’histoire des « Terres Neuves » fut crue et l’on embarquat 110 hommes sur 3 navires pour une exploration plus longue.

« 23 mai 1535.

En ce jour béni, puisse le vent gonfler toujours nos voiles pour atteindre les Terres Nouvelles rapidement.
Nous voguons à bon train en arrière des deux Hermines et le moral des hommes est au beau fixe. Sieur Cartier nous convit à des repas sur son bâteau en compagnie des deux sauvages.
Ils nous ont parlé hier encore de tout cet or qu’on trouverait chez eux. Si nous venons à les convaincre de nous en faire cadeau, le Roy ne sera pas avare de partager sa grande richesse par quelques honneurs et titres.
L’aventure est excitante et mon vieux père avait tord de me déconseiller de suivre ce gentilhomme Cartier par delà les mers. La bénédiction de l’Évêque est avec nous, nous ne pouvons que réussir.

15 juillet 1535.

Eh bien qui eut cru que l’aventure fut si longue. Voici des jours que nous voguons et aucune terre en vue. Cartier prétend que nous n’en sommes pas loin mais rien ne nous indique qu’il ait raison. Nous avons essuyé deux tempêtes en ligne et l’équipage fait mine de chicane avec nous. Les rustres semblent prendre plaisir à nous voir malade sur le pont de ce maudit rafiot.

8 août 1535.

Nous sommes en vue des terres. Les deux sauvages s’agitent. Ils expliquent avec les rudiments de notre langue qu’ils ont apprises qu’il y a un passage, une rivière qui mène au royaume du Saguenay, là où l’eau déborde disent-ils.

16 août 1535.

Hier nous avons pris pied sur une île que nous avons baptisé l’île de l’Assomption. Et nous voila maintenant en direction du nord-ouest, nous longeons des terres sans s’y arrêter cette fois. Nous cherchons l’embouchure de la rivière dont nous ont parlé les 2 indiens.

20 août 1535.

Nous navigons sur une eau plus calme et douce. Une immense rivière mais dont les rives sont distantes de plusieurs milles. Une immense rivière.

15 septembre 2535.

Nous avons vu de nos yeux le Roy des « Iroquois », Donnacona. Il a embarqué dans son canot Cartier la semaine passée. Sa peau est plus brune que celles de nos marins mais ses manières seraient presque plus courtoises. Il a semblé heureux de voir ses fils vivants et de retour et nous a donné l’accès à un mouillage pas loin de son village, Stadaconé. Il est situé sur un Cap qui domine la rivière. Un bon poste d’observation quant à moi. Il y a sinon du génie militaire tout de même de l’inspiration en cet être là. L’iroquois prétend que ce village, est capitale de ce pays. Mais Cartier a entendu parlé d’un village plus avant dans les terres et il tient à s’y rendre au plus vite. Il craint l’hiver qui arrive et que Dommagaya lui a décrit comme effroyable. Un froid qui mord les chairs et laisse peu de chances à ceux qui ne sont pas préparer.

20 septembre 1535.

C’est finalement avec notre bâteau, L’Émerillon que nous avons mis le cap vers le village en amont. Donnacona et les siens ont tenté de nous en empêcher mais nous avons appareillé avec discrétion et avons levé l’ancre avec les hommes qui étaient sur le bâteau. Ceux qui étaient à terre sauront trouvé une place dans les Hermines.
Nous avons pris le temps d’observer le paysage. Proche de Hochelaga, le fleuve s’étrangle, et les berges autrefois si lointaines, semblent réellement plus proche depuis lors. Nous avons fait des expéditions de reconnaissance et sans contexte, la rivière est plus large en aval et va en s’étrécissant en amont. C’est pour cela que nous n’avons pas pris les Hermines, elles sont bien trop grosses pour naviguer dans ces conditions. Qui sait ce que nous rencontrerons plus loin. Nous avons cru bon de prendre des barques, si L’Émérillon se trouvait trop gros lui aussi, nous serions bien en peine d’avoir pousser si loin sans utilité.

2 octobre 1535.

Il fait nuit. Nous venons d’arriver à Hochelaga, un village en bois de quelques 2500 âmes surplombé par une montagne. Cartier a décidé que ce serait le Mont de sa majesté le Roy, le Mont-Royal. Les gens ici semblent accueillants. Ils nous convient à une expédition demain.

15 décembre.

Le mal de terre vient de faire encore des victimes. Et ceux qui n’en souffrent pas sont au prise avec le vent glacial de l’hiver.
Les neiges ont recouvert les arpents de terres aux alentours et les glaces emprisonnent nos bateaux où ils sont.
La glace est si épaisse par endroit qu’un groupe d’homme peut s’y promener sans risquer de tomber dans l’eau gelée qui coule en dessous.
Les iroquois n’ont pas apprécié la ruse de Cartier cet automne et ils semblent pressés que l’on reparte. Ou que l’on périsse.
Nous avons quand même pu échanger quelques babioles contre des fourrures et un peu d’or. Quand nous étions à Hochelaga, on nous a parlé d’une rivière qui menait au pays de l’or, dans le royaume d’autres peuples, mais nous ne savons pas s’ils sont amis ou ennemis avec nos hôtes. »

Finalement 25 personnes périront cet hiver-là du scorbut et d’autres de froid encore.
Au printemps, les choses s’envenimèrent avec les Iroquois mais un accord fut passé entre Donnacona et Cartier et au mois de mai, quand les glaces eurent complètement fondues, Cartier, la Grande Hermine et L’émérillion, 10 iroquois dont Donnacona, quittent le mouillage pour faire route vers la France, une France en guerre contre l’Angleterre, encore.
Cartier a hâte de repartir, mais le roi ne l’entendra pas comme ça et après maintes tergiversation, le marin pionnier quittera pour un troisième voyage en 1541, sans Donnacona et les autres Iroquois, pour cette terre dont il avait rêvé.
De ce troisième voyage, il ramènera ce qu’il pense alors être de l’or et des diamants (ceux-ci donneront leur nom au Cap sur lequel Cartier fit construire le second fort), et qui ne seront que pyrite (l’or des fous) et mica.

Puis viendra le temps des Compagnies qui se chargeront d’exploiter ce qui est alors exploitable en Canada. Mais ceci est pour la prochaine fois.

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