Toc, toc, toc,… euh non je me trompe, l’histoire a plutôt commencé comme ceci : dring, dring. Le téléphone sonne :
– Salut Benoît c’est François, qu’est-ce que tu fais le 15 février ?
– Je ne sais pas pourquoi ?
– Je viens en vacances chez toi !
Voici comment a débuté mon début février 2010. Vous aimeriez sûrement connaître l’identité de ce nouvel invité dans mes chroniques ? Je vous présente François, mon petit frère (sauf pour la taille), nous sommes trois frères, dont deux expatriés moi en Nouvelle-France et François en Guyane française… Chez nous, les petits oiseaux quittent hâtivement non seulement le nid familial, mais en plus le continent. Inutile de vous dire que le troisième gars de la famille est suivi de près par les parents… Interdiction de quitter la France métropolitaine !
Cette entrée en matière est simplement pour rappeler que l’immigration s’accompagne aussi d’un éclatement du noyau familial. Et tel en tremblement de terre, il faut s’attendre à des répliques qui peuvent perdurer dans le temps. Est-ce une raison pour laquelle, beaucoup d’immigrants repartent après 5 ans dans leur pays d’origine ?
La réussite d’une immigration consiste à retrouver un bon équilibre dans sa nouvelle vie. Avec les années nous solidifions les fondations de la balance, mais un évènement inattendu peu faire pencher la balance de l’autre bord, tel au sein de la famille restée de l’autre bord de la flaque. Et vlan retour précipité dans la famille, on prend goût aux retrouvailles sous un fond tragique, on annule le divorce avec la France et on se remarie.
La plupart du temps lorsque je rencontre un Québécois pour la première fois, trois questions me sont posées :
– Depuis combien de temps es-tu ici ?
– T’aimes-tu vivre ici ?
– Ta famille ne te manque pas ?
D’un point de vue syntaxique, cette dernière question se qualifie de fermée, c’est-à-dire qu’un oui ou non est censé sortir de ma bouche. Mais, en réalité, elle est ouverte car ma réponse peut être positive ou négative au gré de mon ressenti lors de cette interrogation. Tellement de facteurs peuvent perturber ma réponse : la période de l’année, mon humeur ou encore la date depuis laquelle je n’ai pas vu ma famille. Je peux autant passer des semaines à l’abri de la nostalgie, comme la subir continuellement au cours de ce même laps de temps.
Durant mes deux premières années au pays du sirop d’érable, c’est le party, tout est nouveau, tout est beau, la vie rêvée. Je m’y vois pour la vie. Toutes les fin de semaines je vadrouille à travers la province. Mon principal souci consiste à choisir la destination de mes pérégrinations. Au début de la troisième année, je suis descendu de mon nuage pour aller voir en bas ce qu’il se passe. Surprise, le rose de la vie est un peu plus terne, mais aucunement noir, simplement la routine et les petits maux de la vie quotidienne ont paraphrasé mon existence, la ramenant à la normalité québécoise. Aussi, j’ai tellement progressé dans cette nouvelle dimension de mon immigration que jamais plus, je n’ai retrouvé le chemin du petit nuage. Pourtant, j’ai lancé des recherches, mais en vain, la routine m’avait trouvé bien aimable et ne voulait pas que le rêve revienne me chercher. En soit rien là-dedans n’est triste, c’est tout à fait légitime que la réalité nous rappelle à l’ordre de temps à autres.
Les trois-quatre années suivantes embarqué sur une galère, je vogue sur la vague. Traduisez cette image par le fait que mon moral essuie des hauts et des bas, mais rien d’alarmant. Mon nouveau monde n’est pas aussi idyllique que je le croyais auparavant, mais un retour dans mon ancien monde me parait invraisemblable.
Après 5 ans, les creux sont moins fréquents (peut-être deux fois par années), mais ils deviennent plus creux et perdurent davantage dans le temps. Ainsi, je réalise particulièrement mon statut d’expatrié. Je m’ennuie de la France, comme jamais auparavant ! Pourquoi ? Je ne sais pas….
Lorsque nous vivons proche de notre famille, les rencontres s’accumulent, se banalisent, se suivent et se ressemblent. Puis une fois expatrié à 5000 km, chaque retrouvaille est un moment privilégié, tout moment a une saveur d’exception en arrière plan. Même si j’ai de la difficulté à le réaliser lors de ces moments, une fois que je retrouve ma vie au Québec, je me rends compte que je reviens d’un long voyage tel que le réveil après une brosse (cuite) mémorable. L’image de l’ivresse peut vous paraître inapproprié, mais elle résume au mieux mes impressions.
Du 14 décembre au 14 janvier 2009, après deux ans d’absence, mes pieds foulent le sol gaulois. Ce séjour aura une saveur différente des autres passages effectués jadis, due à la manière dont j’ai abordé ce retour. D’habitude, je me créer des attentes, je planifie moult rendez-vous avec mes proches. Résultat : une succession de retrouvailles de quelques heures baignées dans l’élucubration de la météorologie canadienne… euh québécoise ! Ainsi, au bout de trois semaines, ma tête surchauffe à force de jouer le perroquet et de se spécialiser dans l’énumération de souvenirs remontants de mon ancienne vie en France. Maintenant, j’ai besoin de construire de nouveaux souvenirs avec mes proches. Bien entendu, il serait injuste de les blâmer, puisque c’est moi qui ai rompu la chaine de fabrication de souvenirs communs en quittant mon environnement natal. Il est difficile de relancer la fabrication
Par conséquent, j’ai opté pour une réduction de la diversité des retrouvailles et un accroissement de la fréquence des rencontres. Monoculture
Résultat, le fait de consacrer davantage de temps avec les mêmes personnes, nous dépassons les banalités pour vivre à nouveau des moments privilégiés et uniques à nous, qui resteront gravés dans nos mémoires. L’écriture commune de nos vie à reprise et on met de côté les anciennes cassettes vidéo (désolé dans mon temps ce n’était l’ère du DVD).
Ainsi, j’ai passé des vacances enivrantes qui se sont terminées comme dans les aventures d’Astérix & Obélix par un repas frugal,…. mais au restaurant pour notre part. Par la suite, une fois raccompagné dans mon nid familial, je viraillais dans le jardin de mes parents une cigarette au bec et une âme déjà nostalgique des moments passés. Ce soir je dormirai une dernière fois sur sol vendéen, demain un train m’emmènera jusqu’à l’aéroport parisien.
J’avais enfin réussi à mettre en route le procédé qui faisait de nous des amis, mais brusquement la situation décidait la mise en veille. Pour la première fois depuis mon immigration, je me posais la question fatidique : « et si je restais en France…? ».
Cette question trotta quelques jours dans ma tête, puis face au quotidien retrouvé au Québec, elle finit par galoper vers mon inconscient pour mieux ressurgir le moment venu, peut-être lors de mon prochain voyage en Gaule… Tout n’est déjà que souvenir, sauf les moments qui ont été déjà oubliés.
Aujourd’hui, mon retour en France est loin d’être à l’ordre du jour, mais autant réalisable qu’a été mon immigration. Contrairement à un piège à souris, l’avenir le dira.
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