Quoi d’neuf Docteur?
Après quelques temps passés au Canada, je me suis dit qu’il serait temps d’aller tester le système médical. Non par joie, ni pour avoir de quoi raconter dans une chronique’ non non’ En fait, c’est à cause de mon dentiste français, qui était pourtant équipé de matériel hitech dernier cri (écran plasma, dossier informatisé’) : tout ce qu’il m’avait fait en France avant que je parte s’était débricolé, et j’attendais avec impatience d’avoir de bons « benefits » pour pouvoir y aller.
C’est donc en juin de l’année dernière, après avoir trouvé un nouveau travail, que je me suis intéressée à la question. Après quelques questions à des collègues, j’ai donc pris rendez-vous avec le docteur Tallerico.
Je n’aime pas les médecins en général et les dentistes en particulier. Je n’ai généralement rien contre les personnes mais beaucoup contre ce qu’elles représentent ! Je me souviens avoir eu droit à des corticoïdes pour une angine carabinée car j’avais attendu d’avoir tellement mal à la gorge que même respirer m’était devenu pénible. J’ai eu aussi la mâchoire qui se bloquait en baillant car j’avais trop attendu pour me faire enlever les dents de sagesse.
De plus, il faut savoir que je n’ai pas eu de chance à la grande roulette du patrimoine génétique : j’ai pioché les dents pourries. A la grande joie de mon dentiste et malheureusement au prix de grandes souffrances pour moi.
Me voilà donc chez le docteur Tallerico, jeune femme fort sympathique, en train de remplir un long questionnaire sur mon hygiène bucco-dentaire et mon passé dentaire.
Puis la torture a commencé. Je vous passe les détails. Disons juste que la dentiste a mesuré ma gencive pour me dire ce que je savais déjà : elle est dans un mauvais état. J’ai, au début, eu peur de ne pas avoir compris, vu que tout se passe en anglais, mais non, à la 2ème écoute je comprends que je commence à perdre de l’os puis je me retrouve avec une mâchoire en plastique géante sur les genoux (oui la même que l’on montre ici aux enfants de 3 ans pour leur apprendre à se brosser les dents) et j’ai droit à un cours accélérer sur le bon usage du fil dentaire.
La honte !
L’hygiéniste, beau métier qu’il conviendrait d’importer de toute urgence en France, commence son travail. En gros (là aussi je vous passe les détails) elle gratte la plaque dentaire qui se loge sous la gencive, et quand s’est la première fois que vous avez ce traitement, que vous avez presque 30 ans, que la plaque a eu le temps de bien se calcifier, c’est des cailloux qu’elle retire de sous votre gencive.
J’ai encore plus honte.
Elle me demande avec curiosité comment ça se passe en France. Je lui explique que chez nous on répare mais on ne fait pas de prévention. Elle est effarée et moi je comprends un peu mieux pourquoi je connais plein de gens ici qui n’ont jamais eu de caries et qui ont les dents bien blanches.
Beaucoup de rendez-vous ont suivi celui-là, j’ai réalisé avec bonheur qu’une gencive saine ne saigne pas et n’est pas douloureuse. Mes dents sont plus belles et mes amis français me le font remarquer. J’ai l’impression d’avoir découvert ce qu’étaient les vrais soins dentaires où tout est basé sur l’éducation et la prévention.
La 2ème étape pour moi a été l’optométriste, équivalent à notre ophtalmo en France.
En fait, l’idée d’un rendez-vous s’est imposé à moi, le jour où perdue face au petit panneau à côté du feu rouge, j’ai demandé à mon passager si j’avais le droit de tourner à gauche.
« Comment ça t’arrive pas à lire ? »
« Ben non ils abusent, c’est écrit trop petit ! »
« Tu plaisantes ? Ca dit que tu peux tourner sauf du lundi au vendredi de 8 a.m à 7 p.m »
J’ai eu un peu peur alors je me suis décidé à prendre rendez-vous. Ma collègue me conseille une optométriste francophone. Je prends donc rendez-vous et quelques jours plus tard je suis dans le bureau du Dr Bergeron qui s’exclame en lisant ma fiche :
« Sophie ? Tu parles français alors ?! »
Super, elle a même tout le matériel en français.
Ca se passe exactement comme en France. On lit les lettres au loin, puis de près. Ensuite elle me dit de lui laisser mes lunettes et qu’elle va voir si ma vue à beaucoup changé ou pas (j’ai fait le test sans les lunettes).
Puis elle me rappelle et me dit :
« Tiens c’est drôle, en fait ta vue a vraiment changé : t’es myope ! »
J’étrangle mentalement mon ancienne ophtalmo qui en fait prenait juste la peine de mesurer mon ‘il dans sa machine magique car pour elle, j’étais astigmate !
J’ai maintenant des lunettes adaptées et je n’ai plus de problèmes pour lire les panneaux quand je conduis, mes passagers sont rassurés !
La dernière étape pour le moment, a été de trouver un médecin de famille. Ce n’est pas une mince affaire.
Je me lance tout d’abord, pleine d’espoir, sur une recherche via le site des praticiens de l’Ontario, rubrique médecins de famille acceptant de nouveaux patients. Après quelques appels infructueux, dont un s’est avéré en fait être un psychologue et non un généraliste, j’ai abandonné. Le site n’a en fait pas été remis à jour depuis plusieurs années.
En lisant un article, je réalise que les hôpitaux ont des départements de médecine de famille. Il s’agit d’un programme de 2 ans pour les médecins diplômés. Il y a donc régulièrement des médecins libres, le hic, c’est qu’une fois qu’on en a un, on doit en changer tous les 2 ans.
Mais bon, à bout de ressources, je prends rendez-vous au département de médecine de famille de l’Hôpital Mount Sinaï, ils ont de la place pour dans un mois.
Un mois plus tard, donc, j’arrive à l’hôpital. Je vais, comme on me l’avait expliqué au rez-de-chaussée pour pouvoir m’inscrire et obtenir la carte de patient de l’hôpital. Pas de problème.
Je me dirige ensuite au 14ème et là aucun panneau n’indique le département de médecine de famille. Je vais à l’accueil et les infirmières m’ignorent prodigieusement. J’arrive à attraper une fille au détour d’un couloir qui a un badge de l’hôpital autour du cou.
Elle ne sait pas où c’est. Elle demande à une collègue qui lui dit qu’ils ont du déménager au 4ème. Je reprends donc l’ascenseur, légèrement agacée, et ressors au 4ème. Une petite dame est assise à une table minuscule face aux ascenseurs. Je me dirige donc vers elle et lui demande où se trouve le département de médecine de famille.
Elle me montre un plan collé sur son bureau et tend un doigt sur les escalators situés derrière elle. Je suis en train de bouillir.
Je descends donc les escalators, traverse le hall, sors dans la rue, tourne à droite et aperçoit le petit immeuble qui abrite les nouveaux bureaux du département de family medecine.
Je traverse le hall, prend l’ascenseur et arrive dans une gigantesque salle d’attente qui sent encore la peinture. Une grande ligne de petits guichets s’étend sur le mur du fond. Un sentiment de déjà-vu m’envahi. P*** on dirait les bureaux de la Sécu. Ce sentiment s’amplifie lorsque je m’avance vers un guichet et que la fille derrière m’ignore royalement et continue à parler avec sa voisine, je tente ma chance au 2ème guichet où la fille me dit sur un ton méprisant de s’adresser à sa collègue et je suis au bord de lui demander s’ils ont tous été effectuer un stage en France, mais préfère garder un profil bas pour le moment.
Le 3ème guichet est la bonne pioche. La fille est étonnée que personne ne m’ait contactée pour me dire que l’adresse avait changée et me donne une pile de formulaires à remplir. Je me dépêche pensant que le médecin m’attend déjà avec impatience. Mais non !
J’ai le temps de me fossiliser sur ma chaise avant qu’il vienne me chercher. Il s’excuse vaguement avant de me faire entrer dans son bureau.
Un long questionnaire sur mes antécédents suit. J’ai l’impression de passer la visite médicale pour le visa une seconde fois et suis à deux doigts de lui faire la remarque. Pas sûre que ce soit de son goût. J’ai droit ensuite à la prise de tension et test des réflexes puis à un discours remplit de fierté sur le fait que je suis migraineuse. Il a l’impression d’avoir fait la découverte du siècle et j’ai envie de lui arracher les yeux. Autant d’attente pour ça ? Pas de prise de sang histoire de contrôler si tout est ok ? Pas le temps de parler de mes « autres problèmes » ? Il me lance un « vous n’avez qu’à prendre rendez-vous pour dans 3 semaines puis on continuera le bilan » qui m’achève.
Une matinée pour ça ? Est-ce qu’il a bien compris que je travaillais ? Est-ce qu’il a l’impression que je n’ai que ça à faire : Perdre mon temps pour m’entendre dire ce que je sais déjà !
Je suis folle de rage et me promets de ne jamais retourner le voir. Le problème c’est que malgré de nombreux appels, je n’ai toujours pas trouvé de nouveau médecin.
Donc voilà ma petite expérience avec le monde médical canadien. Celle qui a priori attend tout nouvel immigrant. Du bon et du moins bon. Je vous souhaite plus de chance que moi pour trouver un bon médecin de famille.
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