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5 ans.. comme le temps…

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5 ans.. comme le temps passe vite !

Dans quelques jours, nous allons passer le cap des 5 ans depuis notre immigration.

Personnellement, je ne suis jamais retournée en Europe depuis, mais nous prévoyons de le faire au mois de mai prochain.

Je me demande ce que je vais y trouver, ressentir.

Est-ce que je vais avoir peur sur les autoroutes en Allemagne et Belgique ? C’est fort probable. Parce que dans ce « pays de sauvages » comme ma Grand-Mère appelle le Canada (par méconnaissance) on a un style de conduite bien plus civilisé qu’en Teutonie et en Belgique par exemple….

Comme beaucoup d’entre vous autres qui avez déjà vécu une visite dans votre pays d’origine, la foule va certainement m’impressionner….

Alors dès que les vols directs Whitehorse-Francfort reprennent (mi-mai), on a prévu d’y aller. Montrer nos petits gars qui vivent dans le Grand Nord au milieu des sauvages hihihi…. à ceux et celles de nos familles qui n’ont pas eu la chance de les voir depuis 5 ans ou même jamais pour certains. Il y a 5 ans, j’avais emmené Antoine avec moi, en train, pour aller voir ma Grand-Mère (qui est décédée la semaine passée à l’âge de 92 ans – mais là n’est pas mon sujet aujourd’hui sauf que j’aurais tellement aimé qu’elle vive encore deux petits mois…. juste pour me donner une dernière chance de la prendre dans mes bras) dans sa Bavière profonde. Timmy était encore un bébé, et je l’avais laissé avec ma Mère ce jour-là, donc elle ne l’a jamais vu en chair et en os. Et là, ils ont presque 8 ans et 6 ans. Ils n’ont aucun souvenir de l’Europe. Leur patrie, c’est ici, au Canada.

5 ans déjà…. parfois je me demande comment ça se fait que le temps passe si vite ! Les gens autour de nous qui n’étaient pas d’accord avec notre projet, disaient derrière notre dos que nous reviendrions « la queue entre les jambes » chez Papa et Maman avec nos enfants sous l’bras dans 1 ou 3 ans, selon les personnes. C’était ou mal nous connaître ou simplement trop souffrir de nous voir partir ou de la jalousie tout bêtement. Même si notre immigration avait été un « flop » total, jamais on ne serait revenus chez nos Parents, quelle idée !

La chance nous a souri, et nous avons eu du travail rapidement (1 mois après avoir sérieusement commencé à chercher….), tous les deux dans nos domaines. Pas de souci non plus pour les garderies de nos deux petits gars, pour partie certainement grâce au fait que nous étions toujours à 100 km (à l’est) de Montréal.

Nous avons pu acheter notre maison au bout de 5 mois…. elle était en vente depuis plus de deux ans, et personne n’en voulait. Trop grande. Trop de terrain. Trop de boulot. Soit. Nous on la voulait bien ! J’ai retrouvé du boulot tout de suite, et au bout de 5 semaines une job 100% dans mon domaine, au cœur du village.

Nous voulions ENFIN baptiser notre petit dernier qui avait 2 ans entretemps, et en prenant contact avec le curé, nous avons fait notre entrée dans un nouveau monde…. Les gens nous connaissaient parce que nos deux petits anges semaient la zizanie tous les Dimanches à la messe, on a été recruté pour la chorale, bref un réseau de plus à côté de celui de la gardienne d’abord puis de la garderie, de la maternelle et du boulot. Les liens se tissaient avec les commerçants du village, les voisins, les rencontres aux festivités et autres événements culturels de tout genre. Même que le maire me connaît depuis belle lurette par mon nom ainsi que celui de mon mari, et que je faisais de temps en temps des petites traductions pour lui en vue de son voyage à la rencontre quinquénnale des « Waterloo du Monde » en Allemagne….

Nous pensions sérieusement poursuivre notre chemin ici, dans ce village superbe en Estrie, ce village à la mauvaise réputation d’antan qui lui colle toujours mais qui n’est plus le reflet de la réalité. Nous nous sentions aussi « chez nous » que ce faire se peut lorsqu’on est immigrant.

Mais comme beaucoup d’entre vous le savent, nous n’étions pas encore au bout de notre route, et un autre grand chambardement nous attendait…. L’appel des Rocheuses a fait son travail, aidé par quelques « situations » typiquement québécoises que nous ne voulions pas accepter si nous avions le choix. Jamais je n’aurais cru que je pourrais « faire le deuil » de notre maison québécoise aussi vite. Je n’ai pas encore fait celui des gens laissés derrière nous et que je ne suis pas certaine du tout de revoir avant longtemps voire jamais. On s’écrit avec beaucoup d’entre eux, et là encore, comme lorsque nous avons quitté l’Europe, ce ne sont pas forcément ceux que l’on côtoyait souvent ou très régulièrement, qui restent les plus présents dans notre nouveau quotidien….

Même si c’est notre choix, sans la moindre obligation aucune imposée par qui que ce soit d’autre que nous-mêmes, j’ai eu du mal à quitter « mon » village. Nous y avons bien plus d’attaches avec des personnes que ce que nous avons jamais eu dans nos villages d’origine où nous avions vécu toute notre jeunesse sans jamais déménager pendant 19 ans, et pas seulement 4 ans à peine.

Je suis au Yukon avec nos deux garçons, et mon barbu de mari Flamand va finalement nous rejoindre pour de bon début mai avec toutes nos « petites affaires » dont certaines que j’ai extrêmement hâte à retrouver : un vrai matelas pour moi et un AUTRE pour les enfants (ça va bien un temps un canapé-lit Ikéa pour 3 personnes, mais plus de 6 mois, c’est looooong….) par exemple ! Une page de notre immigration est tournée, peut-être même que c’est un épisode entier qui vient de se terminer et un nouveau de commencer. Nous avons été accueillis avec autant de chaleur ici qu’au Québec, et nous avons déjà ce que j’appellerais de vrais Amis ici, tant francophones qu’anglophones, et les germanophones ne devraient pas tarder non plus ?

Comme j’ai pu l’évoquer dans une chronique précédente, la vie a un rythme différent ici, et l’Allemande en moi a encore quelque peu du mal à s’ajuster à ce qui s’appelle le « Yukon time » qui consiste à expliquer et excuser tout retard ou même absence d’une personne à un rendez-vous donné…. Cette semaine, je commence mon 7e mois ici, et j’ai l’impression de n’avoir jamais vécu ailleurs tant je me sens acceptée sans restriction avec mes trois hommes ?…. Nous avons des idées relativement précises sur la suite de nos aventures, et nous ne nous expatrierons pas – pas encore ? – dans une région éloignée puisque nous prévoyons acheter un terrain au bord du développement résidentiel et y construire NOTRE maison, le plus proche possible du 100% à nos idées y compris la notion d’écologie et matières renouvelables (on a déjà trouvé l’architecte – d’origine japonaise – qui va le faire avec nous). Ainsi nous ne serons pas loin de l’école des garçons et pourrons y aller à pied (env 20-25 minutes) partiellement à travers les bois, et pour moi le bus sera à 5 minutes.

Nous n’aurons plus d’emprunt à rembourser, et en vivant plus simplement, à deux mille kilomètres du prochain vrai centre d’achats (Vancouver ou Edmonton), nous comptons beaucoup sur une diminution de ce stress de la fin de mois pas toujours facile même avec deux salaires très corrects (situation au Québec). Et si on veut vraiment passer du temps en immersion totale avec la nature, eh bien on s’achètera un bout de terrain loin de la ville et on y mettra d’abord une tente puis une tite cabane en bois rond, na !

Et qui sait, dans 5 ans, peut-être qu’on aura trouvé un bout de terrain au bord d’un lac ou du Yukon ou de la Takhini River, et on pourra envisager le début de la mise en œuvre de la réalisation de notre projet de vie : le Bed & Breakfast pour familles avec jeunes enfants et handicapés. Le temps d’apprendre le Yukon, ses habitants, ses possibilités, ses risques, ses inconvénients.

En 5 ans, notre vie a changé à un point que je n’aurais jamais pu envisager. Mon mari non plus d’ailleurs. En 5 ans, nous avons déposé petit à petit le gros baluchon du stress quotidien aigu avec le quel nous avons grandi en Europe, et au fur et à mesure de notre découverte de qui nous étions et ce que nous aimions au fond, nous avons tenté de répondre à nos aspirations dont la plus grande est certainement celle de donner le plus de chances, bagages, trésors à nos enfants pour leur laisser un choix de vie quand ce sera leur tour de faire leur propre vie.

En quittant l’Europe, nous avons refusé de nous laisser enfermer dans un cercle vicieux de sous-estime de tout et chacun et combat pour une mini place au soleil. Notre nouvelle vie nous a appris en 5 ans que nous étions des personnes avec des valeurs et des compétences, et je vous jure que la prise de conscience dans ce sens est toute une aventure en soi! Oui, nous avons toujours eu la chance avec nous, soit. Mais est-ce que la chance ne vient pas partiellement aussi des choix que nous faisons de part et d’autre ? Et je suis également convaincue que le partage est un grand facteur de bonheur parce que les joies se multiplient vraiment en les partageant tandis que les chagrins se divisent. Donner de son temps et de sa chaleur humaine à la communauté où l’on s’est installé porte ses fruits en un clin d’œil, et quoi de plus gratifiant que le bonheur dans les yeux d’une personne que l’on a aidée d’une façon ou d’une autre? Il me semble que l’implication individuelle, et j’inclus ici le bénévolat, a une place aux premières loges ici au Québec comme dans le reste du Canada tandis qu’en Europe, on n’a pas cette notion de se donner partiellement à son village ou son quartier. Mais bon, je suis partie il y a 5 ans, et je ne sais pas si les choses ont évolué dans ce domaine de l’autre côté de la Grande Bleue….

De façon générale, je ressens que l’on peut vivre de manière plus naturelle au Canada, plus vraie. Mais je conçois que peut-être ceci est plus le cas dans des petites communes et pas dans les grandes villes comme Montréal et Québec. Le « qu’en dira-t-on » n’a pas l’air de se pratiquer, du moins pas autant qu’en France, Allemagne et Belgique. C’était ce qui nous avait déjà fasciné au Colorado qui n’a rien à voir avec les états de la côte est ou même la Californie : les faux semblants y étaient déjà infiniment moindres qu’en France! Denver passait pour un « grand village de vaches », et c’est vrai aussi farfelu que cela semble, même avec ses 3 millions d’habitants. Du moins c’était vrai lorsque nous y vivions il y a maintenant déjà 7 ans aussi….

Ceci est ma dernière chronique, chers Amis. Je n’ai plus grand-chose à vous raconter qui soit d’un quelconque intérêt pour la majorité d’entre vous qui immigrez ou vivez déjà au Québec, et j’en ai fortement conscience. Ceci dit, je ne quitte pas le forum. Je ferai toujours partie des accros, et je participerai toujours quand cela sera pertinent. Mais je ne suis plus du tout à jour avec toutes les démarches d’immigration, et depuis quelques mois, je ne peux plus tellement répondre au sujet de questions portant le plus souvent sur les choses reliées au Québec. Je vivais en région, et je me faisais un plaisir de vous faire connaître l’existence d’une vie possible et belle en dehors des murs de Montréal et Québec, mais beaucoup d’entre vous le font maintenant aussi, et les débats ne se limitent plus autant aux grandes agglomérations ce qui à mon avis donne une mosaique plus réaliste du Québec. Bref, vous n’avez plus besoin de moi, et c’est avec un certain plaisir que je prends ma retraite de l’équipe des chroniqueurs aujourd’hui.

Merci Laurence, de m’avoir offert cette école de l’écriture qui fût un vrai bonheur pour moi et que sans toi, je n’aurais sans doute pas découverte. Si un jour je devais réellement écrire un livre à mon tour, tu pourras te sentir un peu responsable….

Merci à vous tous de m’avoir lue aussi fidèlement au cours de toutes ces années! Et je ne dis pas au revoir ni adieu ni quoi puisque je reste avec vous! Et qui sait, de temps à autre, je vous en pondrai peut-être une petite de chronique, histoire de me défouler et de vous donner des nouvelles….

Monika

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