Immigration et idéalisation
Vous en êtes tous bien conscients, que cela soit en tant que futur immigrant ou qu’en tant qu’immigrant accompli, si l’on décide de s’installer quelque part, c’est soit, pour vivre une expérience, soit pour améliorer sa condition de vie. Soyons d’ailleurs réalistes, la plupart du temps on décide de changer de pays pour ces deux raisons.
En effet, je ne connais pas beaucoup de monde qui souhaiterait immigrer pour voir leur condition de vie se dégrader. À moins d’avoir certaines prédispositions pour le masochisme, notre condition de vie est tout de même l’une des principales choses que l’on souhaite améliorer en quittant son pays d’origine.
Évidemment, selon d’où on vient, les variations peuvent être plus ou moins importantes. J’imagine que lorsque l’on vient d’un pays pauvre, ou en proie à une certaine instabilité politique, nos conditions de vie ici seront transformées, ce qui ne sera peut-être pas aussi flagrant pour un ressortissant de l’Europe occidentale par exemple. De plus, selon les individus, on ne recherche pas tous la même « transformation ».
Ce qui est assez unique au Québec, mais aussi au Canada, c’est que se sont des endroits où l’on peut satisfaire aussi bien ses aspirations aventurières que son esprit casanier et citadin. Et même pourquoi pas les deux !
Alors, lorsque l’on attend la fameuse missive brune de l’ambassade canadienne, on se prend à imaginer notre vie là-bas, de l’autre côté de l’océan. Et lorsqu’on imagine, on pense inévitablement aux clichés ressassés des paysages canadiens et québécois. De ces étendues blanches et immaculées, de la Transcanadienne rectiligne qui fend l’épaisse forêt jusqu’à en rejoindre l’horizon. Bien sûr, on imagine aussi que cela ira mieux dans notre existence. Qu’on aura un bon travail, payé convenablement et que l’on sera rempli d’une grande sérénité, loin de certaines préoccupations qui mine notre petite routine.
Et puis il y a les amis et la famille. Ces personnes qui ne comprennent pas toujours les raisons et les motivations de votre choix. Et même pour ceux qui vous encouragent dans votre décision, il ne sera pas toujours inutile de tout de même leur expliquer vos raisons.
Il est clair à ce moment là que vous n’allez pas leur expliquer tous les défauts de votre futur lieu de résidence et les inconvénients d’une vie au Canada. D’ailleurs, il est bien rare de connaître les défauts avant de véritablement y vivre. À moins de se savoir frileux, auquel cas il y a un inconvénient qui vous viendra naturellement à l’esprit. En tout cas j’imagine !
Sachant tout cela, où ce situe exactement la frontière entre l’idéalisation béate et le réalisme terre-à-terre de sa future expérience de vie ? Ne sommes-nous pas tous, à un moment donné, rendu coupables de dire ou même de penser que cela sera tellement plus merveilleux une fois rendu au Canada ? Ah ! Loin les soucis, loin la routine ! Notre vie va être littéralement transformée ! …. Peut-être que j’exagère un peu, mais à lire certains messages parfois sur le forum, cela m’effraye presque. Car, même si le Québec et le Canada ont des avantages indéniables et que la vie ici peu pleinement satisfaire certaines personnes (j’en suis !), il faut aussi bien avoir en tête que tout le monde n’est pas fait pour vivre dans un autre pays que le sien. Tout le monde n’est pas fait pour le Québec ou le Canada.
De là, le risque de trop idéaliser son futur pays d’adoption est tout de même bien présent, mais ce phénomène peut aussi être assez compréhensif. En effet, l’attente peut être parfois grande, le désir de transformer sa vie peut être parfois fort, à tel point que l’on ressent ce besoin de se convaincre soi-même de la justesse de son choix.
Il y a aussi un autre élément à ne pas négliger. L’immigration n’est pas quelque chose de facile, on en a très souvent parlé : l’éloignement, le changement de vie et de carrière, l’adaptation puis l’intégration…. bref, des tas de choses qui ne sont, a priori, pas très naturelles pour l’être humain. Alors, comme pour se motiver dans les temps difficiles de la préparation au grand départ, certains peuvent être tentés d’idéaliser le Canada.
Cela ne serait pas spécialement dangereux si cela ne concernait pas leur propre avenir. Cela est dangereux dans le fait que l’on se heurte violemment, une fois arrivé, à la réalité qui n’est pas forcément celles des cartes postales et des guides touristiques. Réalité qui n’est pas forcément celle que l’on s’était imaginé et même approprié.
Dans les difficultés quotidiennes que revêt l’apprentissage de tout nouvel arrivant, se rendre compte que la réalité ne correspond pas à nos aspirations peut littéralement casser notre élan, briser la plus grande des motivations et plonger l’immigrant dans le doute, voire même le désespoir.
C’est souvent le conseil que je donne aux futurs immigrants : n’attendez rien de votre future vie au Québec, à part peut-être vous sentir mieux dans votre peau, car, c’est tout de même ce qui arrive dans la très grande majorité des cas.
N’attendez rien ou plutôt, n’ayez pas d’attentes trop fortes et disproportionnées. Il est certain qu’ici vous aurez la sécurité, vous verrez ce qu’est vraiment le respect et la civilité, mais ne vous imaginez pas décrocher la job du siècle et devenir riche…. À moins de l’être déjà, bien sûr.
Et puis, même dans le meilleur pays au monde, on peut aussi se tromper. La réussite, c’est d’abord une affaire personnelle. La chance, on la crée. Son existence, on la construit et l’on en est le seul responsable, quel que soit l’endroit où l’on a décidé de poser sa valise. C’est d’abord une question de motivation et de tempérament…. mais ça, vous le saviez non ?
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