Les tombes de Vimy
Ma famille paternelle est originaire du nord de la France, du » pays des corons « , comme dit la chanson. C’est un » plat pays « , comme le dit une autre chanson, qui a longtemps vécu du charbon ; un pays de mineurs de fond, de » gueules noires « .
Mes étés de petit garçon, je les passais quasiment tous chez mes grands-parents à Neuville St-Vaast, à quelques kilomètres d’une petite ville, et d’un bois appelé Vimy.
Ce bois de Vimy, on y allait souvent, pour marcher, profiter du plein air. On y allait aussi pour me permettre, ainsi qu’à mes cousins qui partageaient souvent mes vacances, de jouer dans les tranchées de Vimy ; ou plutôt la reconstitution des vraies tranchées de Vimy…. Creusées durant la première guerre mondiale.
C’est comme ça que j’ai découvert les canadiens, quand on m’a appris que nombre de soldats de ce pays, durant cette guerre atroce (mais quelle guerre ne l’est pas ?) était mort pour la France.
Vimy est un endroit surréaliste, tout entier voué à la mémoire, au souvenir.
Aux pieds d’un énorme monument aux morts, qui dresse son marbre blanc et ses sculptures de deuil face à la plaine, s’étend une vaste zone où les cratères creusés par les obus restent encore ouverts, comme de grandes blessures non cicatrisées. Près de cent ans après les faits, les obus peuvent encore éclater, et d’ailleurs de nombreux écriteaux en avertissent les promeneurs.
Plus loin, c’est le cimetière, véritable forêt de croix blanches. Tous des canadiens.
En haut d’un mat flotte le drapeau à la feuille d’érable. Car Vimy est officiellement territoire canadien. Peut-être pour assurer un meilleur repos aux enfants du pays….
Pas très loin de là, comme je le mentionnais plus haut, furent reconstituées, à l’aide de faux sacs de sable en ciment, quelques courts réseaux de tranchées de casemate. D’un côté, à l’ouest, c’étaient les canadiens, alliés ; en face, à l’est, c’étaient les allemands. Là aussi les cratères ne manquent pas, mais ceux-là sont sécurisés, offrant aux enfants un espace de jeu assez incroyable. On a cependant peine à imaginer ce à quoi devait ressembler cet endroit durant la guerre, sans doute à anti-chambre de l’enfer.
Je ne sais pas exactement combien le cimetière de Vimy compte de tombes. Ce qui est sûr, ce que, comme à Verdun par exemple, Vimy a été, l’espace de quelques jours sombres, le théâtre d’un boucherie sanglante, comme (seul ?) le XXème siècle a su en produire. C’est sans doute là que l’expression » chair à canon » a pris tout son sens, littéral, tragique. ….Combien de morts au mètre carré ?? Combien de vie pour quelques mètres vers l’est, un peu. Pour rien.
Bref…. Si je vous parle de cet endroit, c’est pour vous dire que, peut-être, c’est de là qu’est venu, du moins en partie, mon attrait pour le Canada.
De voir qu’ils sont venus de si loin (Saskatchewan, Alberta, Manitoba, Colombie-Britannique, Québec, etc.) pour mourir en terre française, on ne peut s’empêcher de penser que, quelque part, ce sont nos frères.
Vimy en est le symbole.
Leave a comment