Quelle expérience !
Arrivée au Havre, un responsable de Canada maritime m’emmène jusqu’au bateau où je rencontre le capitaine (écossais) et quelques officiers de l’équipage indien. On m’indique ma cabine, digne d’un hôtel 4 étoiles (grand lit, canapé 3 places, bureau et son fauteuil, réfrigérateur, salle de bain) où je peux entreposer mes 135 kg de bagages. Au même étage se trouve le salon pour les passagers (télé, magnétoscope et chaîne.)
Pour la traversée, nous serons trois : un suisse habitué aux voyages cargo, un militaire canadien rentrant chez lui et moi.
Départ jeudi matin à l’aube. Je regarde les côtes françaises s’éloignées.
Pour profiter au maximum des courtes journées d’hiver, rien de tel que de les passer sur la passerelle (le point le plus haut du cargo d’où le capitaine et ses officiers pilotent le navire). C’est un endroit particulièrement agréable avec une vue évidemment imprenable, plein d’appareils de mesures et tout pour être confortablement installé et jouir du spectacle de l’océan (sans déranger les officiers qui travaillent bien entendu).
Après la Manche relativement calme, l’océan atlantique nous ouvre ses eaux plus agitées et ses changements de temps surprenants : timides ou éblouissants rayons de soleil, averses de grêle ou de neige telles des rideaux, pleine lune, brouillard, tempêtes, etc.
Nous voulions tous plus ou moins secrètement faire l’expérience des tempêtes hivernales atlantiques. Et bien je n’oublierai jamais ce dimanche 2 décembre.
Ajoutez à une tempête (force 11) une manœuvre dangereuse de vérification de l’amarrage des containers et vous obtenez un gîte (tangage de droite à gauche) de 42 degrés (limite maximale avant que le cargo ne se couche ou même ne se retourne ~45.) Tout ce qui n’est pas correctement amarré est entrainé d’un bord à l’autre du navire. Les chaises se fracassent, les cuisines sont dévastées, dans les cabines règne un désordre apocalyptique. Le tumulte du vent furieux, des vagues gigantesques, du désordre intérieur incontrôlé, des containers tirants sur leurs cables, de l’armature du cargo geignant sous les contraintes est assourdissant. Quelle frayeur ! Couchée sur mon lit, mon laptop dans les bras, j’attends la fin de la tempête.
Le golfe du Saint-Laurent est atteint et le calme revenu. Le spectacle de cette nouvelle immensité s’offre enfin à nous. Le brouillard ne permettant jamais à cette époque de l’année d’entrevoir Terre-Neuve que nous passons par le nord, se lève enfin pour nous offrir les premières falaises mystérieuses et enneigées de l’est du Québec. Et puis enfin (ou déjà L) la descente majestueuse du Saint-Laurent : les dauphins, l’excitation de découvrir ces terres nouvelles et si vides et au bout, après le passage obligatoire à Québec tout illuminé, Montréal, mon nouveau chez moi, mon nouveau monde.
Sept jours de traversées et de sensations inoubliables.
FrenchPeg
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