Visite de la famille.
Et voilà nous y sommes : le jour J, l’arrivée de la famille…. C’est la première fois en hiver pour mes parents, qui viennent me voir un mois par an, et ma sœur, mon beau-frère et ma nièce, en revanche, c’est la première fois tout court. Évidemment puisque ma nièce n’a même pas deux ans. C’est la première fois que ma sœur vient en Amérique. Ma mère souhaitait que l’on fête Noël ici, tous ensemble cette année, mais voilà, seul février a arranger tout le monde.
Comme d’habitude, je n’ai pas eu le temps de tout faire…. : pas fini tout mon travail à temps pour être tranquille ; le ménage n’est pas totalement terminé, le rangement non plus; j’abandonne l’idée de repasser l’aspirateur, je n’ai plus le temps et puis….. Je m’en fous un peu aussi.
En route vers la station de bus, près de l’hôtel Saint-Elisabeth, je suis énervée et soucieuse. Pourtant, petit à petit, ce sentiment inquiet face à cette invasion fait place à une excitation croissante. Je vais revoir ma nièce, et ma sœur n’est jamais venue chez moi, à Montréal.
Le temps est pourri. Montréal est grise et la neige toute sale. Les autoroutes et les abords de la ville ont une triste mine industrielle. Les wagons arborent tous fièrement l’inscription Canada….. Ils doivent avoir des images plein la tête du Canada, de cette contrée pour eux lointaine… Peut-être qu’ils s’imaginent des bordées de neige comme sur l’autoroute du Labrador… Paysage d’une blancheur féerique et irréelle…. Je me répète le mot Canada dans ma tête comme pour essayer d’imaginer ce qui peut se passer dans leur tête alors qu’ils atterrissent, sans doute ….. Tiens…. C’est fou !…. Un sentiment de fierté et de bien-être m’envahit …. C’est chez moi ici…. Je n’ai plus ce sentiment de contrée lointaine, plus cette impression d’exotisme… mais cette grande joie et fierté… J’habite à Montréal…. Montréal…. Montréal… au Québec…. Le Québec… au Canada….
Des relents d’inquiétude remontent …. Où va-t-on garer le van ?…. Comment va-t-on se supporter dans mon 3 _ ?…. Ils vont sans doute trouver ça petit…. et ils vont avoir trop chaud….. Pourvu qu’ils ne m’énervent pas à tout critiquer…. mais bon on part à Saint-Sauveur une semaine….
Les wagons des trains le long de l’autoroute présentent de graffitis ça et là…. C’est marrant cette omniprésence de la jeunesse, du subversif, de la vie, partout, là où la vie est devenue trop sérieuse… Oui d’ailleurs, je n’ai aucune raison de m’énerver et de m’inquiéter… Je suis heureuse, ici, c’est chez moi et ils ne viennent pas y vivre, juste en visite de deux semaines. La mauvaise humeur est contagieuse, il faut juste la combattre, que je sois plus forte que ça…. Il faut relativiser…. rester calme….. ne pas stresser…. pour eux. Ce n’est pas leur faute, à eux…. ils vivent en France…. Ils n’ont pas encore compris les bienfaits de la bonne humeur quotidienne, là-bas, du bonheur d’une attitude zen et détachée par rapport aux petits tracas de la vie….
L’aéroport…. nous y sommes….. Oops…… J’ai totalement oublié de déjeuner…. tant pis….. Évidemment…. je suis descendue au terminal Domestique…. pas grave…. l’aéroport est petit.
Mais comment se fait-il qu’ils n’aient rien trouvé de mieux que de mettre deux énormes colonnes juste DEVANT les seules portes des arrivées internationales !!! Déjà qu’on ne peut voir qui arrive que quand les portes s’ouvrent!… Là, tout le monde est obligé de se contorsionner pour voir si les voyageurs ont passé la douane et attendent leurs bagages…. Quelle idée !…. Mais bon…. des travaux et un nouveau hall des arrivées sont annoncés….
Devant moi, une mère et de jeunes adolescents parlent russe avec grande animation. Ils ont un fascinant air asiatique comme dans les livres … peut-être des Mongols, des Kazakhs ou des Iakoutes…. L’attente semble longue…. Ils passent derrière la barrière, impatients. Un agent de la sécurité les rappelle à l’ordre…. Puis la porte s’ouvre et deux personnes âgées poussant un chariot surmonté d’énormes sacs de toile arrivent. Cette fois, c’est le débordement. Toute ma famille de Sibériens (j’ai décidé qu’ils sont de là-bas) accoure ; visiblement les filles avec leurs enfants. Les nouveaux arrivés sont submergés et bientôt en larmes. La grand-mère sert ses filles et ses petits enfants dans ses bras; le grand-père tapote, ému, la tête d’un de ces petits-fils qu’il n’a sans doute pas vu depuis longtemps avec l’expression surprise, et universelle, de celui qui s’étonne que les enfants grandissent si vite… Une famille à nouveau réunit. Tout l’aéroport en a les larmes aux yeux. La douleur des grands parents d’avoir quitter leur terre fait totalement place, alors, au bonheur de retrouver les leurs….
D’ailleurs où sont les miens !
La porte s’ouvre et se ferme…. on ne voit rien… c’est long …. Tout à coup, je le vois, c’est toujours lui que je vois en premier, mon regard doit être conditionné : l’homme de ma vie, mon père… puis j’aperçois ma mère et ma sœur…. ils arrivent à la douane …. je ne vois pas mon beau-frère ni Prune…. les portes se referment…. s’ouvrent … se referment… ils ne me voient pas… je les perd de vue… les portes s’ouvrent à nouveau…. Cette fois mon père est plus prêt et me voit. Il me fait un signe et sourit et me fait signe qu’ils sont crevés…. Ma mère le rejoint bientôt, Prune dans les bras …. Ça doit avoir été bien long pour le bout de chou…. À chaque fois que les portes s’ouvrent ma mère me montre du doigt et je fais coucou à Prune…. Je dois avoir l’air débile, mais je m’en fous totalement 🙂 Enfin Prune me voit et me fait des signes en riant…. mais la porte se referme…. Elle semble ne pas comprendre pourquoi je ne vais pas les rejoindre…
Enfin, ils sortent …. J’ai enfin droit à mon « Tatie! Tatie! » de près….. Tout le monde à l’air exténué.. Prune n’a pas dormi une seule seconde dans l’avion et ils n’ont pas réussi à avoir de siège pour elle. Mais, ils sont arrivés chez Tatie, à Montréal, au Nanana, comme dit Prune. Le vent souffle la neige en bourrasque. Prune se demande comment ça se fait. « Il fait froid chez Tatie, hein, mon bébé? »
Ce matin il neige. Cela fait maintenant 5 jours qu’ils sont arrivés, nous nous apprêtons à quitter le beau chalet que nous avions choisi à Saint-Sauveur avec ma mère. Tout le monde a été ravi de ce choix dans les arbres. Je n’aime pas jouer pour perdre, donc je préfère y mettre le paquet pour être sûre.
On a skié, fait des bonhommes de neige, de la luge, manger de la raclette, jouer aux cartes (enfin.. pas moi…. y’a des limites à mon implication….), fêter les 40 ans de mariage de mes parents et appris la nouvelle grossesse de ma soeur…. Prune approche de l’âge de test, elle est devenue capricieuse. Mais c’est difficile de ne pas la laisser faire tout ce qu’elle veut quand on la voit peu…. En plus elle sent la présence du nouveau bébé au travers de la fatigue de ma sœur …
La famille…. ce beau concept, si formidable théoriquement…. si compliqué et usant en pratique….
Dans quelques heures, nous allons faire du patin au Lac des Castors du Mont-Royal…. L’appart. va nous sembler bien minuscule maintenant. J’ai un peu peur…. mais bon…. juste 4 nuits…. puis, la semaine prochaine, mes parents gardent Prune et j’emmène ma sœur et mon beauf’ à Québec pour une nuit…. ensuite plus que deux nuits et puis, il n’y aura plus que mes parents pour deux semaines…. Ce sera plus gérable…. On prendra notre temps….
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