Bilan 3 ans
Tiens décembre qui approche, ah la la, le pied! Cet hiver québécois que j’aime tant, « cette lumière descendue droit du Labrador et qui fait neiger sur l’hiver des roses bleues, des roses d’ord » et pour une fois je serai ici pour les fêtes!
Je cherchais une idée pour ma chronique de cette semaine, motivée, pas trop débordée pour une fois, j’ai même lu presque toutes les dernières chroniques de mes tit collègues! Qu’est-ce qu’ils sont bons!! C’est tellement chouette de lire toutes ces expériences de vie, ces manières différentes de vivre une immigration….
Et voilà que je me rends compte que dans quelque jour, c’est l’anniversaire de mon immigration! Je n’y pensais même pas! Le 6 décembre, il y aura 3 ans que mon cargo, pas bleu de mer, débarquait au Port de Montréal à 4 heures du matin…. et que moi j’étais angéliquement endormie dans ma cabine en ratant l’arrivée!
Alors, comme c’est presque une tradition, pourquoi m’y soustraite? Ça sent le bilan des 3 ans ça…. :
Ben euh….. Un sentiment général, global?…. Ben, c’est le gros bonheur…. : Oui c’est peut-être énervant à lire, mais je ne vais quand même pas mentir pour éviter de risquer de m’entendre dire que je suis trop positive….
Alors on commence par quoi….. La vie professionnelle…
Et bien je suis ravie de m’être mise à mon compte dès mon arrivée. J’avais prévu d’attendre un peu, mais la première boîte où j’ai frappé à la porte (euh…. la seule en fait, fournisseur de traduction de mon ancien employeur) préférait m’employer comme pigiste à temps plein à l’interne. Parfaitement parfait pour moi ça. Marci bien de l’opportunité. Mais c’est vrai qu’à l’interne, c’était dur parfois. C’est pour ça que je suis partie travailler chez moi avec soulagement. Donc, tout n’a pas été parfait sur le parcours, mais dès que ce n’était pas parfait, je me suis débrouillé (et je continue à le faire) pour rendre ça parfait ou éviter les imperfections. À l’interne, c’était les mesquineries entre collègues, le surmenage, la frustration de ne pas faire ce que l’on veut, etc. alors je suis partie…. Bien sûr ça fait peur. Surtout de perdre son principal client (responsable de 95 % de mes revenus à ce moment là!) au bout de 9 mois sans que ce soit de ma faute en plus! Mais, je ne sais pas pourquoi, un état d’esprit qui ne m’a jamais quitté pendant toute mon immigration, malgré mon naturel habituellement anxieux : j’y ai toujours cru, incroyablement tranquillement. Parce que j’avais mis toutes les chances de mon côté, que j’étais bien sûre d’être capable de faire ce que je voulais faire, que mon approche était logique, réfléchie et préparée et que j’étais bien dans mes pompes. Et pas pressée, juste tranquillement, calmement, « souriantement » déterminée. Y’aurait bien quelque part, quelqu’un qui aura besoin de quelque chose que je sais faire, quand même! Depuis pour le boulot, c’est le top dont je n’aurais jamais osé rêver. J’aime ce que je fais et je gagne plus d’argent que je n’aurais jamais pensé le faire.
Le problème de travailler chez soi, vous me direz, c’est qu’on est seul….. Euh…. ben…. j’ai une vie sociale des millions de vois plus riche et épanouie que lorsque j’étais à l’interne, même en Irlande où pourtant j’avais un copain bien Irlandais qui avait plein de copains et qu’on avait plein de collègues du monde entier, etc. etc. Mais ce qu’il faut c’est l’envie, la motivation. Ici, je savais le danger de rester seule dans mon coin et en fait, c’est le contraire qui est arrivé. Comme je suis celle de la gang qui a les horaires les plus souples et bien les copains savent que je serais presque toujours libre quand eux se libèreront. Mais attention, je sélectionne plus que jamais. Plus le temps de me contenter de gens qui ne m’apprécient pas vraiment, la vie est courte. À coup de grande franchise et d’amour vrai, j’ai la vie sociale dont j’ai toujours rêvé, des gens qui m’épanouissent, me font rire, me font rêver, me rappellent à l’ordre, m’écoutent, se confient à moi, me font découvrir des coins de vie que je ne connaissais pas.
C’est vrai que je ne connais pas un nombre incalculable de Québécois dans tout ça, peut-être que trois…. Mais, trois amis québécois en 3 ans, c’est une très très bonne moyenne, ça! J’avais calculé que dans ma vie, depuis que je suis née, j’ai dû en gros avoir un ou une amie par an, donc la moyenne est respectée. Il faut prendre son temps et ça s’en vient, tranquillement.
Oui le forum remporte le Felix du plus gros fournisseur d’amis intimes à ma vie d’immigrante, c’est vrai, alors évidemment, c’est très francophone comme source…. mais pas nécessairement très franco-français si je regarde de près :. Je pense que ça prend un centre d’intérêt commun comme départ pour développer une vie sociale. Souvent c’est le boulot, pour moi ce n’était pas vraiment possible, donc il m’a fallu composer. Il y a un peu eu le sport, le premier boulot à l’interne, mais c’est vrai que c’est le forum qui m’a finalement emmené chercher mes amis à Montréal, à Chambly, à Sherbrooke, à Paris, au Maroc et dans les Deux-Sèvres, en Mauritanie et en Vendée. J’aime la liberté de choix que laisse la virtualité d’un forum.
Donc le boulot ça va, la vie sociale ça va (même s’il me manque encore de trouver la technique d’approche de l’espèce très timide des Canadiens….), la relation avec la famille ça va aussi.
J’ai même réglé des problèmes relationnels depuis que je suis ici. Vous me direz que c’est sans doute, les années qui s’ajoutent au coin de mes yeux et les petits cheveux blancs qui pointent déjà leur nez qui ont un peu aidé, mais je sais que c’est aussi ma nièce et mon neveu qui aident ma famille à bien vivre mon départ en fait…. Donc recette infaillible pour que votre famille vive bien votre départ : demandez à votre frère ou à votre sœur de faire des petits-enfants pour vos parents pour Noël…..je vous jure que ça marche…. ça s’appelle faire un transfert en psyco 😉 et ça vous ôte un gros poids de culpabilité des épaules….
Alors quoi d’autres dans un bilan?
L’intégration sociale? Euh…. ben disons que je crois que oui, mais ça veut dire quoi d’être intégrée socialement d’abord?
Oui, je crois avoir fini par comprendre les panneaux de stationnement de Montréal, j’aime comment conduisent les Québécois (en général), j’ai mangé à Harveys ce midi, je vais au resto 4 fois par semaine, ma concierge (malgré les plus de cent locataires de l’immeuble) m’appelle Peggy et me demande toujours d’où je viens cette fois-ci ou vers quels horizons je repars ; j’ai des amis anglophones qui descendent d’Albertains, d’Arméniens, d’Égyptiens. J’ai des amis francophones qui descendent de français et qui voteront l’indépendance ; j’ai des amis francophones qui descendent de français et qui ne voteront pas l’indépendance. Je ne sais plus du tout ce que je voterai, finalement, je crois que je préfère qu’on me pose pas la question…. Je ne cherche plus les marmottes dans les parcs et j’ai déjà vu des ratons laveurs, des ours et des baleines en vrai! J’ai hâte à l’hiver et j’ai hâte à l’été…. Je suis pas contente qu’on ait changé le nom de l’aéroport et je sais qui c’est René Lévesque. La Petite Vie me manque sincèrement et non! Star Ac ne me manque pas dans la vie! Je trouve toujours que Céline chante comme une chèvre et je sais comment reconnaître un film québécois : Rémi Girard est obligatoirement dedans avec ou sans Louise Portal…
Alors oui, je crois que je suis assez intégrée en fait…. MÊME si je ne regarde PAS la tévé, même si je n’ai toujours pas mangé de poutine et même si je n’ai jamais (encore) frenché un québécois 😀
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