Cette première chronique de l’année est écrite depuis la France. Eh oui, je suis de retour dans la mère patrie. L’occasion de me ressourcer, de voir ma famille et de me relaxer. C’est également l’occasion pour moi de prendre un peu de recul sur ma vie Canadienne parfois tumultueuse. Même s’il m’arrive parfois d’être frustrée ou découragée par cette grande aventure qu’est l’immigration, je réalise à quel point je suis privilégiée en fin de compte.
J’ai la chance d’être née en France et le privilège de vivre au Canada. Oui, j’estime que c’est une chance d’être née et d’avoir grandi en France. Bien que la situation économique n’est pas fameuse depuis quelques années, je n’oublie pas que j’ai été -et que je suis toujours- bien mieux lotie qu’une majorité de gens dans le monde. Je n’ai jamais connu la guerre, ni la famine. Je n’ai jamais connu la dictature, ni la censure. Je n’ai jamais été forcée de fuir en laissant tout derrière moi et ma vie n’a jamais été menacée. J’ai toujours été libre d’aller et venir. J’ai fait des études universitaires et ai accès à tout ce qui est possible et imaginable, ou presque. Et la situation est la même au Canada. A quelques nuances près.
Au Canada, j’ai connu la discrimination, ce qui ne m’était jamais arrivé en France. Je l’ai surtout connue à l’embauche et aussi sur mes différents lieux de travail, même après avoir été engagée. J’ai entendu des commentaires que l’on ne m’aurait certainement jamais faits en France et je me suis rendue compte que les clichés sur l’immigration avaient la peau dure. Ma vie est globalement plus stressante aussi. Néanmoins, je m’estime privilégiée de vivre au Canada. Ce n’est pas donné à tout le monde d’obtenir un visa et de pouvoir changer de vie. Et tout le monde ne peut pas se prévaloir d’avoir deux « maisons » non plus.
Après pratiquement trois années entre « ici et là-bas », je suis arrivée à trouver un juste équilibre entre mes deux « maisons ». J’en suis presque à penser que j’ai pris le meilleur des mes deux pays. En tous cas, lorsque je reviens en France, je réalise ce qui m’a manqué, en dehors de ma famille :
– Aussi surprenant que cela paraisse, les odeurs en tout genre. Au Canada, tout est aéré, désinfecté et aseptisé. Au supermarché, par exemple, je sens rarement les odeurs du rayon des fruits et des légumes frais ou de la boulangerie-pâtisserie. Ou, dans un magasin de chaussures, je ne sens pas l’odeur du cuir. C’est presque un choc olfactif quand je rentre en France.
– La bonne bouffe et la simplicité des produits. Les aliments ont plus de goût. Et il est très facile d’acheter du lait « normal» ou du beurre « normal » sans qu’ils ne soient enrichis de quoi que ce soit.
– Les services bancaires gratuits (avec une carte Française)!
– Une certaine douceur de vivre. Je prends plus le temps et profite plus des petites choses en France. Au Canada, j’ai parfois l’impression de courir sans arrêt.
Et, lorsque je rentre au Canada, je réalise ce qui m’a manqué, en dehors de mes amis :
– Le service à la clientèle. Les magasins ouverts 7 jours sur 7, et souvent 24h/24. Et dire qu’en France, les gens font grève parce que le gouvernement propose une loi pour travailler le Dimanche, sur la base du volontariat et payé double!
– La flexibilité et la simplicité administrative.
– La conduite pépère et sur boîte automatique.
– Le civisme et la politesse des gens !
Cependant, j’admets qu’il me serait probablement difficile de revenir vivre en France à l’heure actuelle. En plus de la situation économique peu reluisante, je suis également en décalage avec la mentalité générale et mes repères sont maintenant plus Canadiens que Français. En l’espace de trois ans, et avec une facilité assez déconcertante, j’ai superposé de nouveaux repères sur d’anciens que je croyais avoir mis plus de 25 ans à bâtir.
Je vois la France avec beaucoup plus d’objectivité, maintenant que je n’y vis plus vraiment. Beaucoup d’attitudes me choquent, surtout ce travers de toujours contester et manifester à chaque fois qu’un gouvernement veut faire des reformes, nécessaires et bénéfiques pour la plupart. Je n’aborde même pas le sujet des abus divers et variés de notre système social. Et l’immigration et le multiculturalisme dans tout cela ? Le fait d’être moi-même une immigrante m’a rendue plus compréhensive des difficultés que peuvent rencontrer les immigrants et refugiés en France, et le racisme parfois latent me choque. Cependant, cela ne m’a pas nécessairement rendue plus tolérante, surtout lorsque j’entends des récriminations qui ne sont pas justifiées. Au Canada, un immigrant, et aussi un réfugié dans une moindre mesure, doit se débrouiller seul.
Néanmoins, l’un dans l’autre, je m’y retrouve. Disons que je privilégie l’une de mes deux « maisons » plus que l’autre.
Bonne Année à tous !
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