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À propos des droits des femmes au Québec!

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Deux ans après la publication du rapport de la commission Bouchard-Taylor, le débat sur les pratiques d’accommodements religieux focalise à nouveau les médias, les commentateurs politiques et déchaine les passions sur les tribunes téléphoniques. Cette fois-ci, c’est l’expulsion d’un cours de francisation d’une immigrante originaire d’Égypte et portant la Burqa qui est à l’origine de cette énième polémique. Le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes est invoqué à juste titre pour expliquer l’hostilité envers le voile intégral.

Je ne m’étalerais pas ici sur la Burqa ni sur les autres signes religieux. Je considère que le forum d’immigrer.com, à l’instar d’autres espaces dans la société, a fait le tour de la question. Dans ce texte, je souhaite revenir sur l’évolution des droits des femmes au Québec. Je pense qu’il est nécessaire de connaitre cette histoire pour comprendre l’attachement des Québécois en général et des femmes en particulier à la sauvegarde des valeurs comme l’égalité des sexes.

Quiconque arrive au Québec, ne manque pas de constater que cette égalité est une réalité…bien plus tangible que dans plusieurs pays développés. On peut même s’étonner qu’elle paraisse si naturelle – allant de soi – alors que les Québécoises n’ont visiblement pas complété l’accession à tous leurs droits que récemment. Pour toutes les femmes qui viennent de pays où l’accès à la plupart de ces droits reste un objectif plus ou moins lointain, la société québécoise est en ce sens l’endroit idéal pour se réaliser comme citoyennes à part entière. Il ne faut à ce titre pas s’étonner que le taux de divorce chez les couples immigrants soit élevé ni que la majorité de ces divorces soient à l’initiative des femmes.

À la lecture du l’intéressant livre de l’historienne Monique Dumont « le féminisme québécois raconté à Camille », on comprend qu’avant la grande marche des femmes « du pain et des roses » organisée de Montréal à Québec en 1995, la lutte des femmes a été longue et parsemée d’embuches. Dès lors qu’on en a conscience, rien de plus normal de constater le fort attachement des femmes québécoises aux acquis sociaux: égalité d’accès aux études et au travail, congés de maternité et de paternité, garderies, avortement, contraception,….D’autant qu’il a fallu, pour les différentes générations de féministes de ce pays, se montrer vigilantes pour empêcher les tentatives nombreuses de remettre en cause de certains droits ou de retarder l’application d’un certain nombre d’autres. Faut-il rappeler qu’en 2009, seulement la moitié des entreprises québécoises se sont conformées (en matière de rattrapage) à loi sur l’équité salariale alors que celle-ci a été adoptée en 1996 et qu’elle a été mise en œuvre en 2001.

Face au développement de l’intégrisme religieux dans plusieurs régions au monde, il est légitime que les femmes québécoises ne veuillent pas qu’au nom du respect de la liberté de croire et de pratiquer, on puisse remettre en cause l’égalité entre les hommes et les femmes. En somme, pas de deux poids deux mesures, disent plusieurs d’entre elles. Pas de double standard! Et à propos de double standard, les québécoises en ont connu un, par le passé, symbolisé par un article du code civil qui exigeait des femmes qu’elles soient vierges pour se marier tandis qu’on conseillait aux hommes d’avoir de …l’expérience. Il n’y a pas si longtemps (quelques décennies), le Québec avait en effet une législation réactionnaire. Il faut ainsi savoir que le viol entre époux, qui a provoqué à juste titre la consternation dans le monde suite de sa légalisation l’année dernière en Afghanistan, était légal au Québec jusqu’en 1983. Selon le code civil, les femmes ont été pendant longtemps considérées « incapables » devant la loi comme les enfants et les malades mentaux. Celles d’entre elles qui travaillaient devaient remettre leur salaire à leurs maris. Même rouler à bicyclette était considéré comme un scandale à une période qui n’est pas si lointaine que ça même si la place des femmes au Québec apparait aujourd’hui à mille lieues de cette époque.

Pourtant, bien qu’elles ne cèderaient pas la moindre parcelle de l’espace qu’elles occupent dans la société ni aucun de leurs droits, la plupart des jeunes filles d’aujourd’hui ne se considèreraient pas comme féministes alors que leurs ainées, qui se disaient féministes y compris les religieuses d’entre elles, se sont battues pendant plus d’un siècle pour arracher, l’un après l’autre, des droits qui paraissent aujourd’hui si naturels.

D’autre part et bien que le Québec paraisse aujourd’hui plus progressiste que les autres provinces canadiennes, les Québécoises n’ont obtenu le droit de vote au provincial qu’en 1940 longtemps après les femmes du Manitoba, du Saskatchewan et de Alberta (1916), de l’Ontario et de la Colombie-Britannique (1917). Au fédéral les femmes québécoises bénéficieront du droit de vote – d’abord accordé en 1917 aux femmes mariées à des soldats engagés dans la guerre avant d’être généralisé un an plus tard à toutes les femmes majeures – malgré une forte opposition de députés québécois influencés par l’église catholique. Il a fallu attendre l’année 1964 et l’élection de la première députée Marie-Claire Kirkland pour que les femmes mariées obtiennent les mêmes droits que leurs maris dans la famille, avec l’adoption de la loi 16 ! Si si la loi 16, comme le projet de loi, lié aux pratiques d’accommodements, de la ministre Yolande James qui a fait couler beaucoup d’encre à l’automne dernier. À partir de 1964, les Québécoises pourront donc « signer des contrats, choisir le domicile conjugal, exercer une profession différente de celle de leur mari,… Elles ne sont plus obligées de demander la signature de leur mari pour tous les actes de la vie civile. Elles peuvent signer elles-mêmes un bail, faire un emprunt à la banque ». Des droits, en somme, que les femmes en Algérie avaient à la même époque alors que le pays venait tout juste d’accéder à son indépendance. Vingt ans plus, le parti unique, FLN, adoptait le fameux et honteux code de la famille inspiré de la Chariaa qui fait de la femme une citoyenne de seconde zone. Moralité, l’histoire n’évolue pas de façon linéaire mais plutôt … en dents de scie.
Dans les années 70, au Québec, on assiste à l’apparition d’un féminisme radical sans doute inspiré de ce qui se passe en Europe en matière de luttes sociales mais surtout du vent de liberté insufflé par la révolution tranquille. Monique Dumont raconte que les membres de ce mouvement découvrent avec satisfaction tout ce qu’elles « peuvent faire en matière d’organisation, rédaction, orientation, théorie, …activités qui étaient réservées jusque là aux hommes. Elles contestent les images de féminité…elles ne se maquillent pas …mais elles ne brulent pas leur soutien-gorge » comme le prétendaient les antiféministes. Cette dernière phrase me rappelle la campagne menée dans les mosquées, en Algérie à la fin des années 80, contre les membres des associations féministes accusées de réclamer le droit d’épouser 4 hommes. Le fait est que dans un meeting d’une association de femmes à Alger, une militante décriait la polygamie institutionnalisée et ironisait sur ce qu’il se passerait si les femmes réclamaient elles aussi le droit d’épouser 4 hommes.

C’est dire qu’au Québec comme ailleurs, les antiféministes n’ont jamais baissé les bras. En 1986, Le Devoir publie en première page un long article sur les REAL Womens (Vraies femmes) de la région de Hull (Outaouais), un mouvement qui s’opposait non seulement à l’avortement mais aussi aux garderies, à la légalisation de l’homosexualité et prônait le retour de la femme au foyer. Trois ans plus tard, on assiste au massacre de Polytechnique qui a vu Marc Lépine assassiner 14 étudiantes, avant de se suicider, parce que selon lui « elles n’étaient qu’une bande de féministes ». Marc Lépine n’est pas sorti du néant, la violence contre les femmes n’était pas un phénomène rare au Québec où l’on comptait, selon Monique Dumont, des dizaines de maisons pour femmes battues.

Au regard de ces sacrifices, la société québécoise a le droit de rester vigilante mais aussi de mettre des balises claires et efficaces pour la sauvegarde des valeurs communes et progressistes. Après, il faut rejeter les élans xénophobes de certains apprentis-sorciers, heureusement minoritaires qui exploitent la moindre polémique et la moindre faille pour semer la discorde. Tous les citoyens attachés à un Québec pluriel, et bien entendu, laïc doivent aussi rejeter les discours mettant le lien entre le non-respect, par quelques groupes minoritaires, des valeurs de la société avec les origines de ces groupes. Une citoyenne québécoise d’origine arabe ou africaine n’a pas plus de droits qu’une citoyenne de souche, elle n’en a pas moins, non plus. Cela est valable pour les devoirs. On peut imposer le respect inconditionnel des valeurs communes sans indiquer la sortie à ceux qui peuvent penser autrement. C’est tout un défi.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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