En ce moment, sur le forum, on lit beaucoup de sujets de Français qui repartent au pays. À priori rien de très original, ça arrive. Certains trouvent ici ce qu’ils étaient venu chercher, d’autres non, parfois on doit aller au bout du monde pour se rendre compte qu’on aimait sa vie finalement (lisez l’Alchimiste de Paulo Coelho, un peu simpliste mais efficace comme morale). Chaque histoire est un cas particulier et on ne peut jamais faire de généralité. Chacun émigre pour de bonnes ou de mauvaises raisons : une meilleure situation professionnelle, une fuite en avant, le fait de penser que l’herbe sera plus verte, un ras le bol général de sa vie, l’amour du Canada, l’envie de changement, une mentalité plus proche des Nord Américains, etc. Et il en va de même pour les raisons qui vous feront rester ou au contraire repartir. Quand je lis certains témoignages qui décrivent à quel point la vie dans le sud leur manquait, les cigales, les petits marchés, le climat, je ne peux que me réjouir pour eux. Et je leur souhaite tout le bonheur du monde. Mais par pitié, arrêtons de toujours vouloir confirmer ses choix en dénigrant celui des autres. Comme on dit communément, quand on veut tuer son chien on dit qu’il a la rage.
Sortons du débat Québec-France et ramenons ça à un Breton et à un Ardéchois. Un bel échange, ça serait : » J’aime la couleur des collines le matin, quand le soleil se lève, la chaleur sèche de l’été, les marchés au mille couleurs et aux mille senteurs, les cigales, les abeilles, le goût des aliments, les petits villages qui surplombent des rivières enfouies entre les falaises ». « J’aime la mer, le vent, la bruyère, cette odeur d’iode, ces sons portés par le vent, ces forts qu’on ne peut atteindre qu’après des heures de marche, que seuls une poignée de gens connaissent. Voir Brest de la Pointe des Espagnols, contempler les grands voiliers entrer au port de Camaret, l’ambiance des petits villes côtières, les crêperies, le beurre salé, le goût des coquillages frais, marcher sur les galets frais le matin en cherchant des crevettes, aller en bateau relever le filer pour remonter une quinzaine d’araignées de mer. » Je pourrais parler des heures de toutes les régions où j’ai vécu, de tout ce qui les rend uniques. Et encore, je ne le ferai qu’avec mes yeux d' »importé », je n’y ai vécu à chaque fois que quelques années tout au plus, mais je pouvais lire l’amour des gens dont c’était la terre.
Alors pourquoi aurais-je perdu du temps à dénigrer cet amour de leurs racines par des comparaisons boiteuses ? Au Breton qui me parlerait de la presqu’île de Crozon, du festival de Quimper, je dirais que le festival de théâtre d’Avignon c’est nettement mieux ? Au Nîmois qui me vante ses arènes je comparerais à Périgueux, aux grottes de Lascaux ? Au Briviste qui se dit le « portail riant du midi » j’arguerais qu’il fait bien plus froid qu’à Perpignan ? D’un point de vue plus global à l’amoureux de la nature j’expliquerais en quoi la ville a plus d’attraits culturels ? A l’amoureux de la montagne je dirais à quel point je préfère la mer ? Est-ce qu’on pourrait juste respecter et écouter les autres ? S’enrichir des expériences, rêver avec chacun de son bout de pays, prendre plaisir à l’entendre nous en parler et nous réjouir pour ceux qui ont le courage de suivre leur coeur et leur instinct, qu’ils restent, repartent ou décident de reprendre leur valise pour une autre aventure ?
À ceux qui ne comprennent pas pourquoi les Québécois prennent mal les critiques de ceux qui décident de repartir, comprenez qu’ici, c’est leur coin de pays, tout comme vous c’était Nice, Marseille, Lille, Strasbourg. On s’en fout qu’en Alsace il fasse plus froid qu’à Toulouse si on a appris à aimer cette région. On s’en fout que les routes de la presqu’île de Crozon soient en mauvais état en comparaison des belles autoroutes de Belgique ! Quelqu’un qui est né à Victoriaville aura le même attachement à son coin de pays que nous tous pour ce qu’on a vécu avant. Allez, peut-être même plus, parce que lui contrairement à nous présents sur ce forum, il n’a pas décidé de partir à l’autre bout du monde en règle générale. Si vous avez envie d’aller expliquer à un Corse pourquoi son île n’est pas la plus belle au monde selon vous, bonne chance. Quand je parle à ma blonde québécoise des endroits où j’ai vécu, c’est pour la faire partager ces souvenirs, en espérant l’y amener un jour. La Rambla de Barcelone, la chaleur de Torremolinos, les odeurs de Casablanca. Je ne me permettrais jamais d’essayer de les rendre plus attrayants en dénigrant une terre qui l’a vue naitre et qui m’a accueilli à bras ouverts.
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