Le nombre d’étudiants étrangers inscrits dans les universités québécoises connaît une baisse significative cet automne, une situation qui suscite des inquiétudes tant dans les établissements d’enseignement que parmi les étudiants eux-mêmes. Alors que certaines universités avaient enregistré des augmentations spectaculaires ces dernières années, comme l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) avec une hausse de 140 % depuis 2020, la tendance semble s’inverser, et les causes sont multiples.
Une chute marquée des admissions
À l’UQAR, le nombre de demandes d’admission d’étudiants étrangers est passé de 3 392 en 2023 à seulement 966 en 2024, en date du 31 octobre. Les nouvelles inscriptions, qui correspondent aux étudiants débutant leurs études, ont diminué de 24 % sur un an. Ce constat s’observe également dans d’autres universités, comme l’Université Laval (-21 %), l’Université de Sherbrooke (-13 %) et l’Université de Montréal (-11 %).
Ces baisses font craindre un impact majeur sur des programmes fortement dépendants des effectifs internationaux. À l’Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER), par exemple, les étudiants étrangers représentent plus de 80 % des inscriptions.
Facteurs explicatifs : politiques et perception
Plusieurs raisons expliquent cette tendance. D’une part, les établissements ont resserré leurs critères d’admission pour lutter contre la fraude et les abus. À l’UQAR, des cas d’étudiants utilisant des faux dossiers pour demander le statut de réfugié ont conduit à un renforcement des exigences académiques et linguistiques.
D’autre part, les annonces du gouvernement Legault, notamment le projet de loi 74 qui propose de plafonner le nombre d’étudiants étrangers par établissement, alimentent l’incertitude. Cette mesure, combinée à un moratoire sur certaines voies d’immigration permanente, comme le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), provoque une véritable « angoisse » chez les étudiants internationaux.
François Deschênes, recteur de l’UQAR, souligne que les annonces de plafonnement se diffusent à l’échelle internationale et influencent les choix des futurs étudiants :
« Ça crée de l’incertitude chez les personnes qui souhaitent venir étudier. Pour ces personnes-là, ça peut influencer la décision. »
Témoignages d’étudiants : un avenir incertain
Des étudiants comme Rachid Lanignan, inscrit à la maîtrise en gestion de projet à l’UQAR, expriment leur frustration. Alors qu’il avait prévu de déposer une demande de résidence permanente après l’obtention de son diplôme en décembre, le moratoire du PEQ l’en empêche :
« On incite les gens à venir étudier et finalement, on dit qu’on n’a pas besoin d’eux à la fin. […] Je suis dans l’attente, et c’est déstabilisant. »
D’autres soulignent le sentiment de rejet et la difficulté d’envisager un avenir au Québec. Cette situation pourrait décourager de potentiels candidats, malgré les efforts déployés pour promouvoir les universités québécoises à l’étranger.
Un enjeu économique et académique
La baisse des inscriptions d’étudiants étrangers représente également un défi économique pour les universités. Ces étudiants paient des droits de scolarité plus élevés et contribuent au financement de plusieurs programmes. Par ailleurs, leur présence est essentielle dans certains domaines, notamment en recherche.
Des recteurs, comme celui de l’Université de Sherbrooke, Pierre Cossette, ont demandé au gouvernement de cesser d’associer les étudiants internationaux à des « problèmes » et de ne pas appliquer de plafonds dans les universités. La crainte est que ces politiques ne compromettent l’attractivité du Québec auprès des talents étrangers.
Une situation à surveiller
Alors que le projet de loi 74 continue de faire l’objet de débats, les universités québécoises espèrent un réexamen des politiques afin de préserver leur diversité internationale et leur compétitivité. En attendant, les étudiants, comme Rachid Lanignan, espèrent que leurs efforts pour s’intégrer et contribuer à la société québécoise seront reconnus.
« Ce sont des gens qui ont tout misé sur le Québec. […] On espère pouvoir rester et construire ici. »
Le gouvernement devra trouver un équilibre entre ses objectifs de protection de la langue française et la nécessité de maintenir l’attrait des institutions d’enseignement québécoises pour les étudiants internationaux.
Source : Radio-Canada
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