Le Canada, souvent perçu comme un modèle d’inclusion et de diversité, se trouve aujourd’hui à un carrefour crucial en matière d’immigration. Entre pénurie de main-d’œuvre, tensions économiques et perception publique changeante, la question de l’immigration est plus centrale que jamais dans les débats nationaux. Le 10e Sommet canadien de l’immigration, organisé par le Conference Board du Canada les 20 et 21 novembre 2024 à Ottawa, a permis de réfléchir à ces enjeux. Sous le thème « Bâtir des communautés prospères et inclusives », cet événement a réuni plus de 50 intervenants et 250 acteurs clés pour envisager l’avenir de l’immigration au Canada.
Un contexte en évolution
Les sondages montrent une tendance préoccupante : pour la première fois depuis 25 ans, une majorité de Canadiens estime que les niveaux d’immigration sont trop élevés. Ce sentiment est renforcé par des défis concrets, notamment la pression sur les infrastructures, le logement et les systèmes publics de santé et d’éducation.
Stefan Fournier, directeur général du Conference Board du Canada, a ouvert le sommet en soulignant que les récentes décisions, comme la réduction des cibles d’immigration et la limitation des permis de résidence temporaire, risquent de nuire à la réputation internationale du Canada. Il a néanmoins plaidé pour une vision à long terme de l’immigration comme un pilier économique et social fondamental.
« L’immigration est un élément fondamental du tissu social du Canada. Notre engagement en faveur du multiculturalisme et de la diversité est l’une de nos plus grandes forces. » – Stefan Fournier
Le rôle des entrepreneurs immigrants
L’immigration, loin d’être un fardeau, constitue un levier de croissance, particulièrement dans le domaine entrepreneurial. Selon Karla Briones, fondatrice de l’accélérateur Immigrant Entrepreneur Canada, 40 % des entreprises en Ontario et en Colombie-Britannique appartiennent à des immigrants. Elle estime qu’il est crucial de changer la perception publique et de mettre en lumière ces contributions économiques.
« On parle beaucoup des besoins des immigrants, mais peu de leur rôle comme créateurs d’emplois et bâtisseurs de communautés. » – Karla Briones
Son organisation a récemment mené un projet à Ottawa, offrant un espace dans le marché Byward pour les produits d’entrepreneurs immigrants. Cette initiative a rencontré des critiques, révélatrices des tensions : certains détracteurs se sont plaints que le programme excluait les Canadiens de naissance. Briones a rétorqué que l’initiative était financée par des fonds privés et visait à soutenir les immigrants dans leur intégration économique.
L’immigration et la compétitivité mondiale
Pour Muraly Srinarayanathas, PDG de 369 Global, le Canada a une opportunité unique d’exploiter les talents de sa population immigrante pour se positionner comme un leader mondial. Lors du sommet, il a plaidé pour que les entreprises canadiennes misent davantage sur la diversité comme moteur d’innovation.
« Dans un monde polarisé, le Canada peut devenir un modèle en s’appuyant sur sa communauté multiculturelle pour établir des relations internationales solides. » – Muraly Srinarayanathas
La question de la rétention
Le défi de l’immigration ne réside pas seulement dans l’attraction des talents, mais aussi dans leur rétention. Selon un rapport du Conference Board, entre 25 % et 35 % des immigrants quittent le Canada dans les cinq premières années suivant leur arrivée. Stein Monteiro, auteur du rapport, recommande l’instauration d’objectifs de rétention pour inverser cette tendance.
« Nous avons des cibles pour attirer des immigrants, mais pas pour les retenir. C’est une lacune qu’il faut combler pour garantir une intégration durable. » – Stein Monteiro
La réponse du gouvernement
Le ministre de l’Immigration, Marc Miller, a pris la parole pour rappeler l’importance de maintenir un équilibre entre accueil et intégration. Tout en reconnaissant les préoccupations croissantes du public, il a insisté sur le fait que l’immigration reste essentielle à la prospérité du Canada.
« Lorsque les gens se sentent sous pression, ils ont tendance à chercher un coupable. Mais blâmer les immigrants pour les problèmes du pays est non seulement injuste, mais aussi contre-productif. » – Marc Miller
Le ministre a présenté le Plan des niveaux d’immigration 2025-2027, qui prévoit une réduction de plus de 20 % des cibles d’immigration dans les catégories économiques, humanitaires et familiales. Cette décision vise à répondre aux préoccupations actuelles tout en maintenant un fort engagement à long terme envers l’immigration.
Changer la perception publique
L’un des messages clés du sommet a été la nécessité de transformer le discours autour de l’immigration. Daniel Bernhard, PDG de l’Institut pour la citoyenneté canadienne, a souligné que l’immigration ne doit pas être perçue comme un acte de générosité, mais comme une opportunité stratégique.
« Une société vieillissante et rétrécissante est moins agréable à vivre. Les immigrants représentent une chance unique de bâtir un pays plus fort et plus prospère. » – Daniel Bernhard
L’avenir : inclusion et prospérité
Alors que le Canada navigue dans un climat mondial de polarisation, le 10e Sommet canadien de l’immigration a montré qu’il est possible d’avoir une approche optimiste et proactive. En mettant en avant les contributions économiques et sociales des immigrants, tout en abordant les préoccupations légitimes des citoyens, le pays peut continuer à prospérer tout en restant fidèle à ses valeurs d’inclusion et de diversité.
L’immigration n’est pas une controverse, mais une solution. À condition de la gérer avec ambition et respect.
Source : Radio-Canada
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