Ma semaine sur un cargo, la folle traversée d’Anvers à Montréal
Vendredi 17 septembre 2004
Je termine mes dernières valises et dans l’après-midi on part direction Bruxelles. Partant d’Anvers, je vais passer mes derniers jours sur le vieux continent chez des amis de ma mère à Bruxelles avant le grand départ.
Ah oui le cargo que je devais prendre a deux jours de retard. Après quelques bouchons à la sortie de Paris nous voilà à Bruxelles.
Samedi 18 septembre 2004
Le lendemain, après le petit-déj’ nous partons en reconnaissance au port d’Anvers.
Arrivée à Anvers, travaux sur le ring (périphérique) cela ne va pas nous simplifier la tâche mais nous restons confiant. Après quelques tours dans le port, nous arrivons au quai 869 du terminal Europa d’où partira le cargo (le Cast Prospect). Nous rentrons à Bruxelles avec toutes les indications pour y revenir lundi.
Petit tour dans Bruxelles en fin d‘après-midi.
Dimanche 19 septembre 2004
Réveillé de bonne heure car aujourd’hui dimanche c’est la journée sans voiture (et ça ne rigole pas en Belgique, toute la ville à l’intérieur du ring est fermée à la circulation) et il faut bouger celle de ma mère car elle rentre cet après-midi sur Paris avant de repartir lundi sur Nantes. On en profite pour aller se promener dans Bruxelles. Ensuite dernier déjeuner avec ma mère. Il est déjà le temps qu’elle parte, nous descendons à pieds à sa voiture. Ce sont les au revoir et elle part direction Paris.
De bonne heure au lit, demain est le grand jour.
Lundi 20 septembre 2004
La matinée fût longue à attendre le départ pour Anvers., j’en ai profité pour aller faire un tour en centre ville. En début d‘après-midi l‘amie belge de ma mère m‘emmène à Anvers. A peine arrivé sur le ring d’Anvers nous voilà bloqués dans les bouchons, faut dire qu’il y a actuellement d’importants travaux. Nous arrivons enfin au Terminal Europa, quai 869. On a mis presque deux fois plus temps que le samedi. Déchargement de tous mes bagages de la voiture et il y en a…. Il me faut maintenant attendre la navette qui m’emmènera au pied du bateau (on ne peut plus y accéder en voiture pour raisons de sécurité). Me voilà à bord, avec un coup de main de l’équipage pour monter tous mes bagages. Je rencontre un des passagers sur le pont, brève discussion au cours de laquelle il m’apprend qu’il y a aussi un couple d’anglais qui ont embarqué comme lui à Liverpool. Je ne serai pas seul, ce sera plus sympa. Après les formalités d’usage me voilà à bord je prends possession de ma cabine. Elle est assez grande, ce qui me permet tout en stockant mes bagages d’avoir encore assez de place. Dîner à 18h, c’est de bonne heure il va falloir que je m’y habitue. Je rencontre le couple d’anglais de Manchester. La nourriture est indienne, l’équipage étant indien tout le monde est au même régime. Le repas fût excellent, j’ai même trop mangé. Discussion dans le lounge avec les trois passagers. Le premier passager que j’ai rencontré est à la retraite et voyage régulièrement en cargo. Pour le couple d’anglais, c’est également la première fois, comme moi, qu’ils voyagent en cargo. Ils rentreront en Angleterre également en cargo. Avant de me coucher, je décide de rester un peu regarder par le hublot travailler toutes ces personnes dehors en train de charger les containers sur le cargo, c’est impressionnant. 1h du matin, notre départ est prévu à 5h soit dans quatre heures, il va falloir que je songe à aller me coucher si je ne veux pas le rater.
Mardi 21 septembre 2004
J’ai très mal dormi cette nuit. J’ai d’abord eu du mal à m’endormir puis je me suis réveillé plusieurs fois pendant la nuit. Je ne sais pas si c’est à cause du bruit, des vibrations que l’on ressent ou bien peut-être le fait que je quitte mon ancienne vie pour la nouvelle. En fait, nous sommes partis à 6h d’Anvers, mais mon alarme n’a pas sonné… plus de batterie
Je suis allé au lounge avant le petit-déj’ afin de regarder à l’extérieur car depuis ma cabine je ne vois plus rien à cause des containers. Il est 6h30, nous ne sommes pas encore dans La Manche. Tout à coup nous voyons un hélicoptère tout jaune qui vient se positionner à l‘avant gauche du bateau et une personne est déposée sur le cargo. Quelques minutes plus tard, une première personne est hélitreuillée à bord de l’hélicoptère puis une seconde. Nous apprendrons plus tard qu’il s’agissait du second pilote qui quittait le navire. Midi, l’heure du déjeuner. Encore un repas délicieux.
Après un petit détour par ma cabine je décide de monter à la passerelle pour admirer la vue. Une fois en haut on a une vue imprenable sur les alentours du cargo. Il y a quelques navires et la côte anglaise au loin. Nous serons bientôt au large de Douvres et croiserons la route des ferry entre la France et l’Angleterre. La vue est magnifique. J’avais bien remarqué hier cette petite fille sur le bateau, je pensais qu’elle était à bord le temps de l‘escale Anvers mais je viens de la remarquer en allant dîner. Elle a deux ans et c’est la fille d’un des officiers. Après le dîner, nous montons tous au lounge pour une courte discussion. Ensuite avec le couple nous regardons deux vidéos puis au lit. Ah oui nous venons de retarder nos montres d’une heure, drôle d’effet de voir l’heure sur la pendule dans le lounge reculer…. Nous allons ‘perdre’ une heure chaque soir, comme ça on ne subit pas le décalage horaire.
Mercredi 22 septembre 2004
Je suis tellement fatigué qu’après le petit-déj’ je m’endors sur mon fauteuil en lisant. En attendant le déjeuner je monte à la passerelle, le temps est magnifique et le soleil est au rendez-vous. J’adore scruter l’horizon. Je crois que je passerais des heures à regarder la mer et le ciel. Après une discussion avec le capitaine, j’aperçois un dauphin mais après deux sauts hors de l’eau le voici qui disparaît. Je reste penché à observer la mer mais je ne le reverrai pas. J’espère avoir l’occasion d’en revoir
Le vent souffle, force 8 ou 9, et il y a du tangage. C’est quand même impressionnant de voir comment bouge le bateau et il n’y a presque pas de vagues…. mais c’est le vent qui fait tanguer le cargo.
J’ai passé une bonne partie de mon après-midi à dormir. Après le dîner on m’explique les consignes de sécurité, il serait temps cela fait maintenant deux jours que je suis à bord.
Jeudi 23 septembre 2004
Aujourd’hui le temps est brumeux, on ne voit pas à 20 m. Je sens que la journée va être calme. Je suis au lounge en train d‘écouter de la musique. Dans une heure, c’est l’heure de déjeuner. Un moment que j’apprécie tout particulièrement, la nourriture est tellement bonne. Pour l’instant nous n’avons jamais eu deux fois la même chose. Après le déjeuner on a commencé un puzzle, seulement commencé car il est assez compliqué. Après direction la passerelle le temps n’est toujours pas beau mais la brume se lève un peu. A priori pour une maintenance, ils ont arrêté les deux radars… impressionnant et un peu flippant aussi! Cela n’a pas duré plus de 15min mais bon, heureusement qu’on était au milieu de l’océan et qu’il n’y avait aucun bateau de visible sur les radars avant qu’ils ne l’éteignent. Après le dîner retour au puzzle. Le vent a recommencé à souffler, la nuit promet d’être légèrement agitée.
Vendredi 24 septembre 2004
Pas très bien dormi cette nuit, réveillé à 3h du mat’ puis à 6h. Ca a bougé un peu pendant la nuit mais rien de bien méchant. Après le petit-déj’ direction la passerelle, il y a quelques nuages mais pas de brume ce matin. Je reste admirer le ciel et la mer, c’est magnifique. L’océan à perte de vue, pas un bateau, pas de côté à l’horizon, nous sommes à 30° ouest soit en plein milieu de l’Atlantique. Il y a plusieurs oiseaux aujourd’hui autour du cargo, des goélands ou autres je n’arrive pas à faire la différence. Le soleil a fait son apparition, c‘est encore plus agréable à la passerelle. Un café avec le 3ème officier et la matinée est presque finie, je l’aurai passé à la passerelle. Encore une fois trop mangé à midi. Pendant le dîner on nous a demandé de veiller à ce que toutes nos affaires dans nos cabines soient bien rangées et que rien ne traîne sur les tables car ça va remuer cette nuit! Après le dîner nous avons eu droit à un magnifique couché de soleil, vraiment splendide. Une vidéo au lounge et voilà il est déjà 22h. Je ne sais pas si cela va s’accentuer pendant la nuit mais pour l’instant cela bouge peu. C’est amusant de voir les cadres se balancer sur le mur. Et si on pose un verre sur la table et bien celui-ci bouge tout seul…
Samedi 25 septembre 2004
Encore réveillé de bonne heure, à 6h aujourd’hui. La nuit n’a pas été si agitée que cela, même si on a été un peu ballottés rien de terrible. Après le petit-déj’ direction la passerelle, cela commence à devenir un rituel. Discussion avec le 3ème officier qui m’apprend que le capitaine à opté hier soir pour une route plus au nord afin de contourner la tempête, d’où le calme relatif de cette nuit. La mer est assez calme ce matin mais un vent de nord souffle et entraîne le cargo dans un roulis. Le soleil met du temps à se montrer. Lecture des news qu’ils reçoivent tous les jours des nouvelles par email. C’est très très succinct mais cela permet de ne pas être complètement coupé du monde. Le 3ème officier me montre la route que nous allons emprunter. Grâce au GPS, on peut suivre la route que le cargo a pris ainsi que la route qu’il va prendre. En pleine mer tout se fait de façon automatique, les hommes ne sont là que pour contrôler et réajuster la route si besoin. A partir de l’entrée du Saint Laurent nous aurons trois pilotes qui se succèderont pour amener le cargo jusqu’à Montréal. Demain matin nous allons visiter la salle des machines, il paraît que le moteur est gigantesque, affaire à suivre. Après le déjeuner on nous a demandé d’être prêt en milieu d’après-midi avec notre gilet de sauvetage et notre casque (style casque de chantier) pour un exercice d’alerte incendie. Lorsque la sirène retentit nous nous dirigeons tous vers la passerelle notre lieu de regroupement. Pendant ce temps l’équipage s’affère à préparer le matériel pour lutter contre le feu ainsi que les canots de sauvetage. Tout à coup on voit débarquer à la passerelle deux types dans une tenue jaune anti-feu avec casque et masque à air avec la bouteille d’air comprimé dans le dos. Ils simulent une approche à un feu… impressionnant !
En fin d’après-midi on voit au loin des jets d’eau, se sont des baleines.
Dimanche 26 septembre 2004
Ce matin il y a une brume pas possible et en plus il pleut. Il n’y a pas 100m de visibilité, on ne voit donc même pas l’avant du cargo (qui fait 210m de long) J’en profite pour m’intéresser au radar, le 3ème officier me montre comment il fonctionne. On dirait une console de jeu avec son trackball. Un objet apparaît sur le l’écran, un clic dessus et il met en place un tracking, au bout d’une minute, on connaît la direction et la vitesse approximative de cet objet. On peut même connaître le temps avant d’être en contact rapproché avec lui. Ce ‘objet’ sur le radar se dirige vers la côte, il me montre sur la carte que l’on va bientôt croiser une ligne de ferry, donc rien d’inquiétant. Le temps s’éclaircit, et nous voyons plusieurs groupes de baleines. Tout d’abord à bâbord puis à tribord Les plus proches seront à moins de 50m du cargo, magnifique.
Le capitaine m’apprend que nous arriverons mardi matin à Montréal soit 7 jours après notre départ d’Anvers, nous aurons donc mis un jour de moins que prévu pour faire la traversée. 10h30 c’est l’heure d’aller faire un tour en salle des machines. Le moteur est énorme et le bruit, c’est infernal. On nous explique comment tout cela fonctionne, encore une fois tout est commandé par électronique et informatique. Cette après-midi j’ai été faire un tour dehors mais il y a beaucoup de vent. Le coucher de soleil était encore une fois magnifique même s’il y avait quelques nuages à l’horizon.
Lundi 27 septembre 2004
Je me suis réveillé de bonne heure aujourd’hui, je suis déjà à la passerelle et il est juste 6h passé. Le levé de soleil est superbe. Toutes ces couleurs rouge, rose et orangé. C’est la dernière journée sur le cargo nous arrivons demain matin à Montréal. Je suis excité mais d’un autre côté non, ce n’est pas une nouvelle vie qui commence mais seulement une partie de ma vie.
Nous sommes dans l’embouchure du Saint-Laurent, la côte est présente de part et d’autre du cargo. Mais aucun autre bateau à l’horizon. Je viens de jeter un œil sur le radar, rien non plus. Mais le chef officier m’indique qu’il y a deux autres navires aux alentours. Il y a à bord un appareil (AIS ou un truc comme ça) qui diffuse des infos sur le cargo, comme son nom, son type, sa destination… et bien sûr cet appareil reçoit des autres navires les même informations, ce qui permet d’être au courant de la présence d’autres navires avant même de les voir au radar. Tout le monde s’active à la passerelle, vers midi nous devrions avoir le premier pilote à bord.
A 8h30 le couple vient me voir à la passerelle pour me demander si je serais intéressé pour aller jusqu’à la proue du navire. Bien sûr que je le suis! L’allée le long du navire passe en dessous des containers c’est impressionnant. En arrivant à la proue on est étonné du silence qui y règne. On n’entend pas le bruit du moteur et comme il n’y a pas trop de vent, c’est d’un calme… On se croirait presque sur un voilier. Et être comme ça au niveau de l’eau alors que cela fait une semaine que nous sommes à une bonne dizaine de mettre de hauteur c’est superbe.
Juste après le déjeuner le premier pilote monte à bord. A part donner la direction, il ne fait pas grand chose, enfin si… il passe son temps au téléphone! En fin d’après-midi, on a croisé un autre cargo de très très près, je dirais à environ 50m ce qui très peu pour ce genre de navire qui fait tout même plus de 200m de long. Après dîner nous arrivons à Québec, magnifique de nuit! Le capitaine nous a permis de rester un peu la passerelle ce soir, normalement nous n’avons pas le droit d’y être la nuit.
L’arrivée à Montréal est prévue demain vers 9h.
Mardi 28 septembre 2004
Réveillé à 5h30, le temps de prendre une douche et de ranger un peu mes affaires et me voici à la passerelle. Il fait à peine jour, le capitaine et le chef officier sont présents, le dernier pilote est là et indique la direction à suivre. Le cargo avance au ralenti, sa vitesse a été divisée par quatre par rapport à celle à l’entrée du Saint Laurent.
Le lever de soleil est comme toujours magnifique même s’il est moins impressionnant que lorsque nous nous trouvions au milieu de l’océan. Nous passons sous des fils à haute tension et je dois vous dire qu’il n’y a pas tant de marge que ça, un peu flippant tout de même… Au fur et à mesure le pilote fait diminuer la vitesse du cargo nous approchons bientôt de Montréal
Ca y est j’aperçois au loin le stade olympique. Tout d’un coup le pilote demande de couper le moteur… Nous devons attendre qu’un autre cargo quitte le port pour prendre sa place. Il faudra patienter pratiquement une heure. Nous croisons le cargo qui sort du port, la place est enfin libre. Un remorqueur vient se positionner contre la coque à bâbord arrière, il va servir à guider le cargo dans la phase d’approche. La manœuvre est délicate et prendra pratiquement une heure pour que le cargo soit amarré. Depuis la passerelle, j’aperçois mes amis à l’entrée du terminal, ils ne peuvent pas venir jusqu’au cargo, cela est interdit. Maintenant il faut attendre que les personnes de l’immigration et les douanes viennent à bord. Cela ne fut pas très long, environ 30min et 10min après mon visa était validé. Il ne reste plus qu’à descendre ma tonne de bagages sur le quai et prendre la navette jusqu’à la sortie du terminal. Cette navette que je vais attendre une bonne demie heure… Tout à coup je vois arriver mes amis dans la navette, avec beaucoup de persuasion ils ont réussi à se faire emmener jusqu’à cargo avec en prime une petite visite des lieux.
Et me voilà arrivé à Montréal
J’ai adoré cette traversée, si un jour vous l’occasion n’hésitez pas! C’est fabuleux
Mik
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