Les philosophes canadiens…
Ecrit par: Zogu
Le saviez-vous? Il arrive que les canadiens, profitant du haut taux d’alphabétisation, de l’accès universel à l’éducation et de la liberté de pensée du pays… PENSENT, justement! Eh oui, le Canada a produit au XXe et maintenant au XXIe siècle, de remarquables cerveaux truffés de non moins remarquables idées.
Ça vous en bouche un coin?
Alors voici, pour amorcer une petite discussion sur les grands penseurs canadiens, un auteur que j’affectionne grandement et deux de ses oeuvres.
CHARLES TAYLOR:
1. « GRANDEUR ET MISÈRE DE LA MODERNITÉ (THE MALAISE OF MODERNITY) »
2. « LES SOURCES DU MOI (SOURCES OF SELF) »
La philosophie de Charles Taylor s’oriente autour de quatre thèmes majeurs:
– trouver un sens à la morale et aux systèmes moraux (systèmes de croyances)
– interpréter la notion d’individualité
– rationaliser les mécanismes de la politique
– comprendre la notion de connaissance (absolue, relative)
C’est un programme très ambitieux, et pourtant il y arrive de manière magistrale dans « Sources of self ». Tout en expliquant le glissement de la morale universelle vers la morale personnelle, au cours des deux derniers millénaires, Taylor explore les structures sociales, l’émergence de la notion du « SELF » (l’identitié, la personne par opposition à la masse) et les conséquences de ces changements sur la morale, la tolérance, etc.
Dans Grandeur et misère de la modernité, Taylor s’attaque à quatre dérapages modernes (et même contemporains):
– la pensée instrumentale : ou le fait de tout calculer froidement, y compris la vie ou la santé des gens; de considérer les employés comme des « ressources » humaines (du mobilier, quoi!)
– le relativisme moral : ou l’approche sans colonne vertébrale qui consiste à affirmer que tout se vaut, que nous devons tout accepter comme moralement égal (ex: l’excision, une pratique traditionnelle) ou inéluctable (ex: la glissée vers la sexualisation des enfants)
– la morale individualiste : ou pourquoi le fait de « s’accomplir » ne rend pas le monde meilleur et pourquoi une oeuvre d’art « selon mon propre style à moi » ne la rend pas obligatoirement bonne; pourquoi tout système moral ne peut pas être strictement personnel mais doit être partagé et propagé afin de le valider et de le mettre en oeuvre
– le culte de l’authenticité : ou le fait de toujours désirer des gens « authentiques » (ex: vedette qui se lance en politique), des situations « authentiques » (ex: télé-réalité)… et pourquoi tout le monde se fait manipuler par cette valeur absurde, puisque ceux qui y ont le plus de succès sont les moins « authentiques », les meilleurs menteurs
Ce livre a été une oeuvre visionnaire puisque nous avons vu ces phénomènes prendre de l’empleur pendant les années 90; le livre demeure d’une grande actualité, puisqu’il permet de mettre un nom sur certains dérapages politiques, culturels ou sociaux, et d’expliquer pourquoi ils causent un malaise chez ceux qui y font face.
Note: Pendant le Référendum de 1995, c’est Charles Taylor qui faisait les commentaires politiques à la CBC; il avait été désigné comme la personne la plus neutre et la plus lucide au pays, bref, apte à faire une bonne analyse de la situation.
J’ajouterais que j’ai longtemps rêvé de rencontrer deux grand hommes: René Char et Charles Taylor. Je ne les ai jamais rencontrés, puisque l’un est mort et l’autre fait peu de sorties publiques maintenant… mais j’ai eu la chance de rencontrer un écrivain qui a connu les deux! Alors ça compense un tout petit peu.
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