Bilan après 2 ans
Ecrit par : La Féline 19-09 à 19:14
Aujourd’hui, 19 septembre 2006, c’est mon anniversaire ! Effectivement, déjà 2 ans que j’ai fait ce pas décisif, et pas très assuré au départ (je l’avoue). Un rêve que je réalisais enfin, malgré les tas de questions qui me trottaient dans la tête depuis plusieurs mois (A-t-on vraiment besoin de moi là-bas ? Vais-je trouver du travail ? Est-ce que je vais réussir à prendre ma place ? À m’intégrer, parmi des gens que je ne connais pas du tout, qui n’ont pas la même culture que moi et qui vont certainement se demander ce que je suis venue faire ici ?)
Petit résumé. Des années de doutes et de réflexions, des réunions d’informations, une demande préliminaire de CSQ (Certificat de sélection pour le Québec) auprès de la Délégation du Québec à Paris, et je reçois, en réponse, LE formulaire de demande de CSQ (ce qui voudrait dire que j’ai les critères requis ?) Encore quelques mois de réflexions, puis la décision cruciale : c’est décidé, je me lance, on verra bien ce qui arrivera. J’envoie ma demande « officielle » de CSQ (octobre 2003), et je reçois, en réponse, une convocation à une entrevue de sélection à la Délégation du Québec (novembre 2003), un peu angoissante mais à la fin de laquelle on me demande de reprendre RDV pour une séance d’information pour prendre possession de mon CSQ (décembre 2003). Ça veut dire que ça marche ? Yes ! Je pars. Envoi du dossier au fédéral, pour l’obtention du visa de résident permanent. Reçu en juin 2004, mais je décide de partir en septembre, grande période de rentrée pour tout le monde et qui m’a toujours plus ou moins déprimée du fait que toutes mes rentrées se ressemblaient d’années en années (= pas de grand changement dans ma vie). Mais cette année-là, je me décidais enfin à bousculer mes habitudes.
On continue ? On continue. À l’arrivée de l’autre côté de l’océan, le bonheur, la grande découverte, les nouveautés, les différences, bref, tout ce que je voulais. Génial ! Des doutes aussi, quand je cherchais du boulot ou que je voyais mes colocs sympathiser plus entre elles qu’avec moi. Au lieu d’apprendre à communiquer, je continuais de m’isoler car j’avais l’impression de déranger (ce n’était pas MON appartement). Puis la première expérience professionnelle (enfin !), qui ressemblait en tous points à mon premier boulot en France. Première journée de travail avec une agence de placements, et on me proposait déjà un boulot plus intéressant, suite à une entrevue que j’avais passé la semaine précédente. Pas eu le temps de tâter le terrain puisque les vacances de Noël pointaient déjà leur nez. Premières fêtes de fin d’années au Québec (sans famille et amis, mais avec mes colocs) et retour au boulot. Adaptation difficile car pas de repères, gros stress; jamais travaillé dans le domaine juridique, ni de la construction version québécoise, avec des avocats, trop de paperasse, des dossiers tous différents, des comités, des délais à respecter, des appels téléphoniques que je comprends plus ou moins à cause des différents accents régionaux, etc (ils ne vont pas me garder, c’est obligé !) Puis une accalmie. Mon poste devient permanent et j’ai enfin MON appartement que je peux meubler à mon goût et dont je peux disposer librement. Je suis chez moi, je prends mes habitudes (cinéma, concerts, cours de danse…), j’ai ma petite vie tranquille. J’ai même refait un saut en France, pour les vacances d’été, et ça ne m’a même pas rendue nostalgique. Au contraire, j’étais contente de rentrer chez moi… à Montréal.
L’année 2005 m’a parue comme un éclair dans ma vie; je n’ai rien vu passer. Pas de gros changement pour l’année 2006, à part l’appartement (trop tannée du bruit !) Je me disais que ça permettrait de casser un peu ma « routine », une autre page du roman qui se tourne. Mais je recommence à douter. Vais-je me plaire dans ces nouveaux murs ? Puis les grosses chaleurs humides montréalaise qui reviennent. Je rêve de marcher pieds nus dans les vagues fraîches et toniques d’une de ces longues plages normandes ou bretonnes. La mer me manque. Les vacances. Ouf ! Je souffle. Ça fait un mois que j’ai mal à la tête 24h/24, mais je sens que la douleur s’atténue un peu. Je ne vais pas en France cette fois. J’aimerais profiter un peu de mon pays d’accueil, et puis j’ai de la visite. Petites escapades dans le pays (et chez les voisins américains) avec ma cousine, mais ce n’est pas suffisant pour moi. Les voyages me manquent. C’est passé tellement vite que le retour au boulot ne m’a pas semblé difficile, vu l’impression de ne pas avoir été en vacances du tout, mais plutôt en long week-end. Ça fait du bien de passer un peu de temps et de parler avec quelqu’un qui nous connaît plus que les autres. On a évoqué « le bon vieux-temps », celui où tout était si facile et où on ne posait pas de questions, les belles régions de France où tout est à dimension « normale », la bonne bouffe, etc. C’est con mais encore une fois, tout ça me manque. Je continue de me plaire ici, à l’autre bout du monde, j’aime la vie que j’ai ici. Mais est-ce le fait d’être entrée dans une certaine routine ou la solitude qui est trop pesante, qui fait que je m’ennuie au point où tout me manque ? Ou encore l’éloignement de la famille et des amis, qui se fait plus dur à l’intervention de certains événements ? Je ne crois pas en avoir déjà parlé sur le forum mais je vais être tata dans quelques mois. Encore un petit bébé que je ne verrai pas naître, ni grandir. Il ne me reconnaîtra même pas quand je viendrai le voir, puisque mes visites sont plus rares. Puis je ne peux pas faire les boutiques de vêtements prénatals ou de jouets avec ma mère, pour trouver quelque chose qui lui souhaitera la bienvenue. Je ne vois plus mes petits cousins grandir, parmi lesquels ma filleule. Je ne suis pas là pour les anniversaires, les baptêmes, les mariages. J’ai parfois l’impression d’être coincée au bout du monde, puisque je n’ai pas assez de jours de congés pour rendre visite à mes proches plus souvent, où profiter un peu du si beau et si vaste pays dans lequel je vis. Je ne m’attendais pas à ce que ça arrive aussi vite (et je ne le voulais pas), mais je dois le reconnaître, je m’ennuie. Mon pays me manque, ma famille et mes amis me manquent. J’ai réussi à me faire une place ici mais je suis toujours aussi seule et complexée. Mais qu’est-ce qui me pousserait à vouloir rentrer au bercail ? Je n’ai aucune envie de retrouver la mentalité française, ce jemenfoutisme qui domine même la tête de la France (je parle des politiciens). Remarquez, ici, au Québec, ils n’ont pas l’air mieux calés dans ce domaine. Toujours l’intérêt et le profit avant toute autre chose. Il n’y a qu’à voir les révélations qui ont découlé de la tragique journée du 13 septembre dernier; ce jeune de 25 ans qui est entré dans un collège du centre-ville avec 3 armes à feu (rien que ça !) pour tirer sur tout ce qui bouge. Paraît-il que ces armes seraient légales, et qu’il avait un permis pour s’en servir ! Tout comme le modèle de fusil qu’a utilisé un autre cinglé qui avait ôté la vie à 14 jeunes femmes à l’école polytechnique de Montréal en 1989, hé ! bien malgré ce drame, cette arme est toujours en libre circulation aujourd’hui. Franchement, il y a un problème quelque part. Sans parler de ce journaliste qui, à l’anniversaire des attentats du World Trade Center, et suite à la tentative déjouée de ces terroristes à Londres qui ont voulu embarquer avec des liquides explosifs pour faire sauter des avions en plein vol, est allé explorer l’aéroport de Montréal pour y tester la sécurité. Pendant que les voyageurs se font confisquer toute sorte de flacon, tubes de dentifrice, bouteilles d’eau, etc, pourtant bien utiles pour un vol de 8 heures, ce journaliste a pénétré à 7 reprises dans des zones interdites de l’aéroport sans qu’aucun employé ne lui pose aucune question. En fait, pendant que les voyageurs se font soigneusement fouiller, n’importe qui peut accéder à l’avion ou y introduire des explosifs en le dissimulant, par exemple, dans les chariots des plateaux repas distribués aux passagers. C’est rassurant… Bon, fermons la parenthèse. À part ça, je ne me sens pas non plus sur la sellette au bureau, ça ne se passe pas trop mal (à part quelques périodes de stress et de malentendus avec les supérieurs, mais ça je crois que c’est partout pareil), donc pas de risque de perte d’emploi à l’horizon. Je m’entends bien avec mes propriétaires et voisine (bien qu’il y ait un peu plus de bruit depuis quelques semaines, ce qui devrait être temporaire) et je ne suis pas criblée de dettes. Le seul point noir que je vois pour l’instant, c’est le système de santé québécois. J’avoue que j’ai du mal à m’y faire. Entre les médecins qui se permettent de refuser des patients pour ne pas faire d’heures supplémentaires (de même que les hôpitaux quand ils sont débordés), les examens qu’on passe sans voir la couleur des résultats, le manque d’attention lors des consultations, ils ne prennent pas le temps de répondre aux questions du patient (ou répondent à côté de la plaque), ne prennent même pas de notes (comme ça on revient à la case départ lors de la visite suivante; mêmes questions, mêmes réponses. On se demande bien pourquoi ils prennent la peine d’ouvrir un dossier), ou prescrivent un médicament sans même prendre le temps d’ausculter, et les infirmiers qui se promènent dans la rue et le métro en uniforme de service (comme ça ils promènent les microbes de l’hôpital à la rue et vice versa), c’est sûr que si je tombe gravement malade et que je dois subir une importante opération, je crois que j’aurai de bonnes raisons de rentrer, car je n’ai vraiment pas confiance. Ça me fait peur même.
Alors voilà où j’en suis pour le moment, dans une période de remise en questions. Ça ne veut pas dire que je me prépare à rentrer, pas maintenant du moins. Seulement, si je suis arrivée avec mon visa de résident permanent avec l’intention de passer toute ma vie ici, disons qu’aujourd’hui, je commence à réfléchir. Ça dépendra aussi de ce qui arrivera entre temps (un gros obstacle, de nouvelles rencontres…) Tout comme je le disais en quittant la France : « je n’ai pas d’attaches particulières, je veux dire pas de boulot stable, pas de mec, pas d’enfants, alors si je dois tenter l’aventure, c’est maintenant », aujourd’hui je me dis la même chose dans l’autre sens, que si je dois penser à un éventuel retour en France, la décision sera plus facile à prendre si je n’entreprends rien de sérieux, à moins de rencontrer un français qui aurait lui aussi envie de rentrer (ou un québécois qui souhaite s’installer en France, mais là c’est risqué, car rien ne me dit qu’il n’aura pas la même nostalgie que moi un de ces jours et qu’il soit amené à faire un choix entre moi et son pays). Est-ce que je me suis trompée en venant ici ? Non, je ne crois pas. Si je ne l’avais pas fait, je n’aurais jamais su ce qui pouvait se passer, ce que je pouvais ressentir et je l’aurais regretté. Là, même si je prends la décision de rentrer dans quelques années, ce ne sera pas synonyme d’échec pour autant. Mais 2 ans de vie ici, c’est encore trop tôt pour prendre ce genre de décision. Je me suis fixée une période de 2 ans ; à 30 ans, je serai encore plus mûre pour reconnaître le bon chemin, et ça me laisse le temps d’y penser.
Voilà, j’écris moins souvent parce que les grandes étapes de mon immigration, l’installation, etc, sont passées, donc toutes les semaines se ressemblent et il y a moins de choses à raconter. Mais je viens quand même lire les nouveaux sujets de temps en temps, pour voir où les gens sont rendus et avoir leur point de vue aussi à chaque étape. Même si je l’utilise moins souvent, je trouve toujours ce site très intéressant et plein de bonnes ressources. Alors, comme je ne l’ai encore jamais écrit, je tens à dire merci à toute l’équipe pour nous accompagner et nous aider dans cette grande aventure.
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Ecrit par : TITNINI 19-09 à 23:04
Le récit de ton expérience est très interessant. Merci
Moi, je reviens sur ce forum (au combien utile) après une longue absence pour te dire que la nostalgie et les doutes existent aussi de l’autre côté de l’océan.
J’ai passé un an au Québec (PVT) puis je suis rentrée en France.
J’ai préféré préparer mon immigration définitive plutôt que de prolonger mon PVT sachant de toute façon que je devrai rentrer avant l’obtention de ma résidence permanente (et oui j’ai mis 11 mois à me decider à faire ma demande d’immigration).
Le retour en France a été difficile du moins plus que je l’imaginais. Une étrange sensation de ne plus être en phase avec la mentalité de mon pays d’origine.
Pourtant je n’ai passé qu’un an au Québec, ce qui à l’échelle d’une vie n’est pas grand chose mais j’ai la nostalgie de Montréal, je ne pense qu’à y revenir.
J’ai déjà vécu à l’étranger, je sais que le retour nécessite un temps de réaptation mais cette envie de vivre au Québec est grandissante au fil du temps, pourtant le Québec n’était pas un rêve pour moi, je n’en attendais pas grand chose, j’y suis venue pour l’expérience puis comme d’autres je suis « tombée en amour ».
Comme toi, j’ai ressenti l’éloignement familiale à l’approche des fêtes de fin d’année et je sais qu’il faudra faire avec mais j’ai aussi découvert plus que je n’aurai espéré.
Je comprends aussi que la longueur de l’hiver peut conduire à un certain ennui et que passé le temps de la découverte il faut dompter ce sentiment de routine. N’est-ce pas pareil dans tous les pays?
Si on aborde la question de la vie personnelle, j’ai mon petit ami en France, qui connait déjà le Québec, je ne suis pas encore sûre à 100% qu’il me suivra dans mon choix d’immigration (ça implique beaucoup de concessions et je sais que ce n’est pas une chose facile que je lui demande) mais même sans lui je sais que je retournerai au Canada! Donc je ne sais pas si ton sentiment de solitude doit être seul ce qui doit de faire rentrer en France.
Je crois que où qu’on soit on peut être amené à faire des rencontres (amoureuses ou amicales) et je dirai même que l’expatriation nous oblige même à être plus actifs dans ce domaine, je n’ai pas de crainte par rapport à ça.
Après faut peser le pour et le contre (oui c’est plus facile à dire qu’à faire).
Personllement, je vois que ma qualité de vie était meilleure à Montréal, que professionnellement j’ai plus de possibilités et moins de réticences qu’en France. Mon travail me condamne à être sur Paris et cette vie parisienne de dingue je n’ai plus envie de la vivre alors si je veux continuer dans mon secteur d’activité le Québec est préférable.
Pourquoi vouloir des horaires de folies, du temps perdu dans les transports en commun, vivre dans un tout petit appartement quand on peut aller à pieds à son travail et profiter des joies d’un vaste loft design pour un prix moindre?
Et quand viendra la question des enfants, je ne voudrai pas me sentir responsable de les priver d’un certain confort de vie dont je mesure la chance d’avoir moi même profité durant mon enfance.
Voilà, me concernant le petit tableau avec les + et les – je l’ai déjà fait.
A contrario de ces quelques points qui pour mon cas personnel ont forgé ma décision, je pense que si ton vague à l’âme est trop persistant, il faut rentrer en France.
Tu ne seras pas la 1ère, je crois avoir lu que près de 70% des français expatriés au Canada rentraient dans les 4 1ères années d’installation (à vérifier tout de même).
J’ai vu durant cette année des amis français rentrer (5 au total) déçus par le manque de culture au Québec, la difficulté d’avancement dans leur carrière liée semble-t-il à la très faible notion de hiérarchie et majoritairement parce qu’il se sentaient trop loin de leurs amis et famille!
Voilà, je ne sais pas si ça t’aidera à y voir plus clair mais j’étais bien lancée pour écrire un roman!
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