De kabi
Pas besoin de frapper pour entrer chez moi,
Qui que tu sois, pousse la porte,
Quand tu voudras il y a une place pour toi.
Sur ces paroles de Sylvain Cossette, je faisais le va et vient devant la colline parlementaire, je contemplais ces petits bouts de neiges qui flottaient avant de tomber doucement sur l’asphalte de la rue, pour fondre vite fait dès le contact avec celui-ci.
Je regardais ce joli décor, et je rembobinais mes souvenirs de ces 6 ans passés dans ce bel endroit de la planète que l’on appelle LE CANADA.
Y a quelque jours j’appelais ma mère pour lui souhaiter mabrouk l’aïd l’kbir (bonne fête d’el-Adha) tout en lui envoyant une modeste somme d’argent comme le veut les us et les coutumes en ces grand jours. Elle priait pour moi et je ressentais son cœur serré car elle savait que j’entame mon 70ième Jours de grève et que je suis sans salaire à cause de ceci, à part une modeste contribution du syndicat de l’alliance public. Mais On fait de notre mieux pour subsister sans oublier les bons actes. Vous le savez surement tous! Notre culture et les principes sur laquelle notre éducation a été basée nous poussent de perpétuer ce rituel même dans les pires moments de notre vie, d’ailleurs quoiqu’on fasse, notre contribution ne parait point devant les sacrifices qu’ils ont fait pour nous.
Et oui ! on aurait tout vu en tant qu’immigrant dans ce beau pays. J’ai même eu l’expérience de faire une grève, et à cause de cela, et malgré l’obtention d’un visa touriste, nous avons reporté la visite de ma mère au Canada pour l’année prochaine.
Pour la grève ?? C’est simple dans chaque histoires c’est toujours le même principe: d’une part le syndicat qui estime qu’il n’y a pas suffisamment de protection d’emploi ni de parités salariale et d’autre part l’administration qui précise que la crise économique et les coupures budgétaires y sont pour beaucoup lors des derniers licenciements.
Cette dernière, depuis 70 jours, n’arrive toujours pas à expliquer comment pour le même secteur, dans la même ville, les autres sociétés similaires n’ont pas procédé aux licenciements et protègent beaucoup plus leur employé (pourtant la crise ne les a pas épargné non plus) et leurs salaires dépassent dans certains cas 40% celui de nos employés. Elle n’arrive non plus pas à expliquer pourquoi le salaire du président est le plus garnies, dépassant de loin celui de ses confrères de la même profession. Je viens même de savoir que certains employés sont en contrat renouvelés depuis …. Lisez-bien ceci, 19 ans. Oui je vais le répéter au cas ou… 19 ans. (comme disait l’autre: peut-être que la société aimerait avoir du temps pour penser s’ils ont besoin d’eux )
Bref j’ai vécu 70 jours de grève (en cette minute précise nous sommes encore entrain de faire du piquetage devant la fameuse colline parlementaire, soleil, pluie, neige ou froid, on se rend de 7h du matin à 16 de l’après midi).
J’y ai appris des tas de choses surtout du coté relationnel, les grévistes discutaient à la longueur de la journée de leur vie de tous les jours et on commence à mieux se connaitre, alors que lors des périodes normales de travail on communiquait à travers la messagerie interne de la société.
Un matin en indiquant mon nom sur la feuille de présence la demoiselle -chef de ligne-, me cria :
»ahhh donc c’est toi le gars à qui j’envoie des demandes de bons de commande »,
»Euhhh oui c’est moi, et puis je savoir à qui ai-je l’honneur? »,
» moi c’est Kim »
» Ah donc c’est toi qui m’achalait toujours à la dernière minute de ma journée pour me supplier de lui envoyer le nouveau no du bon de commande, là tout de suite »
On éclate de rire :DD , on se serre la main et on commence une belle journée de piquetage,.. le slogan » SO…SO…SOLIDARITÉ!!! » Retentie de plus belle toute la journée.
Se rapprocher des gens et socialiser avec eux n’est pas une mince affaire au Canada. D’ailleurs en cette 6ième année j’ai fais surtout un bilan sur le coté relation humaine.
Si les cinq premières années je les ai qualifié de :
Année de »transition »
Année de « remise à niveau »
Année du »recommencement »
Année du «changement»
Année de la phase de »maturité d’immigration »,
Cette année est un mélange d’évaluation de certaines choses dans la vie de tous les jours, de prise en main de ma future vie, d’aller de l’avant, de passer à l’action dans certains domaines (études,..), de repenser à mon réseau et contacts,.. bref je l’appellerais » l’année des évaluations ».
Une phrase, que j’avais lu quelque part, me revient souvent à l’esprit :
» Froid mais sincère, chaleureux mais hypocrite »
Tel un dilemme que j’ai vécu lors des contacts avec mes connaissances d’ici (je parle d’Ottawa). Je dis bien »mes connaissances » car j’ai appris à différencier, ami de collègue, de connaissance, de contact, et bien sure aussi de déceler les relations superficielle des sérieuses.
J’avais pris l’initiative d’inviter tout un groupe d’Ottawiens à Montréal et précisément à leur faire déguster nos merveilles gastronomiques ainsi que de visiter le Mont-royal. Afin de pimenter cette sortie inoubliable, j’avais pensé à leur offrir des cadeaux pour mémoriser cette journée (théière, jellaba, boite-à-bijou en bois massif etc..) L’idée était de démontrer un geste de courtoisie et d’amabilité sans en attendre une contrepartie quelconque, à part les quelques tapotement sur mon épaule en guise de remerciements.
Excpetion à Dave, (un aimable ami Canadien anglophone) personne n’a pris l’initiative de rendre la balle et créer un évènement de la sorte ou de surprendre le groupe avec des gestes courtois… certains, nous n’avons même pas vu le plancher de leur maison.
L’adorable Grace, Amy, et Wendy ont toujours étaient des hôtes exceptionnelles, une fois Wendy nous invitent à un pot-luck entre amis et fin de soirée en se regroupe pour jouer aux jeux de société, scrabbles, monopoly, mahjong, dominos chinois etc…., d’autre fois c’est Amy dans son appartement perché au 24 ième étage par lequel on a une vue splendide sur Ottawa qui nous invite pour un thé et gâteau chinois, on a même eu la chance de rencontrer son père (un chinois agé de 70 ans qui fais de son mieux de nous parler en utilisant 2 mots en anglais et une bonne dizaines d’expressions chinoises) et que dire de Grace ! cette adorable demoiselle qui refusent de rester seule dans son appartement et rassemble bon monde une fois par mois, question de mettre toutes ses connaissance en contact.
Mais ceux-là font l’exception et comme vous le savez l’exception ne fait pas la règle. Le reste du groupe disparait, et le jour ou quelqu’un vous contacte sachez que parcequ’il a besoin d’un service ou d’une information.
Je regardais ce genre de relation et je me disais que malgré tout on ressent que les gens quoique froid, ils sont sincères avec vous. Pour eux le blanc est blanc et le noir est noir, ce que je ne peux avaler c’est ces personnes qui te côtoies avec pleins de chaleurs et en même temps avec une certaines hypocrisie, c’est à dire que tu reçois toute l’intention et le respect lorsque tu engages des conversations ou quand on se rencontre, mais une fois tu as besoin d’un appui, de quelque chose ou d’aide, tu reviens bredouille, sans parler des promesses non-tenue.
Nos parents nous ont appris d’être toujours le premier à faire le bon geste, de démontrer la courtoisie à son summum, de se démarquer par son SOUAB (bons gestes)… mais ils ont oublié de nous dire »de savoir, bien sure, ceux qui méritent de leur offrir ceci ».
Quoiqu’il en soit, je ne peux m’en passer d’être là lors d’un appel. Il m’est arrivé ya quelque mois de me faire arrêter en plein centre ville par un jeune homme qui m’a reconnu sur le forum:
»êtes vous kabi du forum?? »
» euhh oui et surement vous êtes un forumiste?? »
» oui moi c’est popovich et je t’avais même envoyer un message privée et je t’en suis reconnaissant de tes réponses, cela m’a vraiment aidé »,
» ohh oui je me rappelle le gars qui allait à Toronto et hésitait entre étude et travail?? »
» c’est bien moi »
On parle un bon moment et on s’échange nos n° de cellulaire. Deux semaines plus tard je le rencontre dans un café avec un ami pour le mettre contact. Chaque aïd je n’oublie pas de le féliciter de prendre de ses nouvelles. (on se voit justement cette fin de semaine).
Encore une fois les paroles de cette musique retentissent dans ma tête, je garde la porte ouverte car il y aura toujours une place chez moi.
Mon »chez moi », mon »petit-bijou », ahhh que dire !!!
Ayant prévu la visite de ma chère mère je me suis permis de chercher un bon appartement digne de ces 6 ans de sacrifices et je l’ai trouvé, un beau petit bijou de 2 chambres sur deux étages! J’ai du traverser le pont et aller du coté Québécois (Hull) pour le trouver, profitant ainsi de la proximité de mon lieu de travail et surtout de loyer raisonnable.
Donc j’ai quitté Ottawa sans vraiment la quitter, car tous mes cafés et sorties en groupe se font toujours dans cette merveilleuse ville.
J’ai meublé mon petit-bijou soigneusement et avec gout (j’ai du m’octroyer un prêt pour mes meubles) sans oublier les petits budgets de fleurs et de bambou qui donnent un décor de ‘nature’ dans mon salon, un petit espace naturel bien sur, mais aussi un espace de vie.
Mes voisins sont des québécois, des gens sympathiques, à gauche un jeune couple dans la mi-vingtaine, dont le monsieur est un fan de voitures et à droite un couple de personnes âgées toujours souriants et échangeant des »bonjour » … . » ahhh un beau soleil aujourd’hui ! »… » hummm le camion des vidanges a du retard ?? » …
Je n’ai pas raté l’occasion de leur offrir les »chebbakkya » et »cornes de gazelles » lors du Ramadan passé. Ils ont apprécié le geste et le jeune couple est venu me rendre la monnaie un mois plus tard avec un morceau de tarte aux pommes. Je me disais que dans mon pays natal lorsqu’une personne déménage, tout les gars du quartier viennent donner un coup de main, et une des voisines préparent un bon berrad de thé marocain dont l’odeur de la menthe libère son parfum envoûtant et l’offre aux nouveaux venus avec des gâteaux, ou crêpes. Ici oubliez cela ! donc on fait le premier pas et on attend.
Je continue de cotoyer mes connaissances d’Ottawa, on se fait un brunch matinal les dimanches matin dans un restaurant de la ville, ou c’est un potluck dans un local ou chez l’un d’eux, des fois c’est des Dim-Sum avec le groupe chinois, voir même prendre un cours de cuisine chinoise, d’autres fois c’est une randonnée au Pink Lac, encore d’autre fois lors de l’hiver on s’organise pour faire de la raquette dans le fabuleux Park de la Gatineau, puis encore faire du patin sur glace dans le fabuleux Canal Rideau, la plus longue patinoire à ciel ouvert au monde, fierté de la ville d’Ottawa.
J’observe tout ce monde et je trouve un délice de voir que malgré toutes les différences de langues, de couleur de peau, d’origine, de culture, etc… chacun avec ses différences apporte une brique à l’édifice de l’humanité, c’est ça le Canada !
J’entend ici le Mandarin (chinois) par Grace, Amy, Minh, … puis ici, le Français avec Margueritte et son mari Michael (originaire de l’anglettere avec son accent british),.. ensuite le Québécois avec Éric, Annie et Claudie, … et même l’acadien avec l’adorable Jenniffer, un peu ici c’est l’espagnol avec Claudia (mexicaine) et Diana (la Colombienne), … et là-bas le libanais avec Zaki et Fadi, sans oublier nos amis les Canadiens anglophones.
Cela fait un an que j’ai eu ma citoyenneté Canadienne et je continue à la vivre pleinement.
C’est donc un concours de circonstances qui m’a amené dans ce coin, aussi à évaluer certains aspects de ma vie et changer de décors, et là une belle phrase me revient à l’esprit »Dieu ne change L’état d’un peuple que s’ils changent ce qu’ils sont dans leur âme ».
Alors je dis à ceux qui hésitent encore à envoyer leur dossier d’immigration, ou à ceux qui sont installé mais ne sont pas encore stable et cherchent une autre place pour recommencer, ou juste à ceux qui ressentent une monotonie et qui pensent vouloir donner un élan à leur vie mais ne le font pas encore pour raison X ou Y .. à tous je leur dirait la même phrase que je reprend de ce gérant d’un restaurant de la ville de Joliette et qui l’indiquait sur des petites boites d’allumettes qu’il mettait soigneusement sur la table.
La phrase disait:
» Arrête d’en parler, pis fais-le ! »
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