À Stéphane….
Lorsque je voyage, j’ai l’impression, de plus en plus, de porter en moi ce mythe du Nouveau monde, le rêve d’un nouveau départ…. les gens sont curieux, m’envient, me redoutent, veulent me suivre…. bref…. ça fait réfléchir les gens sur leur vie…. c’est toujours ça…. Seraient-ils capables de tout quitter ainsi? Serait-ce un trop gros sacrifice?
Mais voilà, après les rêves, il y a la réalité…. la décision… l’immigration…
Et oui l’immigration…… il y a le côté réaliste et vrai : immigrer, ce n’est pas non plus signer l’accord d’entrer en prison. On peut toujours repartir…. Il y a des manières de s’assurer qu’on va aimer ça : venir en visite touristique, prendre un PVT si on a moins de 35 ans, venir trouver un emploi et décrocher un visa de travail en quelques semaines si on est chanceux ou ….. oser commencer les démarches et assumer la suite…. encore une fois ce n’est ni illégal ni la fin du monde de retourner d’où l’on vient si ça se passe mal ici….
Et puis il y a les vraies considérations profondes de ceux qui comprennent vraiment le trésor de ce nouveau départ, cette chance inestimable, rare, précieuse : recommencer une vie, avoir une nouvelle chance, ça se mérite et ça demande du vrai courage. Lorsque l’on comprend ça, qu’on est dans cet état d’esprit de nouveau départ, on est alors capable de comprendre tout l’impact et la portée de nos vies et de savoir si on la veut vraiment ou non cette nouvelle vie, et donc de la réussir : la famille, les amis, le travail, le pays….. notre propre équilibre psychologique individuel….
Vraiment se demander si on veut immigrer c’est se dire que, oui, on abandonne sa famille avec l’intention ou non d’en fonder une nouvelle …. oui un abandonne ses amis avec l’espoir d’en faire de nouveaux, encore plus aimants et plus fidèles….. oui on doit renoncer à un travail qui paye peut-être bien et qu’on ne déteste peut-être pas tant que ça et à des avantages sociaux qu’on pense mériter ou non….. oui on choisit de quitter un pays que l’on aime ou pas, mais ça on ne peut pas vraiment le savoir sans avoir vécu à l’étranger….
Bien sûr on peut immigrer sans se demander tout ça, mais je n’en vois pas vraiment l’intérêt…. si on ne réfléchit pas à tout ça, il y a beaucoup de chances de rater son immigration de toute façon, car on n’aura pas vraiment cherché à savoir si on voulait vraiment tout ça, et par conséquent on ne peut pas vraiment être capable d’assumer ce choix-là après.
Mais il y a les récompenses que seule une immigration peut apporter : une nouvelle famille où l’on se sent mieux, la chance de ne pas refaire les erreurs du passé…. des nouveaux amis qui peuvent nous aimer vraiment pour nous-mêmes et peut-être même des anciens amis qui nous retrouveront, eux aussi attirés par cette nouvelle vie, qui sait…. une nouvelle situation professionnelle qu’on peut devoir recommencer un peu à zéro (mais pas nécessairement) pour bien comprendre comment ça marche ici, pour retrouver une humilité qu’on a peut-être perdu, apprendre les règles sociales de notre nouveaux pays, rencontrer des gens qui seront peut-être des amis, des mentors, l’espoir et souvent la récompense de monter plus vite, plus haut que là d’où l’on vient, mais surtout de la choisir enfin vraiment notre carrière de rêves, de pouvoir enfin réaliser des projets qui n’étaient de toute façon pas vraiment possible avant…. de découvrir un nouveau pays de l’intérieur, oh, chance rare et précieuse, de pouvoir enfin relativiser un peu, vraiment, comprendre un peu mieux l’impact d’une société sur l’espèce humaine, de prendre ainsi du recul, la possibilité d’une certaine indépendance toute neuve, d’un nouveau cheminement sur la route de la découverte du SOI-même, indépendamment d’une société, sans s’empêtrer dans les nombreux préjugés et autres lobotomisations qu’un pays impose à ces citoyens.
La décision ultime est propre à chacun, elle ne peut être prise par personne d’autre que soi-même…. en fonction de nos vies et de nos aspirations et de nos goûts.
On juge alors si finalement l’issue de cette décision nous apparaît plus comme un sacrifice ou comme une chance….. J’aurais tendance à penser que tant qu’on ressent cette issue comme un sacrifice, c’est que l’on n’est pas prêt…. mais je ne sais pas…. je n’ai jamais connu ce sentiment là…. pour moi ça a toujours été clair comme de l’eau de roche…. j’ai l’impression d’avoir toujours voulu cette immigration…. Oh si…. j’ai bien paniqué sur le bateau en rentrant d’Irlande après les au-revoir à mon ex, en me demandant si je ne faisais pas la connerie de ma vie…. j’ai pleuré à en avoir les paupières gonflées pendant 36 heures…. mais du fond de moi, tout doucement, comme un petit chien qui sort de sa cachette pour réclamer un câlin après s’être fait gronder, ma décision mûrement réfléchie est revenue à la surface…. j’avais réfléchi, mais surtout la décision était un jour, en avril 2000, apparu d’elle-même comme l’unique promesse de bonheur qui s’offrait à moi, et maintenant je ne pouvais qu’assumer mon choix.
Tout est très simple alors…. on ne peut presque pas vaciller, hésiter, douter…. on doit ASSUMER…. si c’est difficile d’être loin de sa famille, il faut se recréer une famille et rester fidèle autant qu’on le peut à « l’ancienne » sans se torturer (facile à dire…. mais on n’a pas dit que tout était facile non plus)… si on a du mal à se faire des amis au début, c’est normal, ça a pris du temps dans notre première vie de se faire nos amis si l’on compte bien, il faut être patient et surtout authentique et vraiment aimant et NÉCESSAIREMENT ça arrive. Il ne faut surtout pas juger nos nouveaux compatriotes massivement, hâtivement, toujours penser à l’individu, ça aide et rester ouvert et compréhensif….. si c’est difficile de trouver la situation professionnelle dont on rêve, il ne faut pas baisser les bras, de toute façon, il n’y a pas le choix, plus on déprime et plus on se plaint et moins on trouve, car le manque d’énergie se ressent et personne ne veut embaucher quelqu’un sans énergie, qui n’y croit pas, alors il faut simplement y croire très innocemment : ici il y a du travail, c’est aussi bête que ça et oublier qu’on ne sait faire que ce que l’on a appris à faire, oublier le moule dont on vient de sortir, respirer bien fort et se tourner vers nos rêves. Il faut prendre l’aide partout où on nous la propose et surtout tenter de comprendre comment s’y prendre. Être curieux, poser des questions, rencontrer des professionnels de l’emploi, dépenser son argent intelligemment, se renseigner, apprendre. Moi je crois que tout est dans l’attitude, ici il faut être positif et énergique et il me semble que ça ouvre toutes les portes sur nos chemins…. si le nouveau pays ne plait pas complètement, il faut se dire que c’est normal et qu’on n’a pas vraiment le choix, il faut relativiser et trouver des solutions pour l’aimer mieux quand c’est possible et surtout ne pas s’arrêter à des détails car c’est facile alors de ne voir que les choses négatives et à quoi ça sert de faire ça ? Relativiser est une solution précieuse : si on trouve des choses qu’on n’aime pas mais qu’on préfère encore ça que ce qu’on connaissait avant, alors la discussion est close et on passe à autre chose….. On vit.
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