Nous sommes le 16 mai 2009. Nous ressortons du 101 rue du Carcajou. Mon regard « septico-craintif » croise celui de mon agent immobilier. En retour, il me renvoie une bouffée d’enthousiasme, il est emballé par cette maison. D’après lui, je ne peux espérer mieux avec le budget dont je dispose. C’est ce que l’on appelle une « luck » : une maison dont le prix est plus bas que ça valeur. Et M. Tremblay a raison, mais je refuse de prendre une décision tout de suite, d’autant que je tique sur la superficie du terrain en arrière qui laisse peu de place pour l’intimité.
Je sais plus quoi penser. Il me dit que l’on peut encore en visiter d’autres. Je réfléchi, je tergiverse, je tourne en rond,… quoi décider. Je lui propose de me laisser les papiers pré-remplis pour une offre d’achat, comme ça je n’aurais qu’à les lui faxer signés en cas de prise de décision.
Le surlendemain, le 18 mai 2009, je rappelle mon agent immobilier. Sans vraiment être convaincu de ma décision, je suis enclin à soumettre une promesse d’achat.
Il me demande de le rejoindre chez lui à Saint-Ambroise, située à une demi-heure d’Alma. C’est une petite ville emmaillotée au milieu des champs de pomme de terre de réputation provinciale.
Il est 15 h, je signe une promesse d’achat à 105 000 $, conditionnelle à une dernière visite et une inspection de la maison par un spécialiste. Ça y est je me lance éperdument dans une de mes plus grandes décisions de ma vie. Les vendeurs doivent répondre à l’offre avant le 20 mai 18h. Je rentre chez nous en espérant que je ne me suis pas fourvoyé.
Le 19 mai, 07h49 AM, les vendeurs se sont manifestés positivement via leur agent d’immeuble par l’envoie d’un fax à mon agent. La contre-proposition des vendeurs s’élève à 117 000 $.
Je revisite la maison. Je ressors dehors la tête truffée de questions pour m’entretenir avec mon agent. Ma seconde visite officielle est donc effectuée.
Le 20 mai vers 12h, je retourne aux abords de la maison avec ma collègue Véronique afin de récolter son avis pragmatique. Par chance la propriétaire est présente et nous invite à revisiter son logis. Je discute avec la propriétaire. Suivant l’avis de Véronique, j’en ressors un peu plus enjoué à l’idée d’acquérir ce bien.
Le soir, je rejoins M. Tremblay à Saint-Ambroise. Pour saupoudrer un peu de piment et précipitation dans l’affaire, leur agent nous annonce qu’ils ont une autre visite plus tard en soirée. Intox ou pas, il nous faut réagir, car si un second acheteur propose un montant supérieur à ma proposition, les acheteurs peuvent accepter.
Alors soit, je propose un nouveau montant (115 000 $) et déclare que ma second visite est satisfaisante, afin d’ôter cette condition à la promesse d’achat ici présente ; soit j’accepte leur proposition.
Le stress de la situation est contrebalancé par le repas qui m’est servi par sa conjointe.
Je discute et dans le même temps je réfléchis. À 21 h, j’accepte la contre-offre, à 117 000 $ avec une prise de possession le 1er août ou avant. La négociation par agents immobiliers interposés est terminées, je suis quasiment propriétaire.
Malgré la fatigue, cette nuit-là le « marchand de sable » et le « bonhomme sept heure » durent faire équipe et user de toute une gamme de stratagèmes pour réussir à m’endormir.
Un peu plus d’une semaine plus tard, car la premier rendez-vous n’a pu être honoré, mon inspecteur en bâtiment est devant ma futur résidence. L’inspection se déroule à merveille.
Je viens de vous compter l’épisode du choix de la maison, mais outre les visites, j’effectue un petit tour de piste des institutions financières. N’oublions pas que le nerf de la guerre est l’acceptation d’un prêt hypothécaire. Je débute ma tournée par la Caisse Populaire Desjardins du quartier d’Alma. Ils ne me connaissent pas, mais je possède plusieurs comptes dans leur succursale de Beauport (arrondissement à Québec) depuis 2003. J’ai bon espoir d’un accueil optimiste.
Malheureusement, après une rencontre de 15 minutes, j’en ressors tout à fait désappointé ! La conseillère quinquagénaire m’a gentiment découragé : je suis pauvre, le taux d’endettement est trop imposant pour moi. À cet instant, mon rêve de sédentarisation concrète s’envole.
Je me console me disant que j’aurai eu un aperçu de la complexité des étapes.
Mon apport monétaire personnel doit être d’au moins de 5 % du montant de l’achat.
Si mon apport financier est inférieur à 20 % de l’investissement immobilier, je dois contribuer à la Société Canadienne d’Hypothèques et de Logements (SCHL) d’un montant de plusieurs milliers de dollars proportionnel au montant de l’hypothèque.
Afin de compléter mon apport personnel il m’est possible d’utiliser mes fonds boursiers investis dans mes Régimes Enregistrées d’Épargne-Retraite (REER). D’autant que lors de l’achat d’une première maison, le Régime d’Accès à la Propriété (RAP) permet de retirer une partie de ses REER sans devoir payer d’impôt.
Le lendemain, après les encouragements de mes collègues de travail, leur nom en référence et quelques numéros de téléphones en poche, je me décide tout de même à poursuivre mes recherches. Je commence par la Banque Nationale. Surprise : je suis riche et donc tout à fait capable d’assumer l’achat d’une maison. Il s’en suit plusieurs autres institutions financières, dont une autre Caisse Desjardins, qui se montre plus généreuse que la précédente. Résultat : je compare les différents taux d’intérêt et type d’hypothèques. Les taux oscillent entre 3,65 % et 4,50 % fixes sur cinq ans, c’est-à-dire que quelque soit le marché durant les 5 prochaines années je ne paierais pas plus d’intérêt. Je pouvais aussi choisir un taux fixe sur un an ou variable avec un plafond ou pas. C’est bien simple, je dois choisir le niveau de risque que je suis prêt à tolérer. J’opte pour le moins risqué : fixe sur cinq ans. Ensuite j’ai le choix d’un prêt sur 25 ans, 30 ans ou encore 35 ans avec des paiements hebdomadaires ou aux deux semaines ou mensuels. Afin d’alléger les paiements, je choisi un prêt sur 35 ans remboursé par des paiements mensuels. Je peux à tout moment modifier la périodicité des paiements et au bout de cinq mon prêt sera renégocier.
Naturellement, chaque institution vente également différents services et produits : frais de gestion pour les comptes, assurances en cas de décès ou maladie ou perte d’emploi. Bref, je suis noyé dans les options qui s’offrent à moi.
En parlant d’assurance, je dois réfléchir à une assurance vie permanente ou temporaire et auprès de quelle compagnie ? En plus de ma propre personne, ma future cabane euh maison au Canada doit être couverte par une assurance habitation. Là encore un joli casse-tête s’offre moi.
Parallèlement, je dois choisir un notaire, Il en existe des dizaines…. Et encore une fois, le délai pour se décider est court.
Tu dois donner ta confiance envers quelqu’un qui va légiférer ton investissement de plus de 100 000 $ et vouloir t’offrir ses services pour l’écriture de ton testament.
Encore un magasinage à enclencher. Je me décide à appeler la quasi-totalité des notaires du secteur, et il y en a une maudite gang ! À croire que c’est une job plutôt payante.
En général, les prix se tiennent pas mal, mais il n’empêche que vous pouvez avoir de mauvaises surprises monétaires. Pour ma part, la présence d’une fenêtre localisée sur le mur de mon garage donnant sur le jardin du voisin à une distance de moins d’un mètre au lieu des 1,5 m réglementaires, oblige sa condamnation ou à souscrire une police d’assurance en cas de réclamation par la municipalité ou le voisin.
C’est à moi de décider. L’assurance ou les travaux sont à la charge du propriétaire actuelle, mais le temps (soit 1 heure) dispensé par mon notaire à cet effet est à ma charge. La facture d’un millier de dollars est alourdie de 180 $, rien que ça…
Eh oui lors de l’achat d’une maison, les ponctions monétaires arrivent de tous les côtés. Et ce n’est pas fini : taxe scolaire, taxe foncière et la fameuse taxe de Bienvenue. Cette dénomination n’est pas une formule ironique pour féliciter chaque Québécois qui acquiert un bien immobilier, mais provient du nom de son inventeur. Un ministre qui a mis en place cette taxe pour que les municipalités engrangent de nouvelles rentrées d’argent. Elle est proportionnelle à la valeur de l’achat immobilier, pour moi près d’un millier de dollars.
En plus, d’orchestrer le tout, je dois sous-louer mon appartement ou bien trouver un remplaçant, car le bail est déjà reconduit pour un an et le propriétaire n’est pas vraiment prêt à me laisser partir comme ça… Finalement je réussi à trouver quelqu’un pour le 1er juillet, mais là je dois chercher un logement en attendant que les propriétaires de ma future demeure dénichent une maison et à leur tour déménagent. Ils ont jusqu’au 1er août. Je loue donc une chambre pour étudiant et je m’arrange avec qu’eux pour apporter la majorité de mes affaires dans leur garage. Une chance qu’ils ont été assez smats (sympathiques) pour accepter une partie de mon stock alors qu’ils occupent encore la maison. Sans cela, il m’aurait été obligatoire de louer un local.
Et comme pour perturber un peu plus la situation, au bout de deux semaines dans ce logement en demi sous-sol, une énorme fuite d’eau provenant du chauffe-eau à contraint le propriétaire à me relocaliser en attendant les réparations. Résultant : je me retrouve à l’hôtel aux frais de ses assurances. Je suis logé, déjeunés inclus et repas au restaurant payés à 50 % durant deux semaines !
Le 27 juillet, enfin, je mets les pieds dans ma maison. Je suis propriétaire.
Bon ben ça c’est fait !
Comme vous l’avez compris, acheter une maison découle d’une décision et l’habiter officiellement demande de faire une myriade de choix.
Acheter une maison, s’est faire le plus gros achat de sa vie. Quoi qu’il arrive, ce choix aura des répercutions durant le reste de ta vie.
Il y a six ans, je vivais en France chez mes parents, logé, nourri et blanchis. Juste pour illustrer ma « dépendance » matriarcale, c’est ma mère qui s’occupait de mes assurances voiture…
Et là à 28 ans, je décide seul de devenir propriétaire au Québec, à Alma avec une job au gouvernement mais à contrat,… quel contraste. Je fais le grand saut en fermant les yeux… Je peux vous dire que dans mes rêves, je réclamais mes parents pour venir me soutenir !
Cela a été la période la plus stressante de ma vie. Le stress emplissait ma tête et en débordait même. La seule façon de réussir à abaisser le niveau, c’était de penser à une chose à la fois, mais c’est tout un apprentissage.
J’ai su profiter du seul moment que je pouvais aspirer à posséder une maison grâce :
– à un taux hypothécaire bas,
– à peu de resserrement de critères d’admissibilité,
– à une valeur des maisons qui stagne.
Acheter une maison c’est donner aveuglément confiance à une trâlée de personnes qui sont autour de toi pour tirer eux aussi leur épingle du jeu. Il faut être capable de garder la tête froide et s’entourer de personne pour te motiver lors des découragements.
Onze mois ce sont écoulés depuis et je peux vous que mes occupations ont radicalement changées. Aujourd’hui, je visite plus souvent la quincaillerie du quartier que les bars… Mes discussions tournent souvent autour de mes travaux et chaque dollar que j’économise est investi dans ma demeure !
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