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Adil au Québec : Le commencement

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Je ne sais pas si c’est à cause de l’âge ou du fait d’être à présent intégré dans ma société d’accueil mais j’avoue, avoir de plus en plus, de la difficulté à trouver et à écrire sur des sujets liés à l’immigration. Je salue au passage la nouvelle vague de blogueurs talentueux qui a rejoint l’équipe. Comme je suis un peu en panne de sujets, je tente un nouveau truc: raconter une histoire sur le parcours d’une famille tunisienne installée au Québec. Une famille qui n’est pas nécessairement représentative de l’immigration tunisienne ou, d’une façon plus large, maghrébine. Mais des familles comme celle-là, il en existe quand même. Je pense que c’est bien d’aller à contre-courant parfois, de contourner la règle, de démonter les préjugés…etc. L’histoire est fictive et – comme on dit – toute ressemblance avec des faits réels ne serait que le fruit du hasard ….et de mon imagination. Comme je la pense vraisemblable, la voici ou plutôt voici un premier chapitre du parcours de cette famille.

Petite présentation des principaux personnages, pour commencer. Adil a 43 ans. Il est informaticien spécialiste des environnements linux. Il vient de Tunis et il est installé dans la ville de Québec depuis 7 ans. C’est l’entreprise pour laquelle il travaille comme analyste qui avait été le chercher dans son pays. En Amérique du nord, où règne, en maître quasi-absolu, Microsoft, on manque de spécialistes d’environnements de logiciels libres et on n’hésite pas à aller les chercher là où ils se trouvent. Adil est arrivé au Québec avec Najat (41 ans) et leurs deux enfants, Lobna (17 an) et Rafik (14 ans). Si Adil a commencé à travailler dès les premières semaines, Najat, médecin généraliste, a par contre vu toutes les portes se refermer devant elle. Déterminée qu’elle l’est, elle n’a heureusement pas lâché prise et a pu franchir, un à un, tous les obstacles qui se sont dressés sur son chemin. Les mêmes obstacles que bien d’immigrants ont rencontrés et continuent de rencontrer et qui sont à l’origine de bien de changements de carrière voire de choix de se cantonner dans des jobs de survie ou encore plus rarement de terribles désillusions.

Adil et Najat se sont connus à l’université, dans des luttes estudiantines, à la fin des année 80. Ils étaient de jeunes militants d’un des groupes politiques de gauche, clandestins mais tolérés par le régime de Ben Ali à condition que leurs activités ne débordent pas le cadre de l’enceinte universitaire. Adil et Najat rêvaient d’une Tunisie et d’un monde meilleurs et luttaient avec d’autres pour y parvenir. À la fin de leurs études et au moment de fonder une famille, la réalité avait fini par les rattraper. La chape de plomb qu’exerçait le régime policier sur les organisations politiques et syndicales, le reflux des idées de gauche à l’échelle internationale, la résignation de la population dans un pays où il y avait quand même quelques opportunités de s’en sortir individuellement – pour certains – ainsi que le train-train quotidien avaient eu raison de leurs rêves et de leurs illusions.

C’est en Tunisie que leurs deux enfants sont nés. Ils se promettent de les élever et de les éduquer selon leurs valeurs de progrès, de justice et d’égalité entre les hommes et les femmes. Sur le plan social, Adil et Najat réussissent assez rapidement à se faire une bonne « situation ». Ils gagnent bien leur vie et font partie de la classe moyenne tunisienne. Ce n’est pourtant suffisant, à leur yeux. Ils ne supportent pas l’étouffement des libertés démocratiques ni la mainmise d’une minorité sur l’économie du pays. Lorsque Adil apprend que quelques chasseurs de têtes débarquaient à Tunis pour recruter des informaticiens pour le compte d’entreprises québécoises du secteur des TIC, l’idée de quitter son pays lui passe pour la première fois par la tête. Il en parle à Najat qui l’encourage à aller voir. Le jour « J », il se présente dans le grand hôtel situé sur l’avenue Bourguiba pour assister à l’activité Speed Jobbing où plusieurs personnes représentant différentes entreprises rencontrent chacun des candidats dans des entrevues courtes de 10 à 15 mn. À la fin du processus, les recruteurs font des propositions aux candidats de leur choix. Adil en a reçu deux pour deux entreprises basées à Québec. Il est étonné que ce soit aussi rapide et facile.

Il est tout excité mais comme il n’avait jamais envisagé de quitter son pays, il a de drôles de sensations. Il pense à son père, décédé un an plutôt, qui rêvait d’une Tunisie rattrapant les pays européens en matière de développement et qui pour réaliser cet objectif avait besoin de tous ses talents. Il pense à sa mère toujours vivante et restée dans son visage natal à quelques centaines de km de Tunis. Il se renseigne sur le Québec et découvre une société francophone qui même si elle est capitaliste n’en a pas moins des valeurs de progrès et de solidarité. Sur les aspects liés à l’intégration des nouveaux arrivants, il se rend compte que pour les professions régies par des ordres professionnels et notamment celles du domaine médical, les diplômes étrangers n’étaient pas reconnus et les chances que sa femme obtienne le droit d’exercer étaient minces. Il est comme refroidi.

Ils plongent, lui et sa femme, dans une longue réflexion et se mettent à peser les pour et les contre. Dans la catégorie contre, d’abord, on a leur bonne situation sociale, la proximité de la famille, leur rêve de voir la Tunisie se transformer pour plus de liberté et de justice. Dans la catégorie Pour, le sentiment de plus en plus fort que le pays régresse sur plusieurs plans, celui d’impuissance à agir pour essayer de changer les choses et enfin l’envie d’offrir à leurs deux enfants un environnement dans lequel ils pourront s’épanouir. Et ils pensent notamment à leur fille Lobna. Même si la Tunisie est le pays arabe où les femmes ont le plus de droits, elle reste quand même machiste à bien d’égards. Et c’est surtout ce dernier élément qui fera pencher la balance pour décider finalement de tenter l’aventure. Au pire, se convainquent-ils, ils pourront toujours rentrer si ça ne se passe pas comme ils l’espèrent.

Ils annoncent la nouvelle à leurs familles respectives, qui sont évidemment étonnées de voir un couple trentenaire, à qui la vie semble sourire et qui a un train de vie plus que correct comparativement à la majorité de la population, décider de recommencer à zéro dans un pays si lointain. Elles ne peuvent rien pourtant contre cette décision et n’ont qu’à souhaiter au couple et à leurs enfants bonne chance et à prier pour eux. Au terme de la procédure administrative d’immigration facilitée par l’offre d’emploi ferme que Adil a reçu, le couple et les deux enfants débarquent à Québec au début de l’automne 2004. Il fait beau et la vieille capitale est magnifique. Ils sont émerveillés par le festival de couleur qui fait chanter les feuilles des arbres – plus grands que les immeubles – et qui repousse leurs craintes d’un hiver rude et long, eux habitués au soleil, les trois quarts de l’année. Cette beauté naturelle de leur terre d’accueil et la facilité avec laquelle ils trouvent un logement, inscrivent leurs enfants à l’école, établissent les différentes cartes et documents attestant leur nouveau statut mais aussi le sourire de simples passants,..tout cela les enchante. C’est pendant ce moment qu’ils voient la vie sous un nouveau jour et qu’ils envisagent leur avenir sous de meilleurs auspices. Mais comment ça a évolué pour eux? On verra peut être la prochaine fois.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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