De Paris à Toronto
Au commencement il y avait une idée, d’abord un peu vague puis de plus en plus présente : partir.
J’ai d’abord pensé faire un Volontariat International, histoire de voir du pays pendant 2 ans et comprendre si ma vie était vraiment ailleurs qu’en France.
J’étais en bonne voie pour un poste à New York, mais au même moment un fou a lancé des avions sur la ville et le World Trade Center n’était plus … sur une échelle moindre, je me retrouvais à la case départ.
Par contre mon envie de partir, elle, n’avait pas diminuée.
J’aimais cette idée de savoir ce que l’on perd et jamais ce que l’on gagne, cette impression que l’on jette en l’air toutes les cartes que l’on a en main sans savoir ce que l’on va récupérer.
Ce coup de poker s’appelera Canada.
Le Québec m’attire particulièrement car il y a la langue commune, les grands espaces, les opportunités … Bref à l’époque j’avais été charmée par les nombreux témoignages et bien sur la réunion d’information rue de la Boétie.
Donc dans la foulée je fais la demande (avec mon copain, Sylvain) du CSQ que l’on obtient 3 mois plus tard.
On est en 2002 et je n’ai jamais mis les pieds au Canada.
Sylvain ayant des problèmes à régler avec l’administration française (je vous fais grace des 3 pages de détails sur l’année perdue…). On met le processus en pause et on décide d’aller faire un tour au Canada en attendant.
Direction Toronto, Montréal et Québec.
Je trouve Toronto d’une laideur effroyable, tout ce béton et ces églises perdues entre des tours immenses, les routes abimées par les hivers rigoureux. Ce coté très Nord Américain du tout fonctionnel, on fait du solide, du pratique, le côté esthétique, ben on verra après, hein !
Par contre je m’amuse comme jamais. Sylvain a des amis ici et c’est un atout inestinable pour se sentir bien dans une ville.
Je suis par contre très déçue par Montréal. Mais on ne connait personne et jouer les touristes n’est pas vraiment notre truc.
Québec est fabuleuse, un vrai coup de foudre ! Les gens sont souriants et agréables, la vie parait douce et facile. Lorsque l’on revient sur Toronto la veille de reprendre l’avion, on annonce à nos amis que notre décision est prise et que dès que l’on a le visa on s’installera à Québec.
C’était sans compter sur le pouvoir de persuasion de nos amis !
Ils nous ont proposés de nous aider et de nous héberger. L’argument de poids étant : « mais vous ne connaissez personne au Québec »
Une semaine de bourrage de crane plus tard, notre (nouvelle !) décision était prise : ce sera Toronto.
Mai 2004, le visa enfin !! L’euphorie passée, les préparatifs commencent et plus le départ approche et plus le temps semble s’accélérer, si bien qu’à la fin je réalise que je n’aurai pas le temps de dire au revoir à tout le monde comme je l’aurais voulu.
Le temps me file entre les doigts ; l’angoisse, elle, monte lentement mais surement.
Je suis heureuse de partir, mais je me demande comment va être cette vie en anglais, si je vais trouver facilement du travail, des amis. Je doute tout simplement de ma capacité à m’adapter.
13 octobre 2004 : direction Roissy Charles de Gaulle.
On part à deux voitures, je monte avec ma mère, Sylvain monte avec mon frère, mon père ayant déclaré forfait au dernier moment pour cause de migraine. Probablement la contrariété et le stress de me voir partir, il faut dire que le Canada, il n’y croit pas trop. Il est persuadé de me voir revenir quelques mois plus tard, complètement fauchée, mais je sais qu’au fond de lui, il espère se tromper !
L’avion est rempli par un groupe de touristes français, ce qui, comme un de ces signes cachés que moi seule peut décoder, me confirme que j’ai vraiment fait le bon choix en quittant la France.
Ils commencent par demander à un agent de sécurité un tire bouchon pour pouvoir ouvrir leur bouteille de vin dans la salle d’embarquement.
Un autre s’exclame : » c’est où qu’on va déja ? Toroto ? » » nan c’est Tor-ON-to » « t’es sure ??? Tor..ro … to » » Non, non !!! TO … RONNNNN … TO »
Un vrai sketch !
Un coup de chapeau à l’hôtesse qui a supporté leurs mauvaises imitations de l’accent québécois pendant toute la durée du vol.
Les formalités à l’aéroport sont rapides. Aucun commentaire sur le fait que nous avons été sélectionné par le Québec.
Douane, frais pour l’inspection des chats et hop … taxi.
La nouvelle vie peut commencer. Le plus dur reste à faire.
Ayant un sens de l’orientation inexistant, apprendre à me repérer dans une nouvelle ville me demande de gros efforts.
Heureusement tout est carré !
Au début lorsque l’on me demande mon adresse, je donne systématiquement le nom de ma rue, mais tout le monde s’en fiche, ce qu’on veut savoir ici c’est quelle est l’intersection la plus proche.
C’est comme pour les directions, tout est en fonction des points cardinaux, mais vu ma capacité légendaire à me perdre, Sylvain m’offre une boussole !
Ouf !
Pourtant tous les habitants de Toronto le disent, la meilleure façon de se repérer c’est de chercher la CN Tower qui est au Sud.
Hmm, sauf qu’on ne la voit pas de partout et qu’ensuite on ne sait pas vraiment si on doit aller au Sud ou au Nord, trois pas à l’Ouest ou quatre à l’Est.
Bref, j’ai beaucoup marché. Ensuite j’ai essayé de comprendre le système des tickets de transfert de la TTC (les transports en commun de Toronto), une bonne semaine plus tard et quelques arrachages de cheveux, j’avais compris ! (et j’ai décidé d’acheter une carte mensuelle ….)
Je me suis très vite sentie à l’aise dans la ville. Je ne sais pas qui a apprivoisé l’autre en premier, mais ce que je dois dire c’est que l’alchimie est là.
Il ne faut pas perdre de vue que « moi c’que j’aime c’est le macadam », j’aime la ville en général, j’aime sentir que je peux être anonyme parmi les anonymes, porter des chaussures roses fushias si ça m’amuse, aller au ciné, changer d’avis et aller au musée ou peut être au resto (thai, italien ou japonais …j’aimerais bien essayer coréen pour changer), puis finalement louer une vidéo et rester chez moi.
Toronto pour ça ne me déçoit pas, bien au contraire ! C’est bien moins cher que Paris et il y a plus de choses à faire ! Les nocturnes des musées, le 24h/24 – 7j/7, des parcs pour les envies de verdure et d’activités de plein air, les magasins le dimanche. On trouve tout, il suffit de chercher ( si si, même du roquefort Papillon et du foie gras frais).
J’aime rêvasser dans le Street Car en rentrant chez moi, guetter la CN Tower entre les tours du quartier financier, tout comme je cherchais inconsciemment la Tour Effeil à Paris.
J’aime rentrer chez moi regarder mon petit jardin et me dire que, finalement, c’est super un jardin en ville. Gouter au calme de ma rue en pensant que le tumulte de Queen Street et de ses clubs branchés n’est qu’à quelques minutes.
La vie en anglais n’est finalement pas trop pesante, surtout que, justement, elle n’est pas entièrement en anglais ! Je développerai surement ce point un peu plus tard …
5 mois ici … déjà et seulement …. ! J’ai accompli plus de choses depuis mon arrivée à Toronto qu’en toute une vie à Paris. Trouver un travail, un appart, réapprendre son quotidien.
Je pourrais continuer à en parler pendant des pages et des pages, en attendant je vais sortir de mon bureau pour m’engouffrer dans le métro, à moins que je n’ai le courage de remonter les 2 blocs à pied jusqu’à Dundas pour prendre le Street Car, mon Street Car !
Que vais-je faire ce soir, ce week-end ? Je ne sais pas encore et c’est ça que j’aime ! Me décider au dernier moment entre une multitude de possibilités, pour souvent ne rien faire mais avec la satisfaction de ne jamais pouvoir s’ennuyer.
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