Ce n’est qu’un au revoir… - Immigrer.com
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Ce n’est qu’un au revoir…

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J’avais beau retourner la chose sous tous les angles, rien ne me satisfaisait. Et pourtant, fallait bien que j’en arrive là un jour. Mais non, je trouvais ça trop tôt encore. En fait, non peut-être pas. Bouh semble y être arrivée bien avant elle. N’a-t-elle pas avoué elle aussi un jour « J’avais donc décidé sur un coup de tête de vous faire profiter de quelques lieux communs, avant d’enchaîner la suite ma foi assez naturellement, mais au prix de quelques contorsions mentales visant à me rafraîchir un peu la mémoire sur des évènements que je jugeais dignes d’être racontés. »
Des lieux communs. C’est tout ce dont je suis capable aujourd’hui. C’est ce qui m’empêche d’écrire autre chose que des banalités. Mais pourquoi donc? Parce que ma vie n’a plus rien d’extraordinaire, elle est le lieu commun des lieux communs, celui-là même que n’importe qui vit n’importe où ici ou en France.

Et tel que Bouh l’a fait, mon lieu commun m’amène à des contorsions mentales mais ce ne sont pas des événements qui sortent de cette gymnastique, mais un constat finalement simple, trop simple pour être accepté et/ou avoué. Je vis ma vie ici comme je l’aurais vécu ailleurs. Je ne suis plus immigrante, je suis tout sauf ça, finalement. Oh oui bien sûr je rencontre encore des gens qui me demandent depuis combien de temps je suis ici, mais on me le demandera toute ma vie encore. On me fait remarquer mon accent, mais ça aussi j’en souperais encore. Non, finalement, ce qui me fait dire ça c’est que je n’ai plus ce regard neuf sur les choses d’ici, je suis déjà dans la routine. La présence depuis quelques semaines d’une amie d’université a mis ces faits en exergue.
Tout dans sa candeur de touriste m’amuse et me charme … comme à mon heure j’ai pu charmé d’autres. Son oreille innocente qui transforme un « Astie qu’t’es laid » madelinot en « Astique la télé ». Ses billes écarquillées quand un itinérant de la maison du Père se présente comme « itinérant ». Son engouement pour essayer tout ce qui est culinairement nouveau: poutine (québécoise ET acadienne d’ailleurs), bière, fromage en grain, pâté chinois.

Finalement, qu’est-ce qui me distingue aujourd’hui d’un immigrant. Enfin disons d’un néo-immigrant. C’est finalement que ma vie ne contient plus rien d’extraordinaire que les ordinaires événements d’une vie pour m’extasier, me bousculer. Une naissance. Un mariage. La perte d’un emploi. L’embauche dans un autre.

Est-ce lorsqu’on est rendu là qu’on peut dire qu’on vient de changer de cap? Peut-être. Mais pas seulement. C’est quand je pense on fait le tour du forum par exemple et qu’on n’a plus aucun intérêt dans les sujets qui y sont lancés. Quand les procédures nous semblent trop loin pour se souvenir. Ou ont changé. Quand la énième question sur le tips, quand faut-il le donner? Avec tant, peut-on (bien) vivre à Montréal (Québec)? Quel quartier pour une famille? Ce n’est pas que les questions soient stupides, loin de là. C’est que les réponses, on se les est faite déjà, par notre expérience. C’est vrai que c’est à ce moment-là qu’on va être les plus utiles pour ceux qui arrivent. Mais en a-t-on encore le goût? Dans mon cas, pas vraiment.
J’aime à faire apprendre des choses aux gens, mais quand deux chroniques en file sur l’histoire du Québec, lors de sa 400ème année, ne trouve d’écho qu’auprès de gens installés, et en privé de surcroît, autant le dire, on se pose des questions sur son utilité. Et on se demande si on a envie de parler de choses banales comme la cabane à sucre (je l’ai faite au boulot cette année si vous voulez tout savoir), le retour du printemps, le retour de la chasse aux appartements (finalement on reste où on est) … Dans mon cas non. Dans mon cas, je crois que j’attends le bout de cette aventure. Je crois qu’il est temps de laisser ma place à quelqu’un qui aura plein de belles et nouvelles choses à dire. Ou peut-être pas si nouvelles dans le fond, mais qui l’intéresseront encore.

C’est donc bien une dernière chronique que je livre ici. Mon temps est passé. Ma vie continue au-delà de cet espace. J’ai un mariage à préparer, des amis à chouchouter, des petits bouts à voir grandir, une famille à fonder. Je vais donc laisser voguer le bateau et prendre ma barque pour aller où je serai plus utile. Qui sait, peut-être que je reviendrais les bras chargés de belles histoires, plus tard, quand le temps m’en aura offert de nouvelles.
Ce fut une belle expérience et je remercie Laurence de me l’avoir offerte. Je vous dis donc au revoir…

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