Non seulement je suis en retard, mais en plus, je me retrouve devant l’angoisse de la blanche. Je suis sûre que mes collègues chroniqueurs se reconnaîtront dans cette situation. Ce ne sont pas les idées de sujet qui me manquent, je ne sais simplement par où commencer.
Le mot « angoisse » me fait justement penser à toutes les étapes qui ont jalonnées mon parcours depuis mon arrivée au pays. Car oui, l’immigration comporte des moments angoissants. Ce n’est pas un processus de tout repos, et on n’y est jamais totalement préparé, quoi qu’on en dise.
Je pense notamment au choc culturel qui m’a frappée, et qui frappe tous les immigrants, peu après mon arrivée à Vancouver. Pourtant, contrairement à son nom, le choc culturel n’est pas instantané, et il arrive très souvent au moment où l’on s’y attend le moins. Il n’est pas nécessairement le fruit d’une série d’événements non plus. Le choc culturel est d’abord un synonyme de désorientation.
Lorsqu’on arrive dans un nouveau pays, on amène tout un bagage culturel de valeurs, de références, de croyances qui orientent notre façon d’agir et de penser. Au bout d’un certain temps, on s’aperçoit que notre bagage culturel n’est pas le même que celui du pays d’accueil, et c’est ce qui produit le choc et une certaine désorientation.
Les manifestations les plus communes du choc culturel sont les suivantes : une certaine frustration et irritabilité, sautes d’humeur, sentiments négatifs à l’égard du pays et de ses habitants, sentiment d’isolement, ennui, mais aussi des symptômes physiques comme la fatigue, maux de tête et de dos. Il peut y en avoir d’autres. Par exemple, j’étais souvent fatiguée, en plus de la frustration liée à la difficulté relative de trouver un emploi et de se refaire de nouveaux amis. Quand j’ai trouvé mon premier emploi, pendant les 2 premiers jours, j’ai été malade et ne pouvais rien avaler. Par la suite, j’ai attrapé un rhume qui a mis 3 semaines à passer et avec extinction de voix en prime, en plein mois d’Août.
Beaucoup d’immigrants parlent du choc culturel qu’ils ont vécu sur leur lieu de travail. Oui, les relations et méthodes de travail sont différentes ici. Mais, d’autres aspects plus anodins du pays d’accueil peuvent contribuer au choc culturel, comme la nourriture ou la météo. Puisque j’en parle, la pluie et l’hiver ont été un gros choc pour moi, ici, à Vancouver. Originaire des Alpes, j’étais plus habituée au froid et à la neige, et à l’air sec. Le premier hiver, j’étais inconfortable physiquement. J’avais trop chaud !
Bon nombre d’entre vous doivent déjà se dire : mais, ne s’était-elle pas renseignée avant de venir ? Ne savait-elle pas qu’il pleut beaucoup à Vancouver ? Bien sûr que je le savais. Je vous entends encore : pourquoi nous parle-t-elle donc de cela, si elle le savait?
Ce qui m’amène à la comparaison suivante : nous savons tous qu’un jour nos parents vont mourir. C’est inéluctable. Mentalement, nous le savons. Mais lorsque l’inévitable arrive réellement, le gérons-nous mieux pour autant ? Dans la majeure partie des cas, non, parce qu’émotionnellement, nous ne sommes pas prêts. C’est globalement la même chose pour le choc culturel. Oui, on a fait des recherches, on est venu en voyage de prospection, on sait que cela va être difficile de trouver un emploi, qu’on ne parle pas la même langue, que l’hiver il fait très froid, que la nourriture est différente, oui, on sait tout ! Et pourtant, quand nous vivons vraiment ces situations, le prenons-nous bien ? Pas nécessairement.
Le choc culturel est sournois, on ne sait jamais quand il va arriver, ni surtout combien de temps il va durer. Il ne disparaîtra jamais complètement non plus. Pour certains, il semble ne jamais s’arrêter. Pour d’autres –dont moi- cela a été un mauvais moment à passer. Pour vivre au mieux le choc culturel, et passer à l’étape suivante de l’adaptation, il faut voyager léger et accepter de laisser une partie de son bagage culturel derrière soi. Au lieu de lutter contre la remise en question qui accompagne généralement le choc culturel, il vaudrait mieux l’accueillir, et en profiter pour faire du tri dans notre bagage.
Pourquoi ne pas ranger des valeurs qui ne nous correspondent plus ou des références qui ne sont d’aucune utilité ici, et en acquérir de nouvelles ? Cela va demander un effort supplémentaire, alors que nous trouvons que nous en faisons déjà assez, ou que nous croulons sous le poids des responsabilités (trouver un emploi, un logement, s’occuper des enfants…).
Mais, cela en vaut la peine, car la remise en question nous permet d’avancer et c’est la première des nombreuses étapes menant à l’intégration. Je situe globalement la plus grande partie de mon choc culturel entre Juillet 2006 et Février 2007. Et oui, je suis contente d’avoir surmonté cette étape ! Je me sens maintenant plus en phase entre ma propre culture et celle d’ici. Pendant cette période de turbulences, j’ai eu la chance d’être entourée de gens positifs, qui m’ont beaucoup soutenue, et puis j’ai toujours travaillé dans mes domaines de compétences, ce qui aide aussi.
Car, selon moi, la voie de l’intégration commence d’abord par une intégration sur le plan « économique et financier» de l’immigrant. Mais cela est un autre débat. Disons que maintenant, je me sens « adaptée ». Pour ce qui est de me sentir « intégrée », je vous en reparle dans quelques années.
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