Initialement j’avais pensé que ma chronique seraient sur les différentes élections qui vont se tenir prochainement dans la province, en plus des fédérales. Ce qui aurait fait l’occasion d’aborder la vie politique en Colombie-Britannique. Finalement, ce sera pour une prochaine fois.
Après être passée avec plus ou moins de succès par les phases de lune de miel, de choc culturel –qui n’est pas vraiment un choc- et d’adaptation initiale, je me retrouve depuis quelques temps dans une phase d’isolation mentale et également de certaine frustration. Dans la lignée de ma précédente chronique « Choc culturel », c’est de cette phase dont j’ai décidé de parler aujourd’hui, au travers de mon expérience personnelle.
Cette phase est essentiellement caractérisée par un certain rejet du pays d’accueil et par le mal du pays d’origine. Même si l’immigrant s’est adapté à son environnement, il peut se sentir bloqué par rapport à ce qu’il voudrait faire et incompris des gens de son entourage. La maîtrise insuffisante de la langue peut également encore poser problème.
Je précise que bien qu’habitée par une certaine confusion et plein de contractions, je suis contente d’être ici, et que je n’ai pas l’intention de retourner en France. Mais, après tout, je n’ai pas nécessairement besoin de me justifier. Je ne connais pas la plupart d’entre vous et je ne verrai ni n’entendrai vos réactions à la lecture de cette chronique. D’ailleurs, je pense que c’est pour cela que je peux parler plus librement et m’ouvrir à vous, lecteurs invisibles. Et puis, la plupart d’entre vous sont des immigrants, comme moi, donc peut-être un peu mieux placés pour comprendre que mes amis Canadiens « nés au Canada ». Enfin, cela fait depuis quelques semaines que je garde toutes ces contradictions pour moi, et il faut que « ça sorte ».
J’ai réalisé naïvement que mon adaptation ici a été plutôt superficielle. C’est plutôt une adaptation aux contingences domestiques. Oui, je sais comment trouver un emploi, louer un appartement, m’occuper de mes finances, me rendre d’un endroit à un autre, j’ai des amis pour sortir, mes repères au supermarché et ailleurs, je connais l’essentiel de la mentalité Canadienne et Vancouveroise. C’est déjà bien, me direz-vous, mais une myriade de ces aspects m’agace de plus en plus ces derniers temps comme le manque de culture générale, les programmes télé insipides, une certaine désinformation, le côté « politiquement correct » à tout prix, les relations parfois superficielles, voire carrément absentes etc.…
Sans compter que la distance avec ma famille se fait cruellement sentir, et pas seulement sur le plan géographique. Je suis venue seule ici. D’un côté, cela a été une très bonne chose car je suis devenue plus indépendante, j’ai beaucoup plus confiance en moi et en mes capacités. D’un autre, cela représente aussi beaucoup de responsabilités, qui sont parfois très lourdes à porter pour une seule personne. D’un côté, je n’ai que moi à consulter, ce qui facilite beaucoup d’aspects de ma vie, d’un autre j’aimerais bien justement pouvoir discuter des aspects de ma vie avec cet « Autre », qui tarde tant à venir. Comme écrit plus haut, je suis arrivée seule ici, et deux ans et demi plus tard, pas de changement dans ma situation familiale. Pourtant, il s’est passé plus de choses dans ce domaine que lorsque j’étais en France, mais pas suffisamment pour ce que je souhaite. D’où mes interrogations du type : vais-je rencontrer quelqu’un ici ? Est-ce que j’aurai des enfants ? Vont-ils naître au Canada? Suis-je vouée au célibat si en fait je reste ici? A l’approche de la trentaine, j’aspire à autre chose. La carrière c’est bien, mais cela ne remplit pas toute une vie.
Justement, parlons-en du travail. Dans mon bilan des 2 ans, j’avais écrit que je voulais me concentrer sur mon affaire de traduction. En aparté, si vous avez besoin de traduction ou connaissez quelqu’un qui pourrait en avoir besoin, n’hésitez pas! Allez, un peu de réseautage !
C’est donc ce que je fais depuis 6 mois et je suis très contente de ma décision de faire enfin ce que j’aime et surtout ce qui correspond à mes qualifications. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’avais pris cette décision. Sur les 6 derniers mois, j’ai travaillé régulièrement et ai trouvé des clients, mais comme toute nouvelle entreprise, les finances ne suivent pas forcement. J’ai constaté une réduction significative de mon revenu, ce qui, dans une ville chère comme Vancouver, n’est pas une chose aisée. J’ai beaucoup de pression à ce niveau. Parfois, je me demande si ce ne serait pas plus simple de retourner au bureau, dans une entreprise.
Une de mes plus grandes peurs est liée à l’argent. En fait, je suis terrifiée à l’idée de rentrer en France justement. Cela peut sembler irrationnel, comme beaucoup de peurs, mais c’est ainsi. D’un côté ma famille me manque, mais de l’autre je n’ai aucune perspective d’avenir, ou si peu. D’ailleurs c’est cela que j’aime au Canada, parmi tant d’autres aspects, même s’ils m’agacent ces derniers temps. J’aime toutes les possibilités qu’offre cet immense pays à qui s’en donne la peine, j’aime cette liberté d’entreprendre, j’aime cette liberté « d’être » tout simplement.
Le but de cette chronique n’est pas de vous décourager ou de présenter une vision sombre de l’immigration. Mais, comme vous vous en êtes déjà aperçu, ou comme vous vous en apercevrez à un moment donné si vous n’êtes encore pas ici, l’immigration est comme les montagnes Russes. Il y a des périodes de satisfaction mais aussi des périodes de doutes et de remise en question. D’ailleurs, après avoir écrit tout ceci, cela va déjà un peu mieux. Et si j’essayais justement de parler à mes amis Canadiens de tout cela? Ils me comprendraient peut-être mieux que je ne l’imagine…. Ma prochaine chronique se fera dans un autre état d’esprit, c’est promis!
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