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De la région de la capitale nationale à la région de la capitale du bleuet

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Revenir en tant que chroniqueur après plus de deux ans d’absence, c’est comme revoir un être cher que l’on n’a pas vu depuis longtemps… L’eau a tellement coulé sous les ponts que l’on ne sait pas par quoi commencer.
Étant donné, qu’Immigrer.com a accueilli une trâlée de nouveaux sympathisants qu’ils soient immigrants, québécois, canadiens ou d’une autre catégories de gens sympathiques, je vais me présenter à nouveau. Pour ceux qui sont au courant vous pouvez passer directement au troisième paragraphe de cette chronique.

Mon nom est Benoît, j’ai 28 ans, natif de la Vendée (ouest de la France), technicien en horticulture de formation.
Mes premiers regards de contemplation au Québec, datent du 19 mai 2003 en tant que travailleur temporaire pour une période de 5.5 mois.
Mon second débarquement sur les terres de Champlain, date du 29 mai 2004.
Mon droit de rester au Québec, de payer des impôts sans avoir le droit de voter, ma résidence permanente en somme, a été autorisée le 11 novembre 2004, J’ai choisi cette date, pour être certain de m’en souvenir pour toujours….
Jusqu’au 27 juillet 2007, j’ai vécu à Québec, où j’ai multiplié et additionné les jobs des plus diverses : de technicien en aménagement, à superviseur en inventaires, en passant par animateur-nature, sans oublier à opérateur en machinerie dans le domaine pharmaceutique.
Cette dernière job est responsable de mon changement de cap autant professionnel que de vie… Désolé si je fais un peu court, mais je ne voudrais pas perdre les lecteurs qui sont au courant, vous pouvez toujours parcourir mes anciennes chroniques.
Ainsi en 2007, je migre à Saint-Félicien, village situé à trois heures 30 de route au nord de Québec, dans la belle région du Saguenay-lac-Saint-Jean, formée comme le nom l’indique d’un lac, le 3ème plus grand lac du Québec et d’une rivière qui devient un fjord, le Saguenay.
Au début, je n’étais pas censé m’établir dans cette région, mais simplement faire escale pour un remplacement de quelques mois pour une job de coordonnateur en environnement dans la ville de Saint-Félicien (dans le Haut du lac St_Jean), après avoir perdu ma job à Québec.

Me voilà donc rendu aux Pays des Bleuets ! Pourquoi ce sobriquet désignant la population me direz-vous ? Non ce n’est pas parce que la population est libérale (de droite), ou bien qu’elle n’a d’yeux que pour les Stroumpfs, ou encore qu’elle trippe sur la fleur appelée bleuet en France. Mais tout simplement parce que cette région est le lieu de prédilection pour la culture du bleuet dont le fruit comestible appelé airelle à feuille étroite ressemble à la myrtille. Mais surtout, ne dites pas que je vous ai dit ça, ici seul le nom de bleuet est admissible aux yeux de tous. Au Saguenay-Lac-Saint-Jean, le bleuet est ce que la pomme est à la Normandie, une spécialité cuisinée à toutes les sauces. On ne badine pas avec cette tradition !

Fermeture sur cette parenthèse agri-culturo-culinaire, j’arrive donc à Saint-Félicien et je me demande qu’est-ce que je fais ici ! Suis-je arrivé dans une région plus creuse (perdue) que la Creuse (région française…creuse) ? Imaginez une région de plaines agricoles principalement vouées à l’élevage laitier et aux cultures fourragères entourées par la forêt boréale composée d’épinettes (épicéas) et d’îlots de bouleaux à papier, traversée par les grandes rivières nordiques qui s’écoulent dans le mythique Lac St Jean. Le tout est parsemé de quelques villes de plus de 10 000 habitants et surtout de villages de quelques milliers d’âmes tout au plus.
Au début cet environnement m’a fait un peu déchanter, il faut s’habituer.
Je précise que cette description correspond au secteur du Lac Saint-Jean et non du Saguenay. Pour ce dernier, j’en parlerai une prochaine fois.

Parti de Québec à 5h du matin, arrivé à la job à 8h30, 4h de résumé de ma nouvelle job par la personne qui me cède sa place, un tour de voiture de 10 min et une cigarette plus tard pour décompresser de cette entrevue qui m’a rendu vert de panique, me voilà aux rênes de quatre gros projets d’aménagements en même temps, dont un de 50 000 dollars. Je suis responsable des projets d’aménagement chez une dizaine d’agriculteurs ! Sans parler de la gestion des budgets et du personnel, l’organisation des réunions du conseil d’administration et avec les différents partenaires (municipalités, ministères, associations).
Bref, mes responsabilités n’ont jamais été aussi importantes, il me sera parfois difficile d’être partout à la fois. Comme d’habitude je n’arriverai pas à maintenir mon travail à 37,5 h par semaine, mais plutôt à 50 h par semaine, mais j’aime ça.

Mon congédiement de mon emploi à Québec n’a pas été une partie de plaisir, mais au moins il m’a permis de retrouver le chemin de l’écologie avec un poste rêvé ! Comme quoi, pour vous tous qui débutez au Québec, ne perdez pas espoir, tout arrive à point nommé pour celui qui sait attendre (ou agir), et surtout qu’un échec peut se transformer en victoire ! Et c’est ce qui m’est arrivé !

Au début, je craignais affronter une population plutôt individualiste, réfractaire aux nouveaux arrivants. Eh bien, à ma grande surprise, j’ai constaté tout le contraire. Ce sont des gens ouverts aux autres à condition que l’on prenne le temps de les connaître et de les écouter. Et dans mon travail, je dois travailler avec eux et non contre eux. Ici l’entraide existe encore à contrario avec la population des grandes villes et de certaines régions où l’individualisme a pris le dessus.

Après un séjour d’une semaine chez mes amis du Lac, je déménage dans une vieille maison baptisée « La Barrak ». Cette bâtisse blanche toute de bois vêtue abrite 7 chambres louées par les étudiants du Cégep de Saint-Félicien (équivalent du BTS) durant l’année scolaire en compagnie d’une tribu de souris… L’été, les chambres sont louées aux visiteurs de passage (plus ou moins prolongé). Cette maison centenaire, démunie de clé, à l’image de la maison bleue de Maxime Leforestier fut mon refuge jusqu’à la mi-août 2007.
Passée cette date, je déménage à nouveau… Cette fois-ci j’adopte « ma cabane au Canada », un chalet en bois au milieu d’un petit boisé, cerné par la route d’un bord et par la rivière Ashamuchuan de l’autre, avec un aménagement modeste : lit en mezzanine, mini frigidaire, poêle à bois, cuisinière de camping au propane, une armoire de métal de type vestiaire, eau chaude non disponible… Et bien entendu, la télévision y fait figure de légende. Les toilettes sèches et la douche sont à l’extérieur !
Mais quel plaisir de prendre sa douche à l’extérieur, dont le toit de cette salle de bain de plein air est le ciel bleu filtré par les branches de bouleaux jaunes encore couvertes de feuilles aux couleurs automnales, laissant à l’occasion paraître les oies blanches en pleine migration.
Ce logement est rudimentaire, mais quel charme de se réveiller avec vue sur la forêt garnie de bouleaux et de peupliers et derrière, la rivière qui s’écoule dans le plus grand silence comme pour passer inaperçue ! E pour rendre les lieux encore plus féeriques, je vois tous les matins, les oiseaux sautiller au milieu des feuilles teintées des couleurs automnales. Ce retour aux sources est une formidable source d’inspiration pour mon âme d’écrivain…
Quelle joie de couper son bois à la hache pour préparer du petit bois pour partir le feu quand je rentre le soir. Eh oui pour ceux qui ne le savent pas les nuits sont déjà fraîches, 3 à 10°C en cette fin septembre.

Les semaines défilent tout au long de cette nouvelle vie aux allures d’antan plutôt atypique à notre époque et même au pays des bûcherons et des ours ! Mi-octobre, les premières neiges sont arrivées avec les premiers défis qui découlent de ce mode de vie particulier. Il a d’abords fallu isoler la base extérieur du chalet par de la neige, couvrir les fenêtres de plastiques, puis apprendre à faire ses réserves d’eau car en période de gel l’eau courante est coupée vu que la conduite d’eau n’est pas isolée. Je dois donc aller chercher de l’eau dans le puis extérieur qui lui est protégé du froid.
Et plus l’hiver avance, plus je dois endurer les températures glaciales oscillant entre -20°C et -30°C sans le fameux facteur vent, et dites-vous qu’une nuit à -30°C à l’extérieur refroidit l’intérieur du chalet drastiquement. Ainsi, je pouvais me coucher avec une température de 22°C grâce au poêle à bois, mais vu que le feu ne dure pas toute la nuit, il n’était pas rare qu’au réveil la température se situe entre 2°C et 8°C avec un record établit à -1,5°C. Vous comprendrez que se lever relevait parfois d’un défi. Et lorsque je revenais au chalet après quelques jours de pérégrination dans la civilisation, la température à l’intérieur pouvait être équivalente à la température extérieure…
Vous me prenez sûrement pour un individu plutôt farfelu voir un peu fou,… vous n’êtes pas les seuls, beaucoup ont essayé de me convaincre d’adopter un mode de vie « normal », mais en vain, je m’obstinais ! Québécois d’adoption, mais gaulois de naissance leur disais-je !
Ils rétorquaient : « si tu ne veux pas le faire pour toi, fais le pour nous, rends-toi compte de l’image des québécois que tu renvoies aux Français ». Sachant qu’une catégorie de Français s’imagine que les Québécois vivent au fond des bois, il est assez déroutant pour ces derniers de côtoyer un immigrant français qui joue à Robinson Crusoé sous leur nez…

Ainsi, je suis un nouvel habitant en région, mon statut de chroniqueur de la capitale nationale est supplanté par celui de chroniqueur de la région du Saguenay Lac St Jean. Déjà que tout est centralisé à Montréal, un peu à Québec, alors imaginez le regard que l’ensemble de la province a sur ma nouvelle région d’adoption : « le pays du pick-up, de la motoneige ! »

Pour ce retour dans l’écriture de chroniques je vais en rester là pour cette fois, il faut bien que j’en garde pour le prochain épisode de « Bénito au Lac-Saint-Jean ».

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