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Des changements salutaires

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Cela fait plus de deux mois que les peuples de la région d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient font parler d’eux dans les médias et qu’ils suscitent l’admiration du monde entier. Je ne dois surement pas être le seul mais je ne me suis jamais senti aussi proche du peuple tunisien ni trouvé la Tunisie aussi belle que durant ces dernières semaines. J’ai peut être même eu un sentiment de fierté d’être originaire de cette région là où un peuple longtemps privé de parole a décidé de briser ses chaines et de venir à bout d’un des régimes les plus autoritaires au monde. Grâce à la télévision et Internet, le monde a vécu et vit en temps réel les révoltes en Tunisie, en Égypte mais aussi en Algérie, au Yémen, Jordanie et au Bahreïn. Ça nous change des manchettes sur les attentats terroristes et la Burqa auxquelles les médias occidentaux nous ont habitués depuis quelques années.

Je ne connais pas beaucoup la Tunisie. Je n’y suis allé en fait qu’une seule fois mais je sais que l’université a toujours été un espace où les différents courants idéologiques s’exprimaient et se développaient. En dehors, on ne discutait pas beaucoup de politique ou pas ouvertement comme on peut le faire en Algérie. Ça pouvait être dangereux d’oser critiquer le régime de Ben Ali. La peur a été vaincue et le peuple s’est réveillé et s’est débarrassé du tyran. Et à voir la manière avec laquelle il l’a fait ainsi que le niveau d’organisation du soulèvement populaire, il n’y a aucun doute sur l’existence d’une véritable élite démocratique dans ce pays ni sur la maturité politique de la jeunesse tunisienne. En l’espace de quelques semaines, la Tunisie mais aussi l’Égypte – et d’autres pays – ont fait vivre au monde entier des moments exceptionnels.

Ce genre de moments pendant lesquels des immigrants comme nous envient ceux et celles qui sont restés au pays. Des moments où l’on a l’impression qu’on assiste à quelque chose d’unique, de participer à un bouleversement historique…à une révolution démocratique. Des moments qui procurent une sensation de pur bonheur et de grande fierté à cette jeunesse qui se prend en main pour construire des lendemains meilleurs. Cette impression là, les Algériens l’ont déjà eue: à la fin des années 80. C’est déjà trop loin, je sais. Les événements d’octobre 88 – que l’on dit provoqués par des clans du pouvoir – étaient en fait l’expression du ras-le-bol général face à la dégradation des conditions de vie de la majorité de la population et à l’étouffement des libertés. Octobre 88 avait ouvert une brèche démocratique prometteuse. Le soulèvement avait fait suite à des luttes estudiantines de grande ampleur dans les villes de Sétif et de Constantine à l’Est du pays (86) et au niveau national, un an après. Le printemps berbère de 1980 en Kabylie avait déjà ouvert la voie à un changement de la nature du régime. Rompant avec le système de parti unique, la période 89-91, a vu la naissance de près de 70 partis politiques de toutes obédiences, d’autant de titres de presse, des associations…Les médias audiovisuels étaient ouverts à tous les partis et les faces-à-faces entre personnalités politiques meublaient les soirées télévisuelles. Les marches populaires réunissaient des centaines de milliers de personnes autour de revendications démocratiques, pour des élections libres, pour la reconnaissance de la langue berbère, pour l’abrogation du code de la famille..etc. En parallèle à ce processus démocratique plein de promesses, les islamistes s’organisaient pour construire leur propre alternative au régime. On assistait progressivement à un processus de fascisation qui a culminé avec la victoire du Front islamique du salut (FIS) au premier tour des élections législatives de 1991. La victoire définitive du FIS se profilait à l’horizon avec la perspective d’une république théocratique aux portes de l’Europe. L’Algérie a évité cette voie suicidaire et le monde sait maintenant à quel prix. Alors que des émeutes ont éclaté dans ce pays au même temps que la révolte tunisienne, le régime algérien parait inébranlable deux mois après. Pourtant, malgré l’aisance financière du pays, la situation sociale est explosive. Il n’y a qu’à consulter les titres de la presse locale pour constater qu’il y a chaque jour des grèves, des émeutes et …des immolations. La révolution démocratique se fera en Algérie. Il n’y pas de doute. C’est peut être juste le fait que la population est encore échaudée par les années du terrorisme qui retarde la chute de tout le régime en place.

Le risque islamiste

Dernièrement, alors que la pression devenait chaque jour plus forte sur le régime de Moubarak, les médias occidentaux se sont focalisés sur le risque islamiste. Certains commentateurs étaient catégoriques: les islamistes finiront par triompher. Traduction, il fallait soutenir le régime de Moubarak. Que ce soit clair, les Frères Musulmans sont la première force organisée en Égypte et les islamistes sont aussi puissants en Tunisie et sans doute encore plus au Yémen et en Jordanie. Par ailleurs, ils peuvent avoir des démarches différentes mais ils n’abandonneront pas leur objectif d’instaurer une république théocratique. Pourtant, l’espoir est permis et ce pour plusieurs raisons. D’abord, la révolution dans ces pays n’est pas l’œuvre des islamistes et leurs mots d’ordre étaient absents en Tunisie et en Égypte notamment. D’accord, ce facteur n’est pas en soit déterminant quand on connait l’histoire de la révolution iranienne et des luttes démocratiques en Algérie dans les années 80. La nouveauté, c’est que les forces démocratiques en Tunisie, en Égypte et ailleurs savent comment la révolution a été dévoyée en Iran et savent ce dont est capable l’intégrisme religieux depuis la tragédie algérienne. Ils savent aussi que ce sont les musulmans eux-mêmes qui ont payé le prix le plus fort suite aux attentats du 11 septembre 2001. Ces forces démocratiques sont plus vigilantes aujourd’hui. À ce titre, on peut relever la réaction immédiate et vigoureuse en Tunisie suite à l’attaque – visiblement par des groupes islamistes- d’une rue fréquentée par les prostituées après le départ de Ben Ali. On peut ajouter que désormais il faudra compter sur ce formidable moyen d’expression qu’est Internet. Sans Facebook et Twitter, les révolutions tunisiennes et égyptiennes n’auraient pas connu le même retentissement international. Peut être qu’elles n’auraient même pas eu lieu ou …pas encore. L’impunité n’existe plus ou presque.

Il faut maintenant espérer que ça contribue à changer le regard en occident vis à vis des peuples de cette région du monde. Même si ce-sont ces peuples qui sont à même de décider de leur avenir, le niveau de solidarité internationale avec la révolution dans cette région aura certainement son impact sur les réformes démocratiques qui y seront opérées. Les immigrants originaires de ces pays ont aussi l’occasion de servir de passerelle entre leur terre d’accueil et leur pays d’origine par la création, notamment, de mouvements de soutien aux peuples en lutte pour la démocratie.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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