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Do you speak French?

Je pars en vacances mercredi, j’ai choisi une destination assez connue : la France.
Ca fait un peu bizarre de se dire qu’on va visiter sa famille et ses amis de toujours, comme on visiterait un pays qu’on aime bien, en bon touriste qui a envie de passer un agréable séjour et qui préfère retourner chaque année dans le même camping en Bretagne, ou la petite location sympa de la Côte d’Azur.
Je sais déjà que je vais devoir raconter, re-raconter, re-re-re raconter ma vie à Toronto et comme je sais qu’ils viennent lire de temps en temps mes chroniques, je vais prendre de l’avance!
Aujourd’hui, je vais vous parler du français à Toronto, plutôt de ma perception du français et comment je le vis au quotidien.
D’abord je parle français tous les jours, puisque je partage ma vie avec un français, je sais, ça aide!
Ensuite, et à ma grande surprise, moi qui pensait me retrouver en immersion totale dans le canadien anglais, je trouve que le français est bien plus présent que je ne l’imaginais.

Ma voisine déjà est française et à Toronto depuis 20 ans. Mon voisin du dessous, nous parle un peu français de temps en temps, la première fois ça m’a sciée, moi qui pensait que les francophones étaient quasi inexistanst ici.

Depuis je me méfie, j’évite de dire tout haut, ce que je pense tout bas.
Comme le jour où l’on est allé pêcher et qu’un jeune est arrivé en nous disant :
En anglais – « Vous n’avez pas le droit de pêcher ici, j’ai appelé les gardes pêches et quand ils vont venir, vous aurez une amende. »
Donc je fais un commentaire, à voix haute, un peu (beaucoup) du style « hmmmm cause toujours tu m’intéresses »
Et là, il m’a regardé et dans un français parfait m’a balancé un « ah vous parlez français » qui m’a fait l’effet d’une douche froide. Ouf, je n’avais rien dit de méchant, ni d’insultant.
Dans mon premier travail, nous n’étions que deux à parler français. Moi et la réceptioniste qui avait appris le français « dans les rues de Montréal» comme elle aimait à le répéter. De parents anglophones, elle avait quitté la ville il y a plus de trente ans, mais avait pris soin de garder son français.
On s’amusait bien ensemble à parler français devant nos collègues anglophones. La plupart s’en fichait éperduement, mais certains nous faisaient une crise pensant que l’on en profitait pour parler sur eux … radical pour découvrir la vraie nature des gens !

Maintenant je suis dans une équipe bilingue. Tout le monde parle en français, ou du moins parle français. Dans l’environnement de travail, ça donne plutôt dans le joyeux mélange, puisqu’on est la petite équipe au milieu de plein d’anglophones.
Mais entre nous, c’est essentiellement en français.
Tout ça ouvre un peu les yeux sur la francophonie. En tout cas, pour moi, le français au Canada, ce n’est plus seulement le Québec, mais aussi tous les immigrants d’Afrique, de Haïti, du Liban, d’autres qui ont transité par un pays francophone avant d’arriver ici, comme mon collègue polonais et surtout, tous ces francophones- francophiles canadiens dont je ne soupçonnais pas l’existence avant de venir ici.

Il faut savoir que n’importe qui en Ontario peut envoyer son enfant en immersion, c’est à dire à l’école en français.
Il y a un niveau intermédiaire, ou les cours tels que les maths et la géographie seront toujours en anglais, puis il y a l’immersion totale où tout est en français.
Les résultats divergent totalement d’une personne à l’autre, et j’aimerai bien comprendre pourquoi. Certains gardent un niveau excellent, d’autres ne le pratiquant pas après leurs études, l’oublient petit à petit.
Malgré tout, la plupart des canadiens que je rencontre, me dise qu’ils enverront leurs enfants à l’école en français car c’est un atout inestinable.

Je ne passe pas une journée sans entendre parler français dans la rue et je suis toujours surprise de rencontrer des francophones.
La dernière fois par exemple, je suis allée faire réparer mon vélo. Le client qui était déjà là me dit (en anglais) « n’attend pas que mon vélo soit fini, explique lui ton problème » en me montrant l’unique autre personne du magasin.
Bref je me lance dans mon explication détaillée et quand j’ai fini, le client me demande si je suis finlandaise (toujours pas compris pourquoi) et je lui dis « oh no, I’m from France ».
Et là, devinez quoi (enfin moi ça ne me surprend plus), il m’a parlé en français. En fait ses parents étaient français et lui étaient prof d’anglais des affaires dans une école de Toronto.
On a échangé quelque mots, j’ai trouvé son français excellent, malgré son accent anglophone.
Mais qui n’a pas d’accent ? Moi, j’ai un affreux petit accent pointu pour les québécois, et je trouve que les marseillais ont un accent chantant. Et alors ?
Puis qui je suis pour juger du niveau de français des autres ?
Ce que j’aime ici, c’est cette soif de français dont font preuve les francophones dès qu’ils en croisent un autre. Un peu comme l’autre jour, lorsque je suis allé boire un verre avec Camusi et que deux gars nous ont accostées car on parlait français.
N’importe qui en France aurait pris ça, pour une tentative maladroite d’engager la conversation.
Mais là, on a croisé quelqu’un qui, après deux questions de ma part, avait déjà raconté qu’il avait grandit dans un village au Nord de Sudbury où tout le monde était francophone. Que tous ces villages avaient disparu faute de travail et qu’il vivait à Toronto et qu’il n’aimait pas du tout la vie dans cette grande ville.
Son français était parfait, avec un léger accent canadien, pas franchement comme au Québec, ni comme au Nouveau Brunswick. Comment on fait ces gens pour garder, transmettre, chérir leur langue comme si c’était le plus beau des trésors?

J’ai l’impression de moins m’approprier le français maintenant. Quand on me pose une question, comme sur le fait de mettre des accents sur les majuscules, je réponds que personnellement je ne le fais pas, qu’en France ce n’est pas correct, mais que pour le Canada je ne sais pas. Avant je pensais, naïvement, qu’il n’y avait qu’UN français, aux multiples accents.
Aujourd’hui, j’en suis à réaliser que le français au Canada ce n’est pas que le Québec.
Je suis fière de ma langue et heureuse de voir que je la partage avec autant de monde, chacun l’utilisant, avec plaisir, pour mettre des mots sur leur histoire.

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