Égo : désigne généralement la représentation et la conscience que l’on a de soi-même. Il est tantôt considéré comme le fondement de la personnalité ou comme une entrave à notre développement personnel.
Empathie : notion désignant la « compréhension » des sentiments et des émotions d’un autre individu
On sait tous ce que signifient ces deux mots, souvent galvaudés. Leur définition parait simple au premier abord, et pourtant… Si on en parle à 50 personnes, chacune va en avoir une perception légèrement différente, leur connotation même risque d’être positive ou négative selon les cas.
Certains verront le « je », l’égo, comme une marque de confiance, une affirmation de soi, le fondement de ce qu’ils sont. Ce « je » incarnera leurs racines, ce qui les définit et les singularise. D’autres y verront du narcissisme, un repli identitaire, un manque d’ouverture, de la fierté mal placée… Pour l’empathie aussi les avis seront partagés selon la façon dont nous nous voyons par rapport aux autres. Pour certains, cette empathie sera signe d’ouverture, d’accessibilité, de compréhension alors que d’autres y verront une sensibilité trop grande, voire une certaine faiblesse, un abandon de soi, un recul.
Je pense que ces deux principes sont un peu de tout ça selon la façon dont on les perçoit, et qu’en toutes choses on doit comprendre les multiples aspects d’une notion, les bons comme les mauvais. Le fameux équilibre entre le Yin et le Yang, pour les adeptes de Taoïsme. Et si on parle d’équilibre, je dois dire malheureusement que selon moi beaucoup de problèmes viennent souvent d’un débalancement plus ou moins marqué.
Le déséquilibre n’est bon ni dans un sens ni dans l’autre.
Si on a trop d’empathie et pas assez d’égo, on peut avoir l’impression de n’avoir aucun rôle au sein de la société, de n’être utile à personne. Souffrir d’un manque d’estime de soi, s’adapter toujours aux autres, que ce soient ses collègues, ses amis, sa famille, sans jamais vraiment affirmer sa propre personnalité. Ne pas « tenir le gouvernail » et prendre des mauvaises décisions par peur de déplaire ou de blesser. Dans ce cas ci, ce déséquilibre pourra avoir des conséquences au niveau personnel, individuel.
Mais ce dont je voudrais parler aujourd’hui, c’est du déséquilibre inverse, trop d’égo et pas assez d’empathie. Il est selon moi la base de beaucoup de maux de société. Il crée un manque de recul, des rapports compliqués entre les gens, un manque d’ouverture qui amènent beaucoup de choses négatives :
La violence, qu’elle soit verbale, physique, au sein de sa propre famille ou dans le contexte du travail, de la rue, vient souvent d’un égo démesuré, le fait de vouloir prouver qu’on est le plus fort, de vouloir avoir le dernier mot, montrer à d’autres son pouvoir, et se déchaîne davantage quand on manque d’empathie pour sa victime. Comment un homme battrait sa femme si il était capable d’en ressentir la détresse, la souffrance ? Comment s’acharner sur un camarade de classe si on vit sa peur ?
La colère, l’incompréhension, l’amertume, l’envie, la jalousie viennent souvent aussi de ce déséquilibre. Quand on aime par-dessus tout avoir le dernier mot, qu’on souhaite juste montrer à l’autre qu’on est le plus intelligent, le plus habile, qu’on souhaite prouver qu’on est capable de crier plus fort que l’autre et que quoi qu’il arrive on tiendra son bout, comment sortir de l’impasse quand d’un côté comme de l’autre on se ferme à la compréhension de l’autre. Combien de couples qui s’aimaient profondément se sont quittés parce qu’ils ne savaient plus s’écouter, se pardonner, que chaque discussion devenait un combat ? Combien de fils, de filles, ne parlent plus à leurs parents parce qu’ils ont cessé de se voir avec les yeux de la famille mais que chacun n’est tourné que vers ses propres problèmes ? Combien de fois on se sent frustré de ne pas avoir eu une promotion, de ne pas se sentir suffisamment valorisé par rapport à notre employeur sans même se demander si on l’a verbalisé, mérité plus que d’autres ? Un simple titre après une signature électronique peut provoquer tant de remous dans une compagnie. Pourquoi lui et pas moi ? Si on va dans l’extrême, combien de guerres, de massacres, de haines entretenues depuis des millénaires entre des peuples, des tribus trouvent leur source dans des simples querelles d’égo ? Et combien de morts seraient évitées par davantage d’empathie pour l’autre camp ?
Trouver cet équilibre, communiquer sans cesse pour éviter les malentendus éviteraient selon moi tellement de dérives, de conflits.
Si j’en parle ici, c’est évidemment comme d’habitude pour rapprocher ma réflexion de notre quotidien d’immigrés. Pour réussir une bonne intégration, il est nécessaire de laisser un peu le « je » de côté pour un peu plus écouter ceux qui nous accueillent. Se mettre à leur place et un peu moins considérer tout comme acquis. Nous agissons parfois en tant que nouveaux arrivants comme des enfants qui arrivent en visite chez des amis de leurs parents et qui ne comprennent pas que chez ces adultes-là ils ne peuvent pas faire tout de la même façon que chez eux. Que la vie de ces inconnus ne tourne pas autour de nos besoins et de nos envies, et que si on veut se faire apprécier et passer une bonne journée on n’aura pas le choix de suivre les règles de ces adultes. Des enfants qui ne se disent pas que si ces adultes ne disent rien au début, par politesse, ça ne veut pas dire pour autant que ça leur plait de nous voir débarquer dans leur quotidien, parce que, dans le fond, ils ne nous ont rien demandé.
Je caricature un peu, et ces cas sont rares, je l’espère, mais ils déteignent beaucoup sur la perception que certains canadiens peuvent avoir des immigrés et on ne peut pas les en blâmer. Ça rejoint encore mon sujet du jour, plutôt que de se sentir vexés dans notre amour-propre, éloignons notre égo et mettons-nous à leur place, ce n’est effectivement pas agréable de se faire servir des leçons par des gens qu’on a pas demandé à accueillir et il n’y a aucune raison pour qu’ils fassent le moindre effort pour faciliter notre intégration, même si beaucoup le font dans les faits.
Oui, oui, je sais, certains vont me dire pourquoi partant de là ils ne font pas l’effort de leur bord de faire plus preuve d’empathie à notre encontre parce que c’est difficile de se reconstruire si loin de chez soi. Vous avez raison, mais je le répète souvent, on n’a aucun droit de changer les autres, on ne peut que s’intéresser à NOTRE façon de voir les choses et à ce que NOUS faisons au quotidien. Et, encore une fois, nous avons fait la démarche de venir volontairement nous installer ici, eux n’ont pas signé de papier demandant à adopter des immigrés 🙂
Pour finir par une note un peu plus globale et moins centrée sur l’immigration, faites-donc l’exercice de prendre un peu de recul. D’envisager chaque frustration, colère, envie sous un oeil extérieur pour évaluer combien de fois on se laisse emporter par notre égo. Et que si on prend les problèmes dans ce sens là on relativise beaucoup nos problèmes.
Est-ce que c’est important de lui clouer le bec, à lui, sur ce forum, est-ce que c’est normal que je boue autant parce que je n’arrive pas à le faire mal paraître ou est-ce que je compatis parce que dans le fond il ne dois pas aller bien dans sa vie personnelle et qu’exister sur un forum n’est qu’un exutoire pour lui ? Est-ce que je vais rire de lui avec les autres publiquement, l’insulter ou essayer de lui parler en privé pour comprendre sa colère ?
Est-ce que cet adolescent qui crie après sa mère au magasin parce qu’elle veut lui acheter des chaussures qui ne lui plaisent pas ne peut pas se dire qu’après une journée de travail elle n’a pas besoin de se faire humilier publiquement alors qu’elle essaie juste de lui faire comprendre que tant qu’à investir 200$ autant que ce soit du vrai cuir avec des bonnes coutures ? Et elle, plutôt que de l’envoyer paître, ne peut-elle se rappeler qu’à son âge aussi, elle rêvait de plaire, souhaiter être comme les autres, et qu’elle aussi avait l’impression que ses parents ne comprenaient rien aux réalités d’une cour d’école ? Ne peut-elle voir dans cet adolescent revêche le petit garçon qu’elle aimait tant ? Parlez-vous ! Apprenez à écouter l’autre, faites des compromis. Ne laissez pas un problème de chaussures gâcher une relation familiale et vivez ce moment comme un rapprochement, vous qui n’avez plus le temps de rien faire ensemble. Faites-vous une joie d’aller ensemble à ce moment mère-fils, écoutez-vous, enrichissez-vous de vos expériences, allez manger après ça tous les deux, ce sont ces moments du quotidien qui font de notre vie un plaisir ou un enfer.
Apprenez à vous rapprocher après une engueulade, à admettre que vous aviez tort, à verbaliser vos angoisses, à accepter des excuses, à dissiper les doutes. Beaucoup de malentendus viennent d’une mauvaise compréhension, d’une mauvaise perception, plus on dit les choses simplement et en laissant tout égo de côté, plus on se met à la place de l’autre, plus on vit de façon harmonieuse avec les autres.
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