Ils s’appellent Pedro, Javier ou Alberto, n’ont qu’une trentaine d’années, mais travaillent depuis l’âge de 12 ans.
Dix-huit années maintenant passées à décrocher ce maudit charbon à des dizaines, voire des centaines de mètres au-dessous du sol, dans des mines qui sentent bon le méthane, dont n’importe quelle poche au-dessus de leurs têtes peut exploser par un malheureux coup de pioche.
La trentaine à peine effleurée, leur vie est dédiée à ce douloureux travail qu’ils feront jusqu’à ce que la mort les emporte avec elle loin de cette terre. Et pourtant malgré le fait qu’ils connaissent déjà leur fin, en voyant leurs pères ne pas dépasser l’âge de 60 ans, ils n’ont d’autre choix que de poursuivre, parce que leur destin de survie est là, pour l’équivalent de 15 malheureux dollars par jour… en Colombie.
Alors, certes, il est difficile, voire même quasi impossible, de faire un parallèle entre ces mineurs nés au « mauvais endroit » et ces français en mal de repos à la fin de leur vie professionnelle. Mais ces premiers n’auront probablement même pas la possibilité d’atteindre l’âge légal de la retraite française actuellement fixé à 60 ans.
« Je me souviens » de cet homme de plus de 70 ans qui partageait mon bureau à Montréal… Il avait passé plus de 50 années à travailler. Bon pied bon œil et tout fringant il arrivait au bureau avec un sourire digne d’un nouveau né qui venait de décrocher sa première job. Et pourtant sa vie professionnelle il l’avait majoritairement passée à tourner sur les routes du Québec, d’Ontario ou de toute autre province canadienne, à gérer des dossiers de sinistres pas toujours simples. Il en avait sué pour en arriver là. Mais il semblait heureux. Heureux de travailler, de se lever chaque matin avec un objectif celui de rendre service. Oui, à jaser avec lui j’avais compris sa réelle motivation, au-delà de son revenu, il avait comme l’impression de rendre service. Et il avait terriblement raison.
Du haut de ses sept décennies, il me subjuguait en me racontant chaque jour une nouvelle anecdote, une nouvelle rencontre, une nouvelle expérience qu’il avait vécue au fil de son travail. Michel B. me fascinait oui, parce qu’en l’écoutant toujours plus je m’apercevais que ce septuagénaire, comme beaucoup d’autres, avaient encore toute sa place dans ces bureaux.
Et sa retraite, qu’en pensait-il ? « Foutaise » me répondait-il régulièrement quand je remettais la question sur le tapis.
La retraite… il avait bien aussi au fond de lui conscience qu’il avait besoin de travailler pour agrémenter sa vie, pouvoir voyager par monts et par vaux, et se permettre ce que d’autres ne peuvent s’offrir. Mais ce dont il était sûr c’est qu’à plus de 70 ans il pouvait bien encore un peu travailler. Le Québec lui permettait cet « extra ».
Le Québec a peut-être compris qu’en chacun, quelque soit son âge, sommeille probablement une force vive et productive. Et les « seniors » gardent une chance d’employabilité que leurs « cousins » français perdent dès lors qu’ils arrivent au niveau de cet âge légal à partir duquel ils doivent être laissés de côté…
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