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Et si on parlait des garderies en milieu familial !

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Tout le monde connait la légende des médecins immigrants…qui chauffent le taxi à Montréal ou à Toronto parce que les ordres professionnels ne veulent rien savoir de leurs diplômes obtenus en dehors du Québec. Si ces médecins reconvertis en chauffeurs de taxi ou de bus sont des hommes, les diplômes étrangers « féminins » ne sont pas mieux lotis. De nombreuses femmes médecins, pharmaciennes, dentistes…se convertissent aussi et occupent des emplois pour lesquels elles n’ont pas été initialement formées laissant de coté leurs professions pour l’exercice desquelles elles avaient travaillé fort, dans leurs pays. Parmi les professions de « conversion », beaucoup de femmes choisissent d’être responsables de service de garde en milieu familial (RSG). D’autres femmes, universitaires ou non, investissent aussi ce créneau pour bien d’autres raisons comme celle de pouvoir occuper un emploi tout en restant à la maison: parce qu’elles élèvent leurs propres enfants ou simplement que ça fait l’affaire de leurs conjoints…machos et un peu trop jaloux.

C’est une amie québécoise intervenante dans ce milieu et ayant à superviser chaque jour nombre de RSG immigrantes qui m’a suggéré d’écrire sur ces femmes. À ce titre, il faut rappeler qu’il existe au Québec des Centres de la petite enfance (CPE), des garderies privées (non subventionnées) et des services de garde en milieu familial subventionnés. Dans le dernier cas, pour chaque enfant, les RSG reçoivent 7 dollars des parents et 19 dollars du gouvernement, par jour de garde. Elles sont considérées comme des travailleuses autonomes mais visiblement ce n’est pas tout à fait le cas dans la réalité. Leur métier est à cheval entre celui de travailleuses autonomes et celui d’employées de l’état à domicile. Elles sont loin d’être des entrepreneures en tout cas. Elles ne peuvent imposer de tarifs ni d’horaire à leurs clients. Elles ont récemment défrayé la chronique par leur grève réclamant des meilleures conditions de rémunération. Au moment de publier ce texte, un accord semble être trouvé. Il faut dire qu’elles ont les mêmes exigences que les CPE mais en plus elles doivent assumer toutes seules l’entretien des lieux, la préparation et le coût des repas ainsi que l’administration de la garderie alors que les CPE ont du personnel: concierge, cuisinier, adjointe administrative.

Lors des récentes manifestations des RSG organisées notamment à Montréal et à Québec, il était difficile de ne pas remarquer le nombre important d’immigrantes présentes. Mme Yolande James, l’ancienne ministre de l’immigration passée depuis quelques mois au département de la famille ne doit donc pas être trop dépaysée! Pour en savoir davantage sur leur vécu et les défis qu’elles ont à relever dans leur travail, j’ai pris contact avec une directrice de bureau coordonnateur de ces garderies dans un arrondissement de Québec pour voir la possibilité de rencontrer quelques unes de ces responsables. La directrice m’a gentiment répondu qu’elle ferait de son mieux pour m’obtenir de telles rencontres et a ajouté que sa structure « avait en effet des défis » à relever dans son travail de supervision et de formation de ces personnes. Quand moi, je voyais le défi du coté de ces femmes immigrantes, cette personne le voyait plutôt du coté des structures qui veillent au bon fonctionnement et à la conformité de ces garderies. À méditer, sans doute! Plus généralement, quand des immigrants voient seulement les obstacles réels qu’ils peuvent rencontrer avant de se faire une place dans la société d’accueil, en face, on pense à tous les moyens qu’il faut déployer pour intégrer ces nouveaux arrivants. Peut être que l’humain est ainsi fait. Il a parfois tendance à ne mesurer que les efforts qu’il fait lui-même tout en pointant les efforts que l’autre – celui que l’on a en face – ne fait pas. Ce qui nous saute aux yeux, c’est le chemin que l’autre doit encore parcourir et non point celui qu’il a déjà parcouru pour nous rejoindre.

Pour ne pas m’égarer davantage, je vais revenir au sujet. Finalement, les RSG sollicitées n’ont pas souhaité me parler. Elles ont répondu qu’elles ne voulaient pas être sous les feux de la rampe et on peut les comprendre. J’ai par contre eu une discussion intéressante avec cette directrice. Enrichissante, pour reprendre un terme qu’elle a beaucoup utilisé pour décrire la relation qu’elle entretient avec ces personnes venues d’ailleurs. J’ai compris combien ce métier est important en ce sens que ces RSG jouent un rôle crucial dans l’éducation et le développement de l’enfant. Elles passent plus de temps avec l’enfant que ses propres parents. Pourtant pour devenir une RSG au Québec, on n’a pas besoin de sortir d’une école spécialisée ni de détenir un diplôme québécois. Bien que beaucoup – les parents notamment – auraient trouvé justifié qu’on exige une formation spécifique pour exercer ce métier. Or pour obtenir une autorisation, il suffit de 8heures de formation en premiers secours. Une fois installées, elles ont 45 heures de formation étalées sur 2 ans.

Quand, dans les professions médicales (par exemple), on invoque souvent le souci de protéger le public pour justifier la difficulté extrême(parfois l’impossibilité) des reconnaissances des diplômes étrangers, on peut être fondé de se demander pourquoi ce souci est absent dès lors qu’il s’agit de « protéger » les enfants, de promouvoir la conception de la société québécoise dans l’éducation de l’enfant et de respecter les habitudes alimentaires locales surtout quand elles sont saines. N’est-ce pas aussi important voire plus important? La différence c’est que pour les garderies, il n’y pas de lobbies qui « protègent » la corporation en entretenant la rareté: moins de médecins reconnus équivaut à un statut de plus en plus important pour les médecins qui exercent. Selon mon interlocutrice, dans certains bureaux de son arrondissement, jusqu’à 40% des garderies en milieu familial sont gérées par des personnes immigrantes et près de 80% des nouvelles demandes d’ouverture dans cet arrondissement, proviennent de personnes immigrantes.

Comment ça se passe sur le terrain? Il y aurait des difficultés de plusieurs ordres. Au niveau alimentaire, tout le monde ne se conformerait pas toujours au guide alimentaire canadien (peu de légumes servis aux enfants, abus de sucreries et de biscuits,…) et dans certains cas, les heures des repas seraient décalées. Sur le plan éducatif, toutes les responsables n’auraient pas la même conception du type de sanctions à envisager avec les enfants. Il y a également des différences sur d’autres plans. Comme celle qui consiste à ne pas comprendre pourquoi « les enfants doivent sortir à l’extérieur durant l’hiver même s’il gèle et que l’on a le nez qui coule » ou à trouver étrange qu’on puisse donner des ciseaux à des enfants de bas âge. On ne perçoit pas le danger de la même façon. On déplore également que certaines de ces femmes ne demandent pas de l’aide et du soutien: « Elles n’appellent pas. C’est comme si elles le faisaient, ce serait une preuve qu’elles sont moins compétentes ».

Anecdotique et en tout cas moins problématique, selon mon interlocutrice, certaines responsables ont l’habitude – c’est culturel – de proposer du café et des gâteaux aux inspectrices qui viennent contrôler leur travail. « Pour la première rencontre, on accepte avec plaisir mais on ne peut pas prendre un café à chaque visite quand même. La relation doit rester professionnelle et on est malheureusement obligé de le rappeler comme lorsque c’est le conjoint qui nous répond au lieu et à la place de celle qui fait le travail. Ce qui se passe dans leur couple ne m’intéresse pas mais si la garderie est tenue par la femme, j’estime que c’est à elle de me parler ». Qu’en est-il des relations avec les parents et de l’existence de préjugés envers ces femmes qui viennent d’autres pays? On apprend que certains parents québécois ne veulent pas placer leurs enfants chez des RSG immigrantes. Il y aurait par ailleurs quelques plaintes de voisins pour le bruit fait par les enfants en garderies tenues par des immigrantes. Sans surprise, les femmes voilées ont plus de difficultés à trouver des clients.

Y a-t-il quand même quelques aspects positifs? Heureusement que oui, répondra mon interlocutrice. Certaines RSG mettent en avant la possibilité pour l’enfant d’apprendre une autre langue en plus du français (Espagnol par exemple) et ça plait à beaucoup de parents. Le fait que les enfants s’habituent à consommer des mets d’autres cultures comme le couscous est aussi apprécié. Plus globalement, notre interlocutrice estime que même s’il y a des difficultés avec les nouvelles responsables de services de garde qui viennent d’autres pays, tout finit par s’arranger grâce à la communication et au dialogue quand ils sont faits dans le respect. Elle est convaincue qu’il ne faut pas trop s’attarder sur les différences qui séparent la société d’accueil et les immigrants mais plutôt rechercher ce qui nous unit et nous en servir pour aller de l’avant.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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