Expérience personnelle avec le syndicat au Québec.
Faut que je vous raconte …. depuis que ça me chatouille, et ça me chatouille souvent, je vous le dis !
Je suis adjointe à la planification de production dans une compagnie qui fabrique des bouchons en plastique de toutes sortes. On est 160 employés, dont environ un quart « staff » (= administratif).
Je dois donc traiter des commandes qui me viennent par le réseau de la part du département des ventes, regarder mes matières premières, mes disponibilités de machines etc et donner une date la plus proche possible de ce que les ventes me demandent.
Évidemment, il arrive qu’un client pète les plombs et qu’il ait besoin de sa commande TOUT DE SUITE, là, maintenant, et c’est bien évidemment là que soit le moule brise soit la machine tombe en panne et il n’y a pas d’équivalente disponible ou que …. il faut du personnel supplémentaire parce que c’est un bouchon avec un « flip-top » (style shampooing) qu’il faut fermer manuellement ! Et comme par hasard, personne du personnel sur appel traditionnel ne veut venir : c’est l’été, il fait beau, pas envie, pas besoin de sous, whatever. Alors là, ma petite Sylvie des ventes, elle pète son plomb aussi et est carrément au désespoir parce que son client va hurler, c’est officiel ! Cela s’est passé en été 2002, et votre serviteur(e) n’était pas encore guérie de ce qu’elle avait vécu pendant de longues années en Europe, et devinez ce que je fais, moi qui à l’époque ne savais absolument pas dire non, et pire, disait PRÉSENT sans que personne ne demande rien …. Ben, j’ai proposé que moi, après ma journée, j’irais manger un bout et que je reviendrais pour un petit shift de nuit à tarif inférieur de ma paie normale (9 au lieu de 16) pour faire ma part pour terminer cette commande qui devait absolument être expédiée le lendemain midi. Après quelques discussions à droite et à gauche, ma proposition a été acceptée, et j’ai donc travaillé dans l’usine de 19 h à 2 h du matin. Je voulais rendre service et le petit sou en plus m’arrangeait bien.
Mais alors, quand je suis revenue pour mon boulot normal à 8 h …. la criiiiiiise ! Le syndicat avait déposé une PLAINTE parce que quelqu’un du bureau était venu bosser à la place de quelqu’un de syndiqué ! Je l’ai échappée belle parce que les ressources humaines avaient vraiment pris toutes les précautions, et ce que j’avais fait était en fait légal, et ils ont vite étouffé l’affaire. En plus, la commande n’est PAS partie ce jour-là parce que la machine est tombée en panne grave tôt le matin …. Mais je vous jure que plus jamais, je ne recommencerai.
Pour les personnes originaires d’Europe, c’est difficile à accepter que le syndicat a dit non, c’est trop difficile, ou non la distance entre les machines est trop grande, ou non on ne peut pas déplacer la pause-café de dix minutes …. On a tellement été habitués à toujours en faire plus, que cette force des syndicats ici nous fait grimper aux murs au début. Depuis trois ans que je vis avec ce phénomène, je commence seulement à pouvoir hausser les épaules et dire « OK, tant pis » où il y a seulement quelques semaines, je haussais mes sourcils et exprimais mon incompréhension : quand il y a du boulot, on le fait ! Mais non, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne ici. Et c’est grâce au syndicat qu’on peut vraiment sortir à 16 h 30 même le staff (ça aussi, je ne le fais que depuis décembre dernier ….et aussi seulement parce que mon ti gars a besoin de faire ses devoirs avant 19 heures ….), et c’est grâce au syndicat finalement qu’on a une vie après le travail.
Alors préparez-vous, les bêtes de travail, préparez-vous à ce que l’on vous dise non, je ne travaillerai pas pour toi en heures supplémentaires parce que je n’en ai pas envie, pas besoin, pas le temps …. Inutile de grimper aux murs, apprenez à relativiser et vous dire que ce n’est pas de votre faute. Cela fait partie de ces choses auxquelles on ne peut rien changer. Oubliez le stress continuel même au-delà du temps de travail – ici on stresse seulement pendant les heures de travail, et encore ! ça dépend de ce que l’on fait.
En échange, on ne fait presque jamais grève ici …. sauf vendredi les Centres de la Petite Enfance, hahahaha !
Bonne semaine
Monika
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