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Malgré les efforts faits ces dernières années, il subsiste encore au Québec des problèmes de reconnaissance de certains diplômes obtenus à l’étranger et des difficultés dans l’exercice de certaines professions, particulièrement dans le secteur sensible de la santé. Souvent mis à l’index, dès lors que l’on évoque ces difficultés, les ordres professionnels justifient la rigueur des critères d’accès par le seul souci de protéger le public, en veillant à lui offrir un service de qualité. En d’autres termes, on ne fait pas suffisamment confiance aux diplômes obtenus hors du Québec. Mais les Québécois sont-ils aussi méfiants que ces corporations chargées de s’assurer de la qualification professionnelle de tous leurs membres?

À l’instar d’autres peuples occidentaux, les Québécois sont nombreux à voyager à l’étranger. Ils vont au Sud, en Europe, en Asie et en Afrique. Pour s’y rendre, ils prennent souvent des vols de compagnies aériennes étrangères. Ces compagnies utilisent les mêmes avions d’Air Canada (Des Boeings, Airbus, Bombardier..) et ce sont des pilotes étrangers qui sont en charge de mener, saints et saufs, ces voyageurs à destination. Quand, au cours de leur voyage, il leur arrive de tomber malade, ils n’hésitent pas à faire appel aux services des médecins, des pharmaciens ou des infirmiers locaux. Ces touristes descendent dans des hôtels et mangent dans des restaurants locaux. Et s’ils sont toujours aussi nombreux chaque année à voyager dans les quatre coins de la planète, c’est qu’ils doivent être satisfaits des services qu’ils reçoivent durant leur séjour. Mieux encore, de plus en plus de Québécois se déplacent à Cuba spécialement pour s’y soigner… au su et au vu de tout le monde. Ils y vont soit pour subir une chirurgie en raison des délais plus longs au Québec ou pour suivre un traitement moins couteux à Cuba. Mais alors, pourquoi au Québec et pour plusieurs métiers, les portes s’ouvrent difficilement aux diplômés étrangers? Il ne s’agit sans doute pas de discrimination envers les étrangers puisque des centaines de médecins issus de l’immigration exercent dans la province. Il s’agirait plutôt d’une méfiance face aux diplômes étrangers. Mais cela n’explique pas tout.

Chaque année, l’ordre des pharmaciens du Québec (OPQ) reçoit quelque chose comme 80 demandes de la part de diplômés à l’étranger désireux de pratiquer leur métier dans la province. En général, l’OPQ étudie ces dossiers et recommande aux concernés de refaire plusieurs dizaines de crédits de cours du programme de baccalauréat en pharmacie. Sur ces 80 pharmaciens – qui ont perdu leur statut dès leur arrivée au Québec – moins d’une dizaine seront acceptés par les deux facultés de pharmacie de la province. Les autres devront réessayer l’année suivante en soumettant à nouveau leur demande à l’OPQ moyennant, chaque fois, plusieurs centaines de dollars de frais de traitement (ou de retraitement) de dossier. À ce rythme, il faut jusqu’à 10 ans d’attente et des milliers de dollars de frais pour un diplômé étranger avant d’avoir le droit d’aller… refaire des études à l’université. Pour les médecins, la difficulté se situerait plutôt au niveau de l’accès à la résidence mais le résultat est tout aussi désolant. Le paradoxe est que des professeurs en médecine, immigrants, formeraient chaque année de nouvelles cohortes de médecins dans les universités du Québec alors qu’ils n’ont eux-mêmes forcément pas le droit d’exercer.

Sur le terrain, les universités et les ordres professionnels donnent l’air de se rejeter la responsabilité les uns sur les autres mais en réalité, ils mettent en œuvre une même politique qui a pour résultat de priver les hôpitaux, les cliniques, les pharmacies québécois de médecins et de pharmaciens ainsi que la marginalisation de nombreux diplômés parmi les immigrants. En 2007, Réjane Hébert, doyen de la faculté de médecine de Sherbrooke, avait provoqué le tollé général des médecins immigrants après avoir déclaré que « les médecins étrangers sont plus habitués avec la malaria qu’avec les crises cardiaques, les AVC et le diabète » pour justifier les difficultés d’accès à la profession. On peut longuement disserter sur les motivations des ordres professionnels – certains peuvent leur donner raison, d’autres verraient une discrimination déguisée – mais personne ne devrait se réjouir de voir des centaines de diplômés, pour la formation desquels les pays d’origine ont investi beaucoup d’argent, contraints de faire d’autres études plus accessibles alors qu’il y a pénurie de main d’œuvre dans leur métier de base.

Quand un médecin ou un dentiste formé à l’étranger décide d’aller faire une AEC (attestation d’études collégiales) en programmation ou en conception de sites Web parce qu’il croit n’avoir aucune chance d’exercer son métier, je trouve que c’est un gros gâchis. Un gâchis pour son pays d’origine – ça on le savait déjà-, un gâchis pour lui et un gâchis pour le pays d’accueil qui se prive d’une ressource sur laquelle il a très peu investi et qu’il pourrait quand même utiliser pour faire face à des pénuries de main d’œuvre et à la fuite, vers l’étranger ou les autres provinces, des spécialistes locaux.

Que les ordres professionnels mettent les balises nécessaires pour l’exercice des professions au Québec, et ce faisant protègent le public, il n’y a rien de plus normal. Mais qu’ils ferment la porte aux diplômés de l’étranger ou que les universités refusent de les accueillir pour suivre un complément d’études nécessaire pour satisfaire aux exigences de l’exercice de leur profession au Québec, cela est difficile à comprendre. En tout cas, l’argument de programmes contingentés ne tient pas la route et le gouvernement provincial le sait. Des négociations ont d’ailleurs été engagées avec les différents ordres professionnels en vue de faciliter le processus menant à la reconnaissance des diplômes étrangers et il y a déjà eu des changements pour certaines professions. L’entente signée, l’an dernier, entre la France et le Québec sur la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles va aussi dans le bon sens. Il reste à trouver des solutions pour les immigrants provenant d’autres pays. Ces solutions sont possibles si on accorde plus de « crédit » à la qualité de la formation reçue à l’extérieur par les Néo-Québécois. C’est déjà le cas dans beaucoup de secteurs : des milliers d’immigrants hautement qualifiés travaillent dans les usines de Bombardier, dans banques, les universités, les centres de recherche, dans les centrales électriques…etc.

Quant aux diplômés hors Québec, ils devraient dire aux Québécois et surtout aux ordres professionnels : vous nous faites déjà confiance quand vous venez chez nous, vous pouvez donc nous faire confiance maintenant que nous sommes chez vous et que vous avez le contrôle sur le déroulement des choses et sur les conditions de pratique de tel ou tel autre métier. À mon avis, ils devraient ajouter qu’ils ont le droit et le devoir de continuer de s’assurer de la qualification de tous les membres des ordres mais que rien ne justifie qu’un immigrant médecin ou pharmacien ait à attendre de longues années avant de recommencer à pratiquer son métier. Personne n’y gagne.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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