Le parcours de l’immigrant
mfera
6-05 à 0:23
Bonjour ,
Tout le plaisir est pour moi de partage cet article avec vous.
En faite, sommes nous des immigrants ou émigrants?
Bonne lecture !
Charlemagne Mfera
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Article de :Pierre Foglia, Cyberpresse/Opinion
Le parcours de l’immigrant
Depuis quelques semaines, je nous entends parler des immigrants, nous interroger sur la qualité de l’accueil que nous leur réservons, un autre débat à ras les pâquerettes, pas de remise en question du modèle d’intégration, l’accueil au sens premier, bonjour, bienvenue au Québec. C’est quoi votre accent? Ou alors : si t’es pas content, r’tourne d’où tu viens.
Si vous saviez comme l’immigrant n’entend rien de ce que vous lui dites, si vous saviez comme son monde est loin du nôtre, les premières années du moins. Si vous saviez comme « société ouverte « ou «modèle d’intégration» sont des concepts qui ne lui disent rien. Si vous saviez. Mais de toute évidence vous ne savez pas. Tiens, juste pour le fun, c’est quoi un immigrant?
Je savais que vous alliez dire ça. Non, ce n’est pas quelqu’un d’un autre pays qui vient s’installer ici.
Un immigrant est d’abord un émigrant. En dépit des apparences, il n’arrive pas. Il QUITTE. Et il va rester dans cet état «de partance» pendant plusieurs années. Vous ne pouvez pas l’aider. Le temps qu’il mettra à s’intégrer ne dépend pas du «ici», mais du «là-bas», ce là-bas qu’il pensait quitter, mais qui l’a suivi.
Il a satisfait à toutes les demandes, il a passé la dernière visite médicale, il est enfin reçu, élu serait plus juste, il fait ses adieux, adieu parents, adieu amis, adieu pauvre vieux pays… Il s’en va vers la modernité. Il s’en va vers son avenir. Il s’en va au Canada.
Il arrive. S’installe. Et découvre quoi au bout de six mois? Que la réalité n’est pas tout à fait comme dans son rêve? Oui, mais ça il s’y attendait, il n’est pas si nono. Ce à quoi il ne s’attendait pas, par contre, ce qu’il découvre, stupéfait, c’est que ce pays qu’il pensait avoir quitté, la Russie, le Liban, la France, le Maroc, le Sri Lanka, ce pays l’a suivi au Canada. Un an, deux ans, trois ans plus tard, il n’est toujours pas d’ici. Dans le plus banal des gestes du quotidien, quand il mange, quand il écoute le téléjournal et se demande où est La Tuque, quand il n’en a rien à foutre que le Canadien ait gagné 4 à 2, il est encore de là-bas. Que vous soyez gentils avec lui ou pas ne l’empêchera pas de vous haïr parfois, de trouver que vous mangez mal, que vous élevez vos enfants tout croche et que vous êtes racistes : il était ingénieur là-bas, ici il conduit un taxi.
Cela lui prendra des années pour muer, pour sortir de sa vieille peau de Russe, de Libanais, de Français, de Marocain. Vous n’y pouvez rien. Pouvez caresser une chenille du bout du doigt, lui dire t’es laide, lui dire t’es fine, cela ne la fera pas devenir papillon plus vite.
Un matin, longtemps, longtemps après son arrivée à l’aéroport, l’immigrant débarque enfin. Bienvenue! S’en suit souvent une période de grande exaltation, tout ce qui l’horripilait le ravit, il se met à la poutine, achète sa première paire de raquettes, va en vacances au Nouveau-Brunswick, et dans certains cas extrêmes écoute Virginie. Cette phase gaga-Canada ne dure pas très longtemps. Un autre matin, il se réveille en sacrant, fuck! Moins 25, quel pays de merde. Il est désormais comme vous et moi, mais surtout comme moi, à cause de l’accent.
Vous êtes le journaliste qui écrit dans La Presse?
Oui.
Ah ! tiens, je vous imaginais avec une autre voix.
Quarante-six ans plus tard c’est fatigant, mais c’est pas du racisme.
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