Il était une fois un joli petit village
Lorsque nous avons acheté notre maison dans ce village de 3,500 habitants à l’automne 2000, nous devions nous pincer pour vérifier que nous n’étions pas en train de rêver : une maison avec 200 m2 de surface habitable (2 chambres au sous-sol complètement aménagé et deux au faux rez-de-chaussée, id. salle de bains et salon !) sur 5,000 m2 de pelouse avec une dizaine d’arbres entre 75 et 100 ans dont deux majestueux érables et deux pins bleus du Colorado (ben oui ….), – entre-temps nous avons planté une quinze vingtaine d’arbres fruitiers de moins de 10 ans aussi -comme seuls voisins directs ceux qui dormaient dans le cimetière adjacent le fond du jardin, séparé par la piste cyclable. D’un côté le chemin du cimetière avec un bâtiment orange à toit plat abandonné mais pas délabré, et de l’autre la petite mairie du canton et à distance raisonnable le bien tranquille garage municipal avec les pompiers. Bref, tranquille tout en étant à 5 minutes de marche de l’école et de la garderie, 15 minutes à peine de mon boulot et aussi du seul supermarché du village.
Avec notre idée d’aller vers l’ouest dans un proche avenir, nous nous sommes bien évidemment penchés sur la question de la maison : la garder et la louer, la vendre, que faire. Le projet mûrissant avec le temps, nous avons passé un cap d’attachement sentimental et pris la décision que nous allions vendre lorsque le moment serait venu et que nous serions prêts à tourner encore une page de notre livre de vie.
Même si aujourd’hui nous ne sommes pas encore prêts vraiment, il se passe quelque chose d’incroyable : Il y a un mois environ, deux grandes pancartes sont érigées pour expliquer que le bâtiment à toit plat sera remplacé par des condos de luxe « Les Brises du Lac » (oui, c’est au bord du lac du village). Des bruits couraient que ce serait un petit bâtiment de 3 étages pour 12 condos. Soit. Une vue certainement plus agréable que le bâtiment orange à toit plat ! Et quelques jours plus tard, une amie de la chorale me dit qu’on sera bientôt voisines puisqu’elle avait acheté un de ces condos. Et là, LA révélation : il n’est pas question de 12 condos mais de SOIXANTE !!! Gloups ! Et ils se vendent à l’unité presque le prix qu’il y a un mois quelqu’un aurait payé pour notre maison avec le terrain ….
Alors nous avons contacté l’agent immobilier en charge du projet afin de nous renseigner un peu plus sur leurs idées …. Entre-temps, la bâtisse orange a été abattue et tout d’un coup, nous avons une vue superbe sur notre lac depuis notre jardin, une vue que nous ne soupçonnions même pas ! L’agent a confirmé : rien que la première tranche de condos de luxe avec foyer et 110 m2 comporte 48 condos …. Mais nous avons appris aussi que le projet global a été imaginé partant du lac, prenant la place du bâtiment orange déjà détruit, notre terrain et celui de la mairie du canton et du garage municipal !!! Clairement notre terrain est au milieu de leurs plans, dans le chemin carrément !
Nous nous sommes amusés à imaginer que nous serions comme le petit village d’Astérix, que nous n’aurions pas de projet de nous en aller et que nous serions farouches défenseurs des espaces verts existants, et que nous refuserions de vendre sous quelle condition que ce soit. Car il est évident que le contracteur est très intéressé à acheter notre terrain …. Si nous nous opposions à une offre à venir de sa part, son beau projet ne pourrait pas se faire. En plus, le maire est fortement impliqué dedans !
Alors quoi ? Nous, on a dans l’idée que nous n’aimerions pas du tout vivre sous les yeux de 50 retraités qui hurleront lorsque mon chum tondra la pelouse à une heure qui ne leur plaît pas, qui auront leur sortie de voiture du côté de notre jardin, des bâtiments aussi mignons soient-ils qui nous gâcheront la vue. Nous avons fait comprendre aux intéressés que nous ne désirons pas rester dans ces conditions, et en fait, nous sommes en train de voir avec eux comment on pourrait s’entendre de manière à ce que nous puissions avoir un prix raisonnable pour notre petit coin de paradis qui ne sera plus jamais un grand jardin tranquille, et leur intérêt à acheter pour une bouchée de pain …. sans se battre parce que nous ne voulons pas entrer dans un jeu de guerre.
Vraisemblablement nous pourrons habiter ici encore jusqu’au début du printemps prochain, mais c’est tout. Ils vont peut-être déménager la maison, mais ils ne peuvent pas déménager les arbres, nos beaux arbres magnifiques et fiers. Ces arbres qui en ont vu bien plus que nous. Combien d’enfants ont grimpé dans ces érables …. et dire que nous voulions construire une cabane dans l’un d’eux !
Alors oui, nous allons vendre notre maison et terrain même sachant que ce sera pour y mettre des petits immeubles. Nous, on ira se trouver un autre petit coin de paradis, mais on prendra d’autres précautions pour éviter qu’une chose semblable ne nous arrive encore une fois : nous nous éloignerons plus des agglomérations !!!
Oui je sais, dans cinq ans, quand tout le projet sera construit et finalisé avec la pelouse manicurée qu’un monsieur viendra tondre une fois par semaine, les rosiers toujours taillés impeccables, la plage sur le lac propre et belle et bien aménagée, ce sera très agréable à voir et fera envie à plus d’un d’y habiter. Mais aujourd’hui, c’est notre coin qui est détruit, et j’ai déjà mal pour ma pelouse non traitée depuis trois ans, ceux de nos arbres que nous ne pourrons pas donner à des amis (ceux qui sont trop grands), la maison qui est si bien construite et qui sera déplacée ou détruite.
Je sais, on voulait vendre et s’en aller loin de toute façon, mais j’aurais aimé penser à notre coin québécois en imaginant des enfants courir dans notre jardin si grand qu’il faut 8 h pour tondre la pelouse … La ville est en train de rattraper le village, et c’est la vie, c’est comme ça.
Dans ce cas précis, nous savons qu’il est peine perdue de s’opposer même si nous ne voulions pas quitter la région, et nous essayons de nous cacher derrière le côté positif de la chose qui nous permettra d’avoir plus de moyens à nous trouver une nouvelle place pour le prochain tome de notre vie. C’est drôle comme mon mari a réussi à « sortir la ville de la fille », hein …. moi qui jamais ô grand jamais ne voulais habiter dans une trop petite ville et encore moins un village et parlez-moi pas d’habiter en dehors d’une agglomération si petite soit-elle …. Aujourd’hui j’aspire à vivre à l’extérieur (mais pas trop loin, faut pas exagérer non plus hein !), et je me demande si on va finir dans une « cabin » au fond d’un bois un de ces quatre à force de se retirer de plus en plus du monde ….
Je vous en reparle ! Passez un bel été et à bientôt !
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