Immigrants
Étrange début d’année, étrange hiver. Très chaud pour la saison, et puis un de ces travaux alentours! Tout autour de moi les gens sont débordés, surmenés. C’est bon signe quelque part, j’imagine. C’est qu’il y a de la job….
C’est un bien bizarre bilan que j’ai envie de faire ici : j’ai plein de travail, de l’argent, un bon groupe de précieux amis, des gens biens, sains, qui savent ce qu’ils veulent, qui y ont réfléchi, qui ont fait des choix, qui essaient de vivre au mieux ces choix et lorsque vraiment ça devient impossible, ils restent sincères et prennent d’autres directions pour rester fidèles à leurs convictions, à leurs rêves de vie. L’un de leur point commun est qu’ils cherchent le bonheur en respectant les autres et j’avoue aussi, trait commun intéressant, que ce sont des gens qui aiment travailler, s’occuper. C’est vrai que ça évite de se tourner trop vers soi-même, de cogiter, de se noyer dans des considérations purement métaphysiques et existentielles qui ne servent pas à grand-chose au bout d’un moment, même s’il est important de savoir s’arrêter pour voir où l’on va…..
Et puis, parmi tout ça, on se souvient de temps en temps, ou on nous rappelle, qu’on est immigrant…. Je ne serai jamais pure laine par définition et j’estime personnellement que la première génération d’immigrants, surtout lorsque arrivés à l’âge adulte, conserve toujours ses particularités, beaucoup plus que les générations suivantes et, oui, j’avoue, je trouve ça normal…. forcer les gens à perdre leur identité n’est pas malin selon moi… ça les braque et ils n’ont alors pas vraiment envie de coopérer efficacement et de bon cœur….
Je serai longtemps, voire toujours, considérée comme une immigrante même si j’ai passé les critères d’immigration haut la main, que j’ai beaucoup de travail, et que je paie tous mes impôts ici, et comme je n’ai qu’un client canadien, j’exporte finalement donc mes services à l’étranger…. je suis pas mal intéressante pour le Québec alors, non? … et je veux payer mes propres médicaments, par principe car je le peux… (Je peux me payer 2 connexions Internet, des ordinateurs, des gadgets, des patins à glace, etc… alors je peux bien me payer mes médicaments après tout)…. Et non je ne sais pas à combien s’élèvera ma retraite. Mon comptable m’a dit en gros de faire comme si elle n’existerait pas et que ce serait un bonus si elle existe encore….
Et pourtant, oui, même comme ça, l’immigration, ça ne plait pas à tout le monde quand même…. Je trouve ça bizarre….. Pour un pays qui a besoin de gens…. je ne comprends pas bien….. Certains appellent ça du racisme, d’autres pas.
Je respecte la société québécoise, je l’aime, je la défends contre ceux qui la critiquent…. mais non, je ne pourrai pas et je n’ai aucune intention de tout y adopter non plus …. Parce que j’ai mes goûts, en développement déjà depuis 30 ans….. Mes potentiels enfants peut-être adopteront tout … et encore… j’espère qu’ils seraient suffisamment intelligents pour réfléchir par eux-mêmes et ne pas se laisser dicter leur conduite…. après tout chacun ses goûts….
Pourtant un doute subsiste…. cette société me respectera-t-elle et m’aimera-t-elle pour ce que je suis et non pas pour ce qu’elle voudrait que je lui donne pour ne pas changer elle-même?
Mais comment peut-on vouloir apporter du sang nouveau à un pays en n’y voulant pourtant voir aucun changement? C’est par définition impossible selon moi, non?
Pourquoi cette si grande crainte de la nouveauté, du changement?
Je suis venue ici par amour du « nouveau », du « différent ».
Avoir une attitude inquiète, défensive, agressive envers la nouveauté, le changement, signifie nécessairement que ça va mal se passer, il me semble. Les facteurs de nouveauté sentent alors devoir lutter pour exister et se sentent agressés et donc ne souhaitent pas collaborer amicalement et dans un esprit ouvert…. mais plutôt le contraire….
Le Québec a besoin d’immigrants parce qu’il ne sait plus se reproduire lui-même alors il lui faut du sang nouveau pour pouvoir fonctionner économiquement. C’est entendu… C’est pour ça qu’on a été accepté ici… C’est tout beau….
Et puis, dès qu’il est question de particularité culturelle, tout se complique…. tout devient très très délicat….
Si moi je vote l’indépendance du Québec (si un jour on me le demande) par solidarité pour les québécois qui luttent pour leur particularité culturelle (que je n’aimerais pas voir disparaître moi-même), mais qu’ils méprisent ensuite et refusent mes particularités à moi, quel intérêt?
Jusqu’où devons-nous nous sentir « autorisés » à conserver nos particularités?
Je comprends bien que certains québécois préféreraient faire des clones de pure laine, mais ça n’existe pas encore, ce n’est pas non plus notre faute à nous.
J’aime les particularités et je n’aimerais pas que la particularité québécoise disparaisse, mais je ne pense pas pouvoir naturellement et avec bonne humeur perdre toutes mes habitudes de mes trente dernières années comme ça… comme si c’était rien d’important…. surtout pour obéir à des ordres ou à des reproches….
Je peux faire semblant aussi, mais quel intérêt?
C’est compliqué tout ça, mais c’est aussi un aspect qui attend tout immigrant, de temps en temps…. pas si souvent que ça…. rassurons-nous…. ça me semble aussi beaucoup générationnel…. la plupart du temps, on ne nous dit pas grand-chose et un grand nombre de québécois s’en foutent et vivent leur particularité sans en faire un concept intellectuel, mais de temps en temps ça nous revient.
Ne paniquons pas, ça n’a finalement pas de conséquences (bon à part au travail où ça peut mener un chef à se faire virer pour propos racistes), mais sinon, ça crée juste des engueulades sans grande gravité….. Mais ça fait bizarre pareil….
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