De Futurquébecois
Pour faire dans la continuité, je vais poursuivre sur la lancée du précédent billet, en parlant maintenant des enfants.
L’immigration est un fait nouveau, pas des moindres, venant totalement chambouler leur quotidien, leur vie…
Je commencerai donc d’abord par une description succincte de quelques traits du caractère de ma fille, âgée aujourd’hui de huit ans.
Toute petite déjà , c’était une véritable boule d’énergie , qui nous en a fait voir de toutes les couleurs.
Que Dieu la protège !
Elle était même un peu hyperactive sur les bords, mais on s’y est fait à la longue, nous disant , en nous improvisant apprentis psychopédagogues pour la cause, qu’il valait mieux ça que de la voir silencieuse, seule dans son coin.
Et c’est certain, cela aurait constitué un mauvais signe…
C’est aujourd’hui une fillette très sociable, qui ne craint pas d’aller vers les autres.
Le temps passant, elle n’a rien perdu de son enthousiasme.
Ou juste un peu…
Elle aime bien évidemment jouer, comme tous les enfants de son âge.
Le déménagement et l’éloignement de son milieu original ne l’ont pas trop affectée.
Ou encore si, juste un peu quand même au début, avant de rentrer à l’école.
Elle nous accompagnait dans nos découvertes, ce qui la distrayait.
Elle nous imposait systématiquement une halte dans chaque parc !
Elle en faisait, pour son grand plaisir et pour le nôtre aussi, tout le tour et prenait part à l’ensemble des jeux pour enfants disposés sur ces sites. Quelquefois, elle courait derrière les écureuils, lorsque ceux-ci s’aventuraient à traverser les jardins.
Insatiable !
C’est en fin de journée, de retour à la maison, que l’ennui refaisait quelquefois surface.
– Qu’est ce que je vais faire maintenant ? avec qui vais-je jouer ? nous demandait – elle.
Eh oui, elle n’a pas encore d’amie.
Un enfant doit évoluer et être en compagnie d’autres enfants.
Nous contournons ces moments de solitude en lui passant quelques DVDs de ses dessins animés préférés, que nous avions pris le soin d’emporter avec nous, dans nos bagages, redoutant et sachant que ces instants de tristesse allaient inévitablement se manifester.
A d’autres moments, , il lui arrivait parfois de réclamer la présence de ses tantes, qui la choyaient et avec qui elle était très très proche.
Les tatas, comme elle dit si bien et si tendrement…
Là, c’est plus dur et quand les larmes lui montent aux yeux, il n’y a plus rien à faire ! rien d’autre que de laisser faire le temps.
Patienter, ça paie quelquefois…
Depuis qu’elle est entrée à l’école, ça va beaucoup mieux.
Elle passe de bonnes journées , animées, et l’école finie, elle rentre gaie mais aussi… fatiguée de s’être tant dépensée.
Il y a donc un effet positif immédiat, il n’y a plus de temps pour l’ennui !
Elle adore prendre le bus scolaire, les fameux bus jaunes ‘ de Franklin ‘, comme elle les appelle.
Elle nous parle avec admiration de sa maîtresse, qu’elle trouve très gentille.
‘ Elle ne nous frappe pas… ‘ nous dit – elle.
Cela venant de la bouche d’un enfant, je vous laisse extrapoler et conclure, librement…
Elle nous narre ses journées, nous récite les comptines et les chansons apprises, montre ses dessins, décrit les différents jeux et nous parle de ses nouveaux amis !
De l’avis même de l’institutrice, avec laquelle nous avons pris l’initiative de programmer une rencontre pour nous enquérir de l’évolution de la situation de ma fille, nous aurons la confirmation qu’elle s’est vite fait des amis : ‘ tous les enfants sont ses amis, c’est incroyable ! et puis, c’est un véritable rayon de soleil dans la classe… ‘ nous dit-elle !
Un gros soulagement pour nous, parents. Nous ressortons réconfortés.
Je pense que pour elle, la phase la plus pénible est passée.
Elle est heureuse et se plait , nous le sentons et le voyons !
Et de ce fait, nous aussi…
Côté études, elle fait énormément d’efforts pour rattraper son retard .
Un handicap né du fait qu’au pays, les cours de français ne sont dispensés qu’à partir de la troisième année primaire, et ma fille était en deuxième année.
Nous l’avions donc inscrite dans une école privée et cela lui a permis de faire quelques progrès ; pour ce qui est du parlé, elle s’exprime très correctement et a un vocabulaire assez riche, ce qui lui a facilité son intégration.
Etant actuellement en classe d’accueil, les cours sont beaucoup plus axés sur l’apprentissage de la langue française.
Ses progrès en lecture et en écriture sont palpables, mais il lui faudra encore du temps pour se mettre au niveau des classes régulières.
Nous sommes confiants. Les choses rentreront progressivement dans l’ordre.
Passons maintenant à son grand frère, l’iceberg…
Pour mon fils, âgé de 13 ans et demi , c’est une autre histoire !
C’est un garçon calme, intelligent.
Il a toujours eu de très bons résultats scolaires et poursuis sur la lignée, bien que nouvellement arrivé et affecté par les chamboulements liés au déménagement.
Pourquoi l’iceberg ?
Et bien parcequ’il ne laisse rien transparaître de son malaise que je devine, profond…
Il ne parle pas beaucoup.
Il a toujours été réservé, ce qui ne lui facilite pas les choses ; les nouveaux contacts seront, pour lui, assez difficiles à établir.
Un comportement diamètralement opposé à celui de sa petite sœur.
Il vit donc cette phase sensible, reclus, enfermé sur lui-même et dès qu’il sort de l’école, il se pointe à la maison et reste planté devant son PC, à tapoter sur facebook , le trait d’union qui lui permet de garder un contact virtuel avec ses amis restés au pays.
On n’occulte pas treize ans de sa vie ainsi, du jour au lendemain !
On ne peut oublier rapidement son passé surtout lorsque le présent reste figé…
Lorsque nous étions au pays, l’utilisation de sa playstation était permise uniquement pendant les vacances scolaires et l’usage d’internet autorisé mais réglementé.
Le monde évolue ! On ne peut en faire un fossile, en recul des nouvelles technologies !
Il s’agit juste pour nous, parents, de l’orienter et l’aider à trouver le bon milieu, qui concilie études, activités extrascolaires et distractions.
Cela pour respecter un emploi du temps où les études prendraient un certain volume horaire, les sorties avec ses amis un autre, en découlant naturellement, de façon complémentaire.
Mais aujourd’hui, le contexte est tout à fait différent.
Nous ne pouvons en faire autant . Il se sentirait perdu !
Il n’y a plus de complémentarité possible et il faut s’adapter, sinon c’est l’implosion…
Nous l’avons , un après – midi, privé d’internet et constaté à nos dépens.
Qu’y avait il à proposer en remplacement ?
Une virée à la bibliothèque de la ville, un tour au stade de foot du coin, sachant qu’il adore le ‘ soccer ‘, une promenade,…
Il était perdu…, s’est enfermé dans sa chambre de 16 heures à 20 heures et il aura fallu toute la diplomatie de sa mère pour le convaincre de souper, même tardivement…
Nous avons alors pris l’ampleur du malaise et ne nous aventurerons pas de sitôt à renouveler cette expérience.
L’alternative de sortir voir ses amis ne se présente plus, en tout cas pour l’instant.
Il vit toujours avec son passé.
Les choses se mettront en place, progressivement aussi…
Du moins, c’est notre espoir.
Pour rappel, il est entré à l’école le 19 octobre 2011. Cela fait donc pratiquement 1 mois et 10 jours.
Deux élèves ont étés désignés le jour même pour l’accompagner pendant une semaine, lui faire découvrir l’école.
Au bout de deux jours, il nous dit s’être retrouvé seul…
Et nous lui rétorquons qu’il doit se montrer fort dans pareille situation, et qu’Il est clair qu’il devra fournir des efforts d’intégration .
C’est ce que je dis en tant que parent. Facile, vu d’avion…
Mais lui, subissant cette immigration contrairement à moi qui la voulais et qui tenais le gouvernail, voulait – il vraiment vivre cette situation ?
Question à dix balles, je crois que personne ne voudrait de ces remises en question !
Et la crainte réside à ce niveau : fera t-il l’effort nécessaire pour surmonter cette étape cruciale ?
Ou laissera t-il venir les choses, les laisser passivement évoluer d’elles mêmes, ce qui pourrait s’avérer long…
Il y a des moments difficiles à traverser dans la vie, d’inévitables périodes de transition , pour aspirer atteindre de meilleurs lendemains.
Oh mon dieu, que c’est dur l’immigration en famille !
Mais laissons le temps au temps…
Quatre amis de sa nouvelle classe font déjà partie de ses amis facebook , c’est assez prometteur…
Aujourd’hui, une chose est certaine et me réconforte : quand je demande à mes enfants s’ils veulent retourner étudier et vivre au pays, ils froncent tous deux les sourcils !
Les nuages se dissipent .
Il n’y a, dans le fond, finalement pas de doutes sur le sujet…
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