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mercredi , 30 octobre 2024
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L’anglais au travail

Je vais aborder un sujet assez vaste, qui inquiète bon nombre d’immigrants francophones quand ils viennent s’installer au Québec ou au Canada : l’anglais au travail. Nous allons nous concentrer sur la province du Canada que je connais le mieux, à savoir le Québec, puisque j’y vis depuis bientôt deux ans, déjà !
Certains d’entre-vous le savent déjà : cela fait maintenant un an et demi que je travaille dans une entreprise anglophone à Montréal. Cas rare pensez-vous ? Pas tant que ça, bien au contraire… à Montréal en tout cas. Le problème est presqu’éliminé d’office à Québec par exemple. Comment ça s’est passé pour moi au début, comment se passe mon quotidien en anglais, « vais-je réussir à trouver du travail si mon niveau d’anglais n’est pas fameux »… autant de questions auxquelles je vais essayer de répondre au travers de cette chronique !

En arrivant ici, je me croyais un peu linguistiquement parlant en terrain conquis. Mais on apprend en seulement quelques heures que le québécois, c’est du québécois justement. Même si je savais que je pourrais très bien travailler dans une entreprise anglophone, je pensais vraiment que les chances étaient minimes, donc je ne me stressais pas plus que ça. Puis est venu le temps des premières entrevues. Quand le compte en banque passe dans la zone rouge définie à l’avance : c’est vraiment le temps de se trouver de la job. Envois de CV en masse, pluie de coups de téléphone aux mêmes destinataires des CV, et… première entrevue ! Allez ça va marcher, je vais lui dire ça, et s’il « switch » en anglais, ça devrait aller, on m’a dit que ça ne durait que deux minutes juste pour tester ton niveau… les doigts dans le nez ; j’ai de bons restes de mes années lycée avec anglais renforcé, et cerise sur le Sunday, ma grand-mère qui était professeur d’anglais a toujours essayé d’entretenir mon anglais, elle le fait encore maintenant d’ailleurs. J’étais fin prêt pensais-je. Sauf qu’il a effectivement switché le bonhomme. Je suis donc sorti de l’entrevue en sachant pertinemment que je ne devais pas attendre un appel téléphonique enjoué dans les jours qui venaient. Ce premier contact avec le milieu du travail anglophone a donc été une jolie baffe dans la face, le genre de celle qui laisse des traces sur les joues !

Puis, après de nombreuses péripéties dont un passage obligé dans un club de recherche d’emploi, j’ai eu de la chance. C’est mon employeur actuel qui m’a appelé fin Août 2004… et c’était mon deuxième contact avec le milieu anglophone de Montréal. La personne m’appelle et demande en anglais si je parle anglais, et si je peux lui faire parvenir mon CV en anglais (elle dispose alors de mon CV français, merci Monster.ca). Pas de problèmes, je vous envoie ça ce soir !!! Branle-bas de combat, je me mets à la traduction de mon CV, je lui envoie, et le téléphone sonne à nouveau le lendemain ou le soir même je ne sais plus, pour m’annoncer que j’ai une entrevue le lendemain à 14 heures. L’entrevue s’est déroulée entièrement en anglais, j’ai fait de mon mieux, en essayant aussi de mettre en valeur mes compétences au lieu de me concentrer uniquement sur mon anglais parlé. Bref, miracle ou pas, j’ai eu le poste la semaine d’après, et je l’occupe toujours (je cherche ailleurs mais c’est une autre histoire).

Mes débuts dans l’entreprise ont été particulièrement difficiles. Horaires absolument démentiels, une « warning letter » en moins de 4 mois, ma boss qui ne comprenait jamais ce que je voulais dire obligeant mes collègues à lui reformuler sans cesse mes phrases… bref, c’était pas vraiment rose. J’ai compris plus tard que ma boss ne voulait délibérément pas comprendre ce que je disais en réalité… whatever. Moi, je rentrais le soir lessivé, même les jours où mes horaires étaient normaux. J’ai compris avec le temps qu’en fait, c’était ma concentration permanente pour ne pas rater un seul mot de mes interlocuteurs qui me fatiguait énormément. Aujourd’hui, quand je passe la porte du bureau chaque matin, moi aussi je bascule en anglais en un instant, je ne me pose même plus la question. Même un coup de téléphone avec un américain ou un canadien anglophone à l’élocution très rapide ne m’effraie plus : l’essentiel est de comprendre les grandes lignes, de savoir exactement de quoi on parle ; c’est inutile de chercher à comprendre tous les mots, on finit par perdre le fil de la conversation. Quant à mes collègues, je les comprends tous sauf un qui a une fâcheuse tendance à mâcher ses mots et parler tout bas quand il me raconte sa fin de semaine ou une anecdote quelconque… mais je travaille régulièrement avec lui sans aucun problème de compréhension.

J’ai aussi constaté, au moment où mon anglais s’était plus ou moins stabilisé au bout de quelques mois, que mes collègues commençaient peu à peu à me parler en français. Je me suis alors aperçu que la plupart des personnes avec qui je travaillais quotidiennement, parlaient un français plus qu’acceptable. Eh oui, je l’ignorais, tout simplement ! Aujourd’hui même, dans la pièce du bureau où je travaille en compagnie de mes trois collègues « IT », quand une question est posée en français, je sais tout de suite qu’elle m’est destinée. Très pratique d’un point de vue communication étant donné que mes collègues sont derrière moi. Je leur ai déjà demandé pourquoi ils me parlaient en français et continuaient à se parler entre eux en anglais. Je pensais qu’ils préféraient me parler en français pour faciliter les choses, sous-entendu que mon anglais n’était pas terrible… Rien à voir. Ils me parlent en français pour améliorer leur français, me demandent parfois de les aider pour des lettres à envoyer à une institution bancaire ou autres. Quand je leur pose une question en anglais, ils me répondent en anglais, et vice et versa. Même chose en français. Lors d’une réunion d’équipe par contre, l’anglais reprend tout logiquement sa place.

Il y a quelque chose d’autre qu’on apprend quand on travaille ici (et je crois que ceci ne s’applique pas seulement aux anglophones) : ici c’est « Yes or No ». Ne vous embourbez pas dans des explications ubuesques ou des tergiversations quelconques : il faut répondre le plus rapidement possible à la question posée. Exemples de questions auxquelles il faut répondre le plus vite possible en évitant toute tentative de dissertation : combien ça coûte ? Ça coûte tant. Est-ce que c’est réalisable ? Oui. Non à moins qu’on optimise tel processus. En entrevue aussi : à quel salaire prétendez vous ? Entre tant et tant. Aller droit au but, « straight to the point ». Si on vous pose d’autres questions ensuite, vous pouvez développer à votre guise… tant que votre réponse est rapidement éclairante (et éclairée) aux oreilles de votre interlocuteur.
Quand j’ai compris ça, moi qui étais habitué à dire 3 fois la même chose en le formulant différemment en bon français, ça m’a fait un choc ! Mais j’ai surfé sur la vague au début pour éviter de trop balbutier un anglais encore incertain quand mon interlocuteur n’attendait qu’un oui ou un non.

Est-ce que votre anglais va progresser si vous vous retrouvez dans une entreprise anglophone ? Oui, bien sûr. Au début vous aurez l’impression ne n’avoir jamais suivi un seul cours d’anglais de votre vie, et ce sera bien normal. Avec le temps, vous vous rendrez compte des progrès que vous faites quotidiennement. Puis quand une certaine habitude de travail s’installera, vous vous rendrez compte aussi qu’il y a des jours avec, et des jours sans… je m’explique. Il m’arrive encore aujourd’hui de chercher mes mots toute la journée, d’être parfois incapable de fournir une explication intelligible. Le lendemain par contre, vous vous surprendrez en plein meeting à vous lancer dans une suggestion de projet à l’équipe, qui tient parfaitement la route, sans jamais chercher vos mots. Ce soir là vous vous direz que vos progrès en anglais sont indéniables, après avoir pensé le soir précédent que votre cas était désespéré. Vous auriez même pu vous lancer dans une discussion politique avec vos collègues !

En cette période d’élections fédérales qui viennent juste de se terminer, je me demandais si pour une fois j’allais entendre parler de politique au travail. Force est de constater que la différence n’a pas été flagrante : on ne parle pas de politique à la job, on évite autant que possible sauf si la hiérarchie s’absente où là, quelques discussions parfois houleuses peuvent éventuellement partir, à l’heure où libéraux et conservateurs s’affrontent… mais elles restent très brèves et très ponctuelles. Il est même parfois stipulé dans le règlement de la compagnie qu’il est interdit de parler de politique. Je dirais presque que ça me manque un peu… refaire le monde autour du café de 10h00 faisait partie de mon lot quotidien en France, ici, t’oublies ça. Si tu veux parler politique et refaire le monde avec tes chums de la job, organise un cinq à sept !

Enfin, je terminerai par une anecdote personnelle qui m’a manifestement marqué puisque j’y pense encore aujourd’hui. C’était à mes débuts dans ma compagnie, pendant ces quelques jours du mois d’octobre 2004 où les températures étaient déjà basses pour un automne normal au Québec. Je demande machinalement en anglais à ma voisine de cigarette, au bas de ma tour, si ces températures sont normales pour un mois d’Octobre au Québec. Elle me répond que non, qu’il fait habituellement 10 degrés de plus à la même période, et s’ensuit alors une petite conversation entre nous. Étant donné la question que je lui avais posée, mon interlocutrice a vite compris que je ne venais pas d’ici et m’a donc demandé d’où je venais, depuis combien de temps, si je comptais rester longtemps, si j’étais résident permanent ou pas, bref les questions habituelles que beaucoup d’entre-nous connaissent comme moi. Elle a terminé la discussion en me disant que mon anglais était très correct et qu’elle ne m’aurait jamais pris pour un français si je ne lui avais dit d’où je venais… Ces paroles sincères de la part d’une anglophone de Montréal m’ont alors regonflé à bloc au moment où ma boss commençait à douter de mon anglais et me faisait douter de moi par la même occasion. Et toc.

En guise de conclusion et en quelques lignes, l’anglais est bien présent à Montréal et dans le milieu du travail montréalais, en tous cas plus qu’on ne le croit. Il est possible de trouver une job à Montréal sans parler un mot de la langue de Shakespeare, mais pour être honnête, c’est un beau défi qui laissera devant vous beaucoup de portes barrées. Vous rencontrerez beaucoup moins voire pas du tout ce problème à l’extérieur de Montréal, mais si vous songez vous installer à Montréal, pensez-y sérieusement, prenez des cours avant de venir ou ici par exemple. Dites-vous aussi que je n’ai jamais cru un instant travailler dans une compagnie anglophone, je pensais que mon anglais ne serait jamais suffisant, et c’est pourtant ce que je fais depuis un an et demi. Pour que les portes s’ouvrent, il vous faut un anglais fonctionnel, un anglais professionnel. Et si vous ne comprenez pas les jokes hebdomadaires de votre collègue, ce n’est pas grave, à partir du moment où vous êtes capables de travailler avec lui. C’est tout ce qu’on vous demandera ici.
Ma candidature à certains postes a été refusée à cause de mon anglais, cela m’arrive encore maintenant au hasard d’une entrevue, et cela vous arrivera sans doute aussi ! L’important est de passer le cap, de se dire « Je suis capable », et de vous lancer dans l’aventure. Le terme « bilingue » dans une offre d’emploi n’est ni plus ni moins qu’une façon pour l’employeur de faire un premier tri, ne vous y méprenez pas, vous avez des chances d’occuper le poste. Je ne m’estime pas bilingue, et je ne pense pas le devenir un jour, et pourtant… (cf dernière phrase du troisième paragraphe !). S’il est indiqué « connaissance de l’anglais », foncez tête baissée.

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Écrit par
Tof

Qui suis-je? Moi c’est Christophe, je suis originaire du Nord de la France où j’ai passé mes 24 premières années avant de poser mes valises à Montréal le 16 Mai 2004. J’ai travaillé en tant qu’informaticien et webmaster pour plusieurs entreprises de Montréal. Pourquoi avoir choisi d’immigrer? Parce que. Besoin de changer d’air, d’ouvrir mes horizons, de voir comment ça se passe ailleurs dans le monde et ce que ça peut m’apporter personnellement. Pourquoi le Québec ? Parce que parce que c’est l’Amérique en français (et non l’Amérique à la Française), parce que c’est vrai que c’est plus « facile » entre guillemets, parce que je voulais savoir ce que ça faisait -30 degrés sous zéro, parce que je pensais que tout le monde parlait français et quelques-uns anglais, parce que (à suivre – liste non-exhaustive)

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