La Coupe du monde de soccer vue de Montréal
Dimanche 9 Juillet 2006, 23h32.
Et voilà, c’est fini. C’est avec un peu d’amertume que je me décide ce soir à écrire ma chronique, vingt-huit minutes avant la fin du jour de mon anniversaire d’ailleurs. Le français de France que je suis, qui vit à Montréal depuis plus de deux ans, a assisté à la défaite des Bleus lors de la Finale de la Coupe du Monde de Football 2006. Voici donc le récit de cette formidable aventure sportive qui a le pouvoir de fédérer des millions de gens sur la planète, telle qu’un français de Montréal l’a vécue. Voici ce qui m’a marqué, ce que j’ai aimé, ce qui m’a déçu… et plus encore.
Pour dire la vérité, je ne suis pas le plus fervent supporter des Bleus, puisque comme beaucoup finalement, je ne m’intéresse au « foot » que tous les quatre ans, lors de la coupe du monde justement. Je trouve passionnant le véritable phénomène social que crée tous les quatre ans cet évènement sportif aux vertus fédératrices : c’est quand même le sport le plus fédérateur au monde ! Et vivre une coupe du monde à Montréal, c’est tout un programme.
C’était donc au début du mois de Juin, la Coupe du Monde débutait. Bon, ok, c’est pas plus mal, ça nous donnera des sujets de discussion entre collègues. J’étais loin de m’imaginer avec quel entrain mes collègues allaient entrer dans le « phénomène coupe du monde », et j’étais loin de m’imaginer ce que signifiait vraiment vivre une coupe du monde à Montréal. En France, on ne se pose pas la question, on est entre français pour son équipe nationale, nos Bleus. Normal ! Ici à Montréal, où tant de nationalités sont représentées, c’est vraiment différent, et j’allais le découvrir assez vite. En fait, moi qui me croyait au pays du Hockey, je ne savais pas que Montréal allait se mettre à vibrer au rythme de la coupe.
Une des particularités de la compagnie dans laquelle je travaille, c’est qu’elle regroupe énormément de nationalités, à l’image de Montréal. Mon administrateur réseau est d’origine portugaise, le programmeur est d’origine espagnole, l’administrateur des bases de données est libanais, le service des finance est géré par une italienne, et j’ai à côté de ça d’autres collègues japonais, coréens, chinois… et pour finir ma boss est anglaise de Londres ! Un paquet de nationalités donc, dont la très bonne majorité était représentée lors de la coupe FIFA. Chaque jour, pendant les sélections, il y avait donc au moins un de mes collègues qui suivait la coupe de près. Quant à moi, je les ai très vite accompagnés. France Suisse : 0-0. Puis France Corée : 1-1. Mes collègues me niaisaient déjà sur les piètres performances de l’équipe de France. Puis vint France- Togo : à ce stade là (quel jeu de mots !), ça passait où ça cassait, sans Zidane ni Abidal qui s’étaient pris un carton jaune de trop lors du match précédent. Le Togo était dans les équipes dites « faciles » qu’il ne faut pas trop craindre, n’empêche qu’il nous fallait marquer au moins deux buts pour passer en huitième, pendant que la Suisse se débrouillait bien de son côté. Mes collègues proches, les trois premiers que j’ai cité plus haut, s’en sont donnés à c’ur-joie, le p’tit français a du encaisser les jokes ! Rien de bien méchant loin s’en faut ! Mais quand-même. Heureusement, on est passé en huitième. C’est là que les festivités (hostilités? ‘) ont réellement commencé, toujours dans une bonne ambiance, jusqu’au bout d’ailleurs. Ca devenait juste un peu plus sérieux !
Mon collègue espagnol avait commencé à faire l’école buissonnière dès les sélections… moi j’ai commencé avec les huitièmes !! Nous voilà donc tous les deux dans le bar « Tryx », en bas de la Tour Alexis Nihon à Atwater où je travaille. Rien n’était gagné d’avance pour les Bleus, l’Espagne ayant largement fait ses preuves depuis le début. Pendant le match, alors qu’aucun but n’avait été marqué, j’ai fait un pacte avec lui : si l’Espagne gagne, je n’avais pas le droit de le niaiser, et inversement bien entendu. Début du match. L’Espagne marque sur pénalty, suite à une faute de Thuram. Mon collègue jubilait, j’étais dépité. Mais les Bleus sont remontés au score et le match s’est fini par trois buts à un pour la France. Ouf… mais pas le droit de niaiser mon collègue, déjà hors course. De retour à la maison, je remarque le peu de présence française dans les rues, comparée aux explosions de joie précédentes des supporters d’autres nationalités comme les portugais, les brésiliens ou encore les italiens. Bon.
Puis vint France Brésil, que j’ai passé au bar « Chez Roger », sur Beaubien Est, en compagnie d’une grosse gang de français. Nous avons mis l’ambiance dans le bar à nous tous seuls, surtout après le seul et unique but marqué par Thierry Henry. A la sortie, je me disais que cette fois, les français de Montréal allaient enfin oser fêter ça : j’avais raison ! La rue Saint-Denis, entre Mont-Royal et Duluth, était remplie de français, qui dansaient sur de la musique jouée par des… brésiliens, juste devant le bar brésilien un peu en face du Barouf. C’était… délirant ! L’expression parfaite de l’esprit sportif tel qu’on devrait le définir.
Un peu plus tôt dans la journée, le Portugal avait vaincu l’Angleterre, devant mes yeux ravis et la mine sûrement déconfite de ma boss quelque part dans l’est de Montréal. La même qui nous a bien fait comprendre sa déception, et la même encore qui n’a s’est s’offusquée quand ma collègue de Trinidad et Tobago lui a dit qu’elle tiendrait pour la France lors de la finale. Bref.
Ce fut ensuite notre tour d’affronter le Portugal. Je n’ai alors pas hésité une seconde à « sécher » ; je savais déjà à ce moment là à quel point mon horaire allait être chargé à la job lors des deux derniers jours de la semaine. Sans scrupules donc, j’ai assisté à la victoire pénible contre le Portugal à la Cage Aux Sports, sur René Lévesque. Il nous a fallu presque une heure pour regagner le Plateau et envahir Saint-Denis, tant il y avait de monde une fois arrivés sur le Plateau, où l’ambiance était (faut-il s’en étonner) beaucoup plus animée qu’à l’ouest de Saint-Laurent. Même tableau que pour France-Brésil, mais avec encore plus de monde ! Les français de Montréal étaient alors véritablement fiers de se montrer vêtus de bleu. Ca faisait plaisir à voir et à entendre ! Mes collègues au travail, voyant que mon équipe se retrouvaient en finale, m’encourageaient chaudement. Même mon collègue portugais me félicitait (j’y suis pour rien ! :)) et me disait que son équipe ne savait pas jouer !
La déconfiture allait avoir lieu à la 111ème minute puis jusqu’à la fin du match aujourd’hui, au Parc Jean-Drapeau. Après un très bon début de match qui laissait entrevoir la meilleure des issues, les Italiens ont finalement égalisé avec beaucoup de panache, sur un corner. La suite, les français qui me lisent la connaissent et n’ont sans doute pas besoin que je le leur rappelle. Les italiens présents en masse sur le Plateau au lieu de fêter leur victoire « sportivement » dans la Petite Italie, s’en chargent très bien. Sans compter que… remporter une finale sur des tirs aux buts, il n’y a pas de quoi se la… ok je sors.
En dehors de ce qui se passait sur les terrains, j’ai beaucoup aimé cette période de coupe du monde à Montréal. Subitement, pendant un mois, toutes les nationalités, jusqu’alors presque cachées, se révèlent au grand jour, au gré des victoires de leurs équipes. J’ai ainsi découvert qu’il y avait une importante communauté portugaise non loin du Plateau, ainsi qu’une importante concentration de brésiliens. La liste serait longue ! Mais surtout, j’ai été fier moi aussi, de pouvoir sortir fièrement mon drapeau français dans les rues de Montréal, de discuter pendant quelques minutes avec quelques français de Montréal comme moi, de façon naturelle et anodine. Du jour au lendemain, toutes les nationalités avaient la possibilité de se reconnaître entre elles, grâce à la vue d’un simple drapeau accroché à une voiture ou à un chandail à l’effigie d’une équipe. C’était fort. Dès demain pourtant, les français de Montréal retourneront dans le plus parfait anonymat, il ne sera possible de les reconnaître qu’au son de leur voix, au hasard d’un trottoir ou d’une file d’attente dans un commerce, comme avant.
Je terminerai par une anecdote qui a eu lieu en soirée. Il faut savoir qu’au Parc Jean-Drapeau, il faisait chaud, et le soleil a brulé la peau des gens comme moi qui ne se sont pas mis de crème solaire parce que la crème solaire, ça ne sert à rien. Moralité j’ai les deux bras, le cou et le côté gauche de la figure en feu ! Tout ça… pour ça ! Soit. Il nous fallait donc absolument trouver un produit qui calme la douleur et réhydrate la peau. Nous filons chez Jean-Coutu, sur la rue Mont-Royal. Je montre mes bras rouge vif au pharmacien qui comprend tout de suite ce que nous cherchons et nous dirige vers quelques produits qui devraient selon lui faire l’affaire. Voulant être sûrs d’acheter ce qu’il fallait, nous lui demandons s’il connaît la Biafine et si on peut en trouver ici. C’est là qu’il fait un large sourire en nous disant que non, la Biafine n’existe pas ici et que nous sommes peut-être les quatrièmes clients de la soirée à lui parler de cette fameuse crème… une preuve de plus que nous n’étions pas les seuls français à s’être fait cramer au Parc Jean-Drapeau pour assister à notre défaite sur écran géant !!!
Vivement Octobre et le début de la saison de hockey ! Go Habs Go !
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