La loi des séries….
Vous souvenez-vous de la fin de ma dernière chronique ? Où je vous parlais de mon transfert de fonds de la France vers le Québec qui avait pris du retard ? Et bien vu l’ampleur des dégâts, j’ai l’impression que le moment est venu de vous en parler en détail. Peut-être cela évitera-t-il à certains d’entres vous de commettre les mêmes erreurs que moi. Alors voilà l’histoire :
J’avais 2 comptes en France : 1 compte courant à la BNP, et 1 livret A à la Poste. Sur ces 2 comptes, j’avais environ la même somme d’argent. Mon idée était dans un premier temps de rapatrier l’argent de mon livret A sur mon compte courant à la BNP, et puis ensuite de faire un seul et unique gros virement à destination du Québec. Tout ceci évidemment dans le but d’économiser au maximum les frais applicables aux virement internationaux, qui peuvent être sensiblement élevés.
J’avais d’emblée laissé tomber l’idée des chèques en euros ou en dollars canadiens, car je savais que les délais d’encaissement étaient extrêmement longs (de l’ordre d’un mois). J’avais aussi laissé tomber l’idée des travellers, car les commissions sont élevées, et puis je ne connaissais pas trop bien ce moyen de paiement…. enfin bref, parce que j’avais pas envie…. Et puis on m’avait dit…. Blablabla, tu verras, avec les virements, blablabla….c’est sur ton compte au maximum une semaine plus tard.
Bref, le concept « zéro papier », ça me plaisait bien.
Donc, l’avant-veille de mon départ, je téléphone à la Poste.
– Bonjour madame, je voudrais faire un virement s’il vous plait.
– Ah ben pour ça, faut nous envoyer un courrier ma p’tite dame ! Pis faut compter le temps que le courrier nous arrive, et puis ensuite deux jours de traitement supplémentaires !
– ….
J’écris donc en vitesse le maudit courrier, que je poste la veille de mon départ.
Une fois arrivée à Montréal, je visite régulièrement le site Internet de La Poste pour vérifier que le virement est bien parti (et donc arrivé à la BNP), ce qui me donnerais le top départ pour lancer le deuxième virement.
4 jours, 5 jours, 6 jours, une semaine…. rien. Mon livret A est désespérément plein…. Je me décide à téléphoner. La première fois, petite musique d’ambiance. La deuxième fois, on m’apprend que je n’ai pas envoyé mon courrier à la bonne adresse (« ben oui, mais je l’ai trouvé où l’adresse à votre avis ? »). Donc, possibilité de retard On ne peut toujours rien pour moi, on me conseille d’attendre patiemment… La troisième fois, on s’apitoie sur mon sort et on me demande de re-faxer ma demande. (« Mais bien sûr, tout le monde a un fax à portée de main, c’est évident »)
L’insouciance et la confiance (aveugle) étant (je le découvre maintenant) deux de mes défauts majeurs, je réserve malgré tout ma voiture chez Encan H Grégoire. « L’argent arrive ! Leur dis-je ». Et bien sûr, j’y crois.
Trois jours s’écoulent encore…. toujours rien. Je commence à paniquer. Je n’ai plus le choix. Tant pis pour l’argent du livret A, je ferai un deuxième virement plus tard. Je téléphone donc à la BNP pour leur demander de faire un premier virement en urgence avec l’argent qu’ils ont sous la main. Je me procure le code SWIFT en téléphonant à ma Caisse Populaire Desjardins de Mont-Laurier (j’y avait ouvert un compte deux ans auparavant, lorsque j’étais venue en touriste) et je fournis toutes les informations par mail à la BNP. 4 jours plus tard ( !); l’argent est seulement débité de mon compte en France ! Et encore 4 jours plus tard, toujours rien sur mon compte au Québec ! Là, je panique vraiment. Encan H Grégoire commence à s’impatienter. Ils voudraient bien que ma voiture débarrasse le plancher, et par la même occasion, récupérer le solde de la vente…. Quant à moi, j’aimerais bien aussi rejoindre mon petit coin de paradis au bord du lac…. Voyant que ça commence à chauffer pour moi, une amie décide de me prêter l’argent de la voiture. Me voilà donc en mesure d’aller récupérer mon bien et de régler mes créanciers…. Je fais mes bagages dans la foulée pour partir à Mont-Laurier, afin d’aller voir de plus près ce qui se passe. A la caisse Desjardins, même discours. Il faut que je patiente. Déjà 3 semaines que je suis au Québec, et toujours RIEN !
Au bout de deux jours supplémentaires, au comble de la panique, j’appelle ma banque en France…. Et j’apprends que mon virement leur est revenu ! « Code SWIFT erroné » a dit la Caisse Centrale Desjardins de Montréal…. Je ne comprends rien. C’est l’une de leur caisse qui me l’avait donné ! Je ne l’avais pas inventé !
Moralité(s) :
1) Si vous avez des virements inter banques à faire en France avant votre départ, n’attendez pas le dernier moment.
2) Si vous voulez vous installer en région, méfiez-vous des caisses Desjardins. Je ne mets pas en doute leurs compétences, mais ils ne sont pas forcément habitués à traiter des opérations internationales. Le mieux est peut-être d’ouvrir un compte dans une banque nationale, puis de re-transférer par la suite votre argent dans la caisse populaire Desjardins de votre village de 300 habitants si vous le désirez.
3) Méfiez-vous des codes SWIFT. J’ai appris par la suite qu’il pouvait en exister deux sortes. Vous avez un certain code SWIFT si votre virement est fait en euros (et transformé en dollars une fois arrivé au Québec), ou un autre code SWIFT si votre virement est fait directement en dollars canadiens. La banque qui vous donne le code SWIFT vous pose pas forcément la question (ce qui était mon cas), et de toute façon, vous ne vous la seriez pas posée vous-même…. Parce que tout ce que vous avez demandé à votre banque française, c’est de faire un virement de sous…. et en général, la façon dont est fait ce virement vous échappe pas mal !
4) Ayez une carte de crédit internationale…. Et idéalement une Visa Premier ou une Gold. Oui, je sais, c’est pas donné à tout le monde d’avoir une cousine qui bosse à la BNP…. Mais si vous êtes dans le pétrin, ça vous permettra d’avoir un plafond de retrait par semaine beaucoup plus important qu’avec une carte de crédit internationale « normale ». Enfin, dans mon cas, je sais que la BNP a des accords avec la Scotia Bank, ce qui me permet de retirer de l’argent aux guichets automatiques de la Scotia sans frais (et ça, c’est pas du luxe) !
5) Envisagez la possibilité des travellers !
En tout cas, mon virement est reparti aussi sec, sans code SWIFT cette fois….
Et voilà où j’en suis…. Je dois encore attendre une bonne semaine pour savoir si mon argent est arrivé à bon port. Ma carte Visa chauffe à mort pour me procurer l’argent nécessaire à ma survie quotidienne. Et je vis encore dans la peur que mon virement soit rejeté une nouvelle fois.
Ma maison au bord du lac est très belle, mais elle est vide. Mes propriétaires m’ont heureusement prêté quelques petites choses. En revanche, je ne peux pas engager les grosses dépenses, comme l’achat d’une laveuse, d’une sécheuse, d’une télé, d’un canapé etc…. Je surveille ma boite aux lettres d’un œil mauvais, en lui promettant les pires supplices si jamais il lui prenait l’envie de me cracher les premières factures d’hydro Québec ou de Bell…. Je me demande encore comment je vais régler à la SAAQ la TQV sur l’achat de ma voiture ainsi que mes plaques d’immatriculation…. Et je fais de l’œil à mes propriétaires, qui n’ont pas besoin de ça pour m’accorder un délai de paiement tellement ils sont gentils. Ils me proposent même de les payer en euros, vu qu’ils ont un compte bancaire en France.
J’ai trop honte. Pauvre image de la France hein ?
Mais il y a encore plus urgent. Parce qu’ici, figurez-vous, dans l’griiiin nord, et bien c’est déjà l’hiver. Et les pneus 4 saisons de ma voiture me font déjà sentir leur limite…. Donc, dépense prioritaire : des pneus neige (environ 450 dollars TTC).
Déjà, hier, dès que j’ai posé le premier pied dehors, j’ai bien failli me retrouver sur les fesses…. Imaginez…. Une grosse couche de glace partout dans mon chemin (long de 2 kilomètres pour mener à la vraie route). Je regarde ma voiture d’un air suspicieux…. Je mets le moteur en marche…. Je passe la marche arrière pour sortir de chez moi…. Pas moyen. Les pneus n’accrochent pas pantoute sur la glace !! J’ai alors une idée de génie : je sors le tapis d’entrée tout neuf que j’ai acheté la veille en solde, je le glisse sous les roues…. Ca marche ! La voiture sort de son trou de glace…. Pour retomber dans un autre…. Je me marre comme une bossue dans ma voiture. Ah elle est belle la petite française aventurière !! Les voisins rigoleraient bien s’ils me voyaient !! S’il faut que je sorte mon tapis tous les 10 mètres pour faire les 30 bornes qui me séparent de Mont-Laurier !!!
Et puis d’un seul coup, je réalise que j’ai acheté un 4X4 ! Pfff…. j’avais presque oublié ! Il y a bien un petit sélecteur à côté du levier de vitesses, mais j’ai peur de m’en servir. Faut débrayer ou pas ? Faut être arrêtée ou pas ? Faut que les roues soient droites ou pas ? J’ai pas envie de tout casser. Je feuillette donc le mode d’emploi de ma voiture…. Bon. Pas compliqué. Je passe en 4 roues motrices. Et miracle ! Ca marche d’enfer ! Je file à Mont-Laurier, pas peu fière de ma nouvelle voiture….
Ce matin, après avoir passé la nuit chez ma copine Karine (celle qui habite dans les Laurentides, vous suivez j’espère ?), je mets le nez dehors vous prendre la température du jour…. et je me ramasse un paquet de neige tombé d’un arbre sur le coin du museau…. Vache ! Plus de 10 cm partout !! La route est invisible, les arbres sont tout blancs et croulent sous le poids de la neige. C’est MA-GNI-FIQUE !! J’exulte. Je saisis mon balai à neige tout neuf et je commence joyeusement à épousseter ma voiture. Je rigole en pensant que bientôt sans doute, cette action va devenir une véritable corvée. Je sors ma baguette magique (les quatre roues motrices), et je commence à conduire sur ce que j’espère être la route…. en me jurant de filer tout droit chez un garagiste que l’on m’a conseillé pour faire changer mes pneus (je ne résiste pas au plaisir de vous dire le nom, parce qu’il me fait toujours autant rigoler, autant pour le jeu de mot que pour la difficulté que j’ai à le prononcer : « Ca s’pneu-tu.».)
Je rejoins la grande route (la 117), à peine déneigée…. les « locaux » roulent doucement…. Je comprends le message…. ça craint. Effectivement, c’est un mélange de neige, de sloche, de glace, et le vrai bitume est en dessous de tout ça…. C’est la première vraie tempête de l’année icitte…. tout le monde se méfie….
Je pense que j’ai hâte d’arriver au garage. Je repense aussi à cette foutu histoire de fric qui me bouffe la vie, et je me demande ce qu’il pourrait m’arriver de pire là, tout de suite….
Je roule à 70 km/h. Tout à coup, je sens le 4X4 m’échapper ! Merde ! Je me dirige en glissant vers le centre de la route. Je braque à fonds. Inutile d’aller s’emplafonner la voiture qui arrive en face. Je repars vers le côté droit de la route, toujours en glissade…. Le 4X4 glisse, vire, je braque dans un sens, je braque dans l’autre, j’essaye de le rattraper. Peine perdue. J’arrive quand même à éviter un mur. C’qu’elle est lourde cette bagnole ! Je ne freine pas, ce serait pire….. Je crains plus que tout de faire un tonneau…. Je tente un dernier braquage…. Et je finis par déposer tout doucement ma voiture neuve dans le fossé….
Je me prends la tête entre les mains…. C’est pas possible ! C’est quoi cette poisse qui me colle aux basques ! Mais c’est pas possible !! Une voiture que j’ai depuis moins d’une semaine (que j’ai même pas encore remboursée, je vous le rappelle….) Et les réparations ? Je vais faire comment pour payer ces fichues réparations ? Alors qu’il faut que j’attende encore une grosse semaine pour avoir (éventuellement) mon argent ? Je sors de la voiture, écoeurée. Je regarde autours de moi et là, je me souviens que je suis au Québec…. Quatre voitures se sont déjà arrêtées. Tout le monde se précipité : un jeune gars, un monsieur qui travaille à santé canada, un autre monsieur qui travaille pour la voirie, et une infirmière…. Le premier m’indique les remorqueurs de la région, le deuxième prête son cellulaire, le troisième sort ses drapeaux et ses trucs de signalisation, et l’infirmière, heureuse quand même de me savoir saine et sauve, repart dépitée de n’avoir pas pu aider….
Et alors là, c’est plus fort que moi…. J’explose d’un rire nerveux. Faut le faire quand même. Je me fous en l’air avec mon 4X4, et parmi les gens qui s’arrêtent, j’ai un médecin, un gars qui connaît tous les remorqueurs de la région et un gars dont le métier est de d’assurer la sécurité sur les routes…
C’est de la chance ou bien ?? Je ne sais plus…. C’est peut-être « la chose », « l’énergie », « la force », enfin le « truc » que j’aime pas appeler Dieu (parce que dans l’esprit des gens, ça se confond trop vite avec la Religion), qui a du penser qu’il y avait peut-être été un peu fort…. Alors il se rattrape comme il peut…
Mais une fois qu’on connaît le nom des remorqueurs et qu’on a un téléphone, encore faut-il connaître les numéros à appeler ! Et là, coup de théâtre, le mec de la sécurité des routes nous sort l’annuaire téléphonique ( ?) qu’il trimbale partout avec lui !
Un truc farfelu me passe par la tête, je pense à la formulation de Seb-Redflag « 1-800- J’APPELLE », et à la réputation (ô combien justifiée !) de la qualité des services au Québec…. Je me marre….
On attend le remorqueur. Pour ne pas rester dehors sous la neige et dans le froid, je monte dans la voiture du monsieur de santé canada. Il me demande d’où je viens, ce que je fais là. Je lui raconte mon histoire. Je lui dis que j’aimerais bosser dans la nature et les animaux. Il me dit qu’il connaît du monde chez Parc-Canada…. il va voir ce qu’il peut faire pour me trouver une job…. J’hallucine complètement. Il me parle de sa fille, qui bosse dans un restaurant à Montréal appelé « le pèlerin ». Je lui dis que parmi tous les restaurants de Montréal, j’avais remarqué celui-là à cause de son nom, car je me demandais si ça avait un rapport avec le pèlerinage de St Jacques de Compostelle. C’est de la science-fiction.
Une demi-heure après, le remorqueur arrive et la voiture est sortie du fossé…. Sans une égratignure… J’y crois même pas.
A 40 km/h et en warning, je continue ma route, en me jurant de ne plus jamais me demander ce qui pourrait m’arriver de pire, là, tout de suite. Je philosophe un peu et je me dis que, selon la loi du même nom, la série des merdouilles va bien prendre fin un jour.
Je change enfin de pneus. Quelle différence ! Je me rends chez mes propriétaires pour régler avec eux l’histoire du loyer. Je ressors en leur ayant fait un chèque en euros. Encore une bonne chose de faite, j’ai le cœur plus léger….
Ma copine Karine me téléphone : toutes mes cartes sont arrivées, y compris celle de la résidence permanente ! 3 semaines après mon arrivée !
Le lendemain, la caisse populaire Desjardin de Mont-Laurier me téléphone pour m’annoncer qu’un gros virement est arrivé sur mon compte. Comment se fait-il que l’argent soit arrivé aussi vite après le premier rejet, je m’en fous. Je ne cherche même pas d’explication, je saute de joie. Dans la foulée, je reçois mon chéquier, mon permis de conduire, je commande une laveuse, une sécheuse, une table, des chaises, une armoire pour ma chambre. Ouf, ouf, ouf….
Justement, je dois me rendre à la caisse populaire pour souscrire une assurance habitation. Je commence à discuter avec l’agente d’assurance, et au bout de 10 minutes, elle me dit que son poste va se libérer et elle me demande si je serais intéressée…. Les entretiens commenceraient fin janvier pour une prise de fonction en mai. Il y aurait 3 mois de formation à Québec entre les deux. Si je veux, elle peut me référer….
– ….
D’autres amis qui habitent dans la région m’appellent ensuite pour que je vienne leur rendre visite. Leur maison se situe juste à côté d’un gros développement touristique en construction dans la région, un truc que je lorgne depuis longtemps déjà, en attendant patiemment qu’ils soient prêts à embaucher. Ce serait mon rêve de bosser pour eux. Mario me raconte qu’une semaine auparavant, il a reçu un coup de téléphone d’un voisin qui lui demandait de venir l’aider à sortir une voiture qui avait eu la mauvaise idée d’embrasser, elle aussi, le fossé. Le conducteur, ravi d’avoir pu bénéficier d’une aide aussi précieuse, sort une carte de visite…. C’était le nouveau propriétaire du développement touristique ! Mario lui a parlé de moi, et nous sommes invités à aller discuter de tout ça autours d’un verre au premier moment opportun….
Je lève les yeux au ciel….
– Ben voilà ! Tu vois quand tu veux ! Merci « la Chose » !
Mon copain m’appelle de France. Je lui raconte mes histoires…. Il trouve que j’ai une chance « Bouhesque »
– Bon, et quand est-ce que tu commences à chercher du boulot ?
– J’y travaille mon gars, j’y travaille ! Je prends une assurance habitation, je fous ma bagnole dans le fossé, Mario en sort d’autres…. Je fais que ça, chercher du boulot !
Moralité(s) :
1) Ne perdez jamais espoir. Remontez-vous le moral en pensant à la loi des séries : les choses finissent toujours par s’arranger.
2) Si vous êtes en région (ou même à Montréal, mais je m’obstine à dire que c’est pas pareil dans les grandes villes), discutez beaucoup, beaucoup, beaucoup. Avec tout le monde. Racontez votre vie, écoutez celle des autres. Premièrement vous apprendrez beaucoup, et deuxièmement, vous vous rendrez compte que les gens ne demandent qu’à vous aider….
Bon courage à ceux qui connaissent des périodes de galère.
Leave a comment