De pieralinea
Le français ça s’apprend, l’anglais ça s’attappe!, à Jay-Jay et aux neo-québécois inquiets
Cela fait maintenant 14 mois que je suis au Québec et je me suis reconnue Jay-Jay dans ta description de la nouvelle immigrante qui se pose des questions « déontologiques » sur le bien-fondé de la loi 101 (lire sa dernière chronique). Je dis déontologique, car pour moi la démocratie est la base de tout.
Mon 1er jugement (avant mon arrivée): c’est une loi anti-démocratique! Même si l’objectif est louable, on ne peut pas imposer par une loi une telle chose! Je ne comprenais pas…
2ème étape (qq semaines après mon arrivée): il faut que je comprenne, que je lise sur le sujet, il doit y avoir d’autres moyens… mais je ne comprenais tjrs pas.
Aujourdhui, à la lecture de ton texte, après 12 mois d’enseignement en lycée français en milieu minoritaire (Ottawa), après un stage de formation de 2 semaines avec 60 autres enseignants passionnés, enseignants en milieu minoritaire francophone dans le reste du Canada (et 100 fois plus minoritaires que moi à Ottawa: Labrador, Territoire du Nord Ouest, Nouveau-Brunswick, Alberta, Saskatchewan…), j’ai compris.
J’ai compris que les francophones du Canada n’avaient pas le choix. Que face au géant américain, face à la marée anglophone canadienne, la langue française, mais aussi la culture francophone, pour survivre, devait lutter. Même si les moyens choisis par ses défenseurs, au Québec ou dans le ROC sont différents .
Et je crois que ce qui m’a fait comprendre, en plus de mes lectures, ce sont qq anecdotes et réactions. En voici, parmi tant d’autres 3 exemples qui je pense rassureront aussi les parents francophones, nouveaux inmmigrants au Québec, et qui veulent que leurs enfants soient bilingues:
Le premier, c’est la mère, anglophone, d’un de mes élèves de 4 ans, qui me l’a donné: Duncan, son fils est arrivé en septembre 03 à l’école sans comprendre ni parler un mot de français. La famille Lemieux est complètement anglicisée, elle compte sur l’école pour apprendre le français ses enfants et réintroduire de la culture francophone dans la famille, ce que ces ancêtres n’ont su garder. On est en janvier 2004, Duncan, après un départ difficile, commence à communiquer en français, la mère s’inquiète, je lui demande comment elle équilibre les communications entre les 2 langues à la maison, soucieuse que je suis de respecter sa langue anglaise maternelle. Et c’est de madame Lemieux, une anglophone, que j’entends pour la 1ère fois: « Ici, le français ça s’apprend, l’anglais ça s’attrappe! »
Le 2ème, c’est encore une mère d’élève, française (de France) cette fois, qui en juin dernier, me dit que, après un an de vie au Canada à Gatineau, alors que ses filles 4, 7 et 8 ans étaient en classe en français, qu’à la maison la seule langue parlée était le français, les filles sont aujourd’hui capables de communiquer en anglais avec leurs amis anglophones… Seule l’aînée, en 3ème année, avait 2 fois 45mn d’anglais par semaine. Elles ont « attrappé » l’anglais dans la cour de récréation, pendant leurs camps de sport aux vacances de février, aux goûters d’anniversaires chez des amis…
Le dernier, le plus récent, c’est celui d’une collègue du Nouveau-Brunswick rencontrée cet été à Québec lors de ce stage » Enseigner en milieu minoritaire francophone au Canada ». Alors que nous profitions ensemble des joies du festival d’été et des musées de la ville, elle s’extasiait et récupérait en permanence tous les écrits en français (livres bien sûr, mais aussi dépliants des musées, pub, tickets de bus, menus…) pour s’en servir comme support de lecture et de culture pour ses élèves à la rentrée prochaine. Elle n’avait rien en Français dans sa ville.
Et c’était la même chose pour les 58 autres enseignants du stage qu »ils soient de Hay-River TNO, de St Paul Alberta ou de Labrador city (nous n’étions que 2 d’Ottawa, ayant donc accès facilement à la culture francophone du Québec).
Quel dommage que je n’ai plus 4 ans, moi qui voudrait perfectionner mon anglais!
Aline alias pieralinea
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