Si il existe bien une saison que je croyais les Québécois adeptes, c’est bel et bien hiver. Or, cette dernière cumule les soupirs parmi une majorité de la population à sa simple évocation, sûrement dû à l’abandon des plaisirs de l’hiver noyés dans les tumultes du quotidien. À croire que la saison blanche reste uniquement pour le sourire des immigrants.
Je n’ai jamais compris cette lassitude, voir ce dégoût. À tous ceux-là, je leur souhaite une seconde vie en Espagne !
Vous l’avez deviné, je fais parti des pro-hivers. Qu’il soit neigeux et frette à souhait (pas tous les jours non plus). J’ai davantage de misère avec le printemps.
« – Comment ça me diront certains ? Le printemps, les oiseaux chantent, les fleurs garnissent la nature, les feuilles d’un vert tendre apparaissent dans les arbres…. »
Oui tout à fait, et je trouve cela incroyablement féérique,…. mais ce spectacle son et lumière est réservé pour la fin du printemps ! Avant cela le spectacle est particulièrement terne. Revenons au début du processus printanier.
L’hiver s’installe tranquillement. Le manteau blanc s’épaissi au gré des chutes de neiges. Lorsque le mois de mars pointe le bout de son nez, j’ose imaginer que le couvert neigeux a décidé de prolonger son séjour jusqu’au mois de mai. Pourtant du jour au lendemain, la vapeur semble se renverser. Le soleil lance des offensives chaleureuses régulières. En effet, 2-3 degrés par une journée ensoleillée engendre de beaux dommages dans un banc de neige. Et que dire des tempêtes de pluie qui supplantent à l’occasion les dernières tempêtes de neige. L’eau est d’ailleurs sûrement le pire ennemi de la neige. Même lorsqu’elle cesse, la fonte se poursuit.
Et puis même la neige ne semble plus faire d’effort pour conserver ses propriétés intrinsèques, elle devient mouilleuse, lourde. Elle est tellement déboussolée vis-à-vis de son rôle, qu’elle serait capable de faire fondre la neige déjà présente par sa consistance printanière ! Ainsi l’hiver interminable nous expose son talon d’Achille.
D’ailleurs au Saguenay-Lac-Saint-Jean, nous parlons de tempête des poteaux, lorsque que la neige est tellement collante, qu’elle colle au poteau de téléphone. Selon la pensée populaire, elle serait annonciatrice de la dernière bordée de neige.
Une fois le processus de la fonte enclenchée, on dirait que c’est inéluctable. L’épaisseur de neige baisse à vue d’œil même si il cesse de pleuvoir et que le mercure grimpe à seulement un petit degré.
Avant ma venue au Québec, j’avais des images idylliques de la fonte des neiges… la neige disparaissant avec l’apparition d’une myriade de filées d’eau qui ruissellent jusqu’à la rivière, laissant apparaitre l’herbe couleur vert tendre. Le tout bien entendu sous un soleil étincelant ! Il n’en est rien ! Ici ce n’est pas un printemps à la française avec seulement de la neige en plus. Contrairement à là-bas où la nature somnole simplement pour 3 mois, ici elle hiberne pour 5-6 mois suivant la région. Après un bon 4 mois d’ensevelissement sous la neige et les assauts des grands froids, le gazon est loin d’être vert. La végétation meurtrie, grillée, jaunâtre doit renaître de ses « cendres », avec encore les stigmates de l’automne. Contrairement à France où l’hiver se charge d’effacer les traces de l’automne, ici les feuilles devenus brunâtres jonches encore le sol là où elles n’ont pas été balayées. C’est un peu notre second automne.
À l’instar de son arrivée à l’automne, la neige est aussi adepte des faux départs. À peine fondue qu’à nouveau elle se dépose sur le gazon jaunit. Une occasion de plus pour abaisser le moral des anti-hivers et même des pro-hivers, car à un moment donné il faut que cela cesse.
Dès que la neige fond moindrement, la majorité des adeptes du ski désertent les stations de montagne. Seuls les mordus demeurent encore sur les pistes. Les patinoires extérieures ferment leurs portes. Les sentiers de motoneige ne sont plus entretenus.
Avec le départ de la neige un autre sujet de prédilection des québécois refait surface : l’état des routes. En effet, alors que les tulipes sont encore endormies les « nids de poules » fleurissent à tous les coins de rue. Le redoux facilite les infiltrations d’eau qui déstabilisent les fondations de la chaussée. Des surfaces d’asphalte avoisinant les mètres carrés sont parfois englouties, laissant des trous béants de plusieurs dizaines de centimètres de profondeur. Il peut y en avoir plusieurs dizaines de milliers qui apparaissent en quelques jours dans certaines villes. De nombreux automobilistes risquent à chaque année d’en faire les frais…. La vigilance sur la route est de mise.
Et pour compliquer davantage la situation les routes sont à l’occasion déformées par le « gonflage » de l’asphalte. Les bosses sont tellement importantes qu’à maintes reprises j’ai manqué de peu de décoller avec mon auto… Bien entendu, les routes de campagnes sont davantage sujettes à ces caprices topographiques !
Jadis recouvertes de neige et de glace, les routes sont coiffées d’une pellicule de sable grisâtre terni par les restes d’hydrocarbure et autres saletés liées à l’activité humaine. Adieu à la neige immaculée, maintenant accumulée sur les côtés, elle est devenue noire tout comme l’eau qui s’en écoule…. Quelle belle image reluisante du printemps !
Les égouts pluviaux ont de la misère à évacuer la masse d’eau printanière. De jolis lacs noirâtres font patienter l’eau au bord des coins de rues où sont localisées les bouches d’égout. Attention aux piétons, une éclaboussure est si vite arrivée.
Les surfaces de terre n’en sont pas en reste. Alors que les premiers centimètres se transforment en bouette (boue), le reste demeure obstinément gelé, garantissant ainsi une belle étanchéité à l’infiltration de l’eau en profondeur. Et 4 ou 5 pieds (1,20 ou 1,50 m) de sol gelé en profondeur c’est plutôt long à dégeler !
Voici donc le genre de printemps que j’ai vécu les premières années dans la région de Québec. Depuis que je vis au lac Saint-Jean les printemps ont une note un peu plus optimiste, sauf qu’ils arrivent deux semaines plus tard qu’à Québec et un mois plus tard par rapport à Montréal. Ici la circulation routière moins intensive évite une accumulation trop importante de saletés durant l’hiver. La dispersion de l’habitat permet un meilleur drainage de l’eau de fonte, bien que l’ambiance soit « bouetteuse » pareille.
Néanmoins, le printemps peut offrir de belles images tels que les stalactites le long des toitures et autres sculptures éphémères formées par la fonte. Les journées ensoleillées en forêt peuvent aussi procurer des instants de plénitude. Les lacs et rivière dégèlent progressivement pour faire place à une eau limpide en forêt et plus ou moins brune en milieu agricole et urbain du fait de l’entrainement de matières en suspension.
D’ailleurs à chaque année un vaste concours est ouvert à la population : deviner la date du départ des glaces sur le lac. Nous estimons par avion que le lac a calé lorsqu’il est libéré de 80 % de ses glaces. Ceci se produit entre la mi-avril et la mi-mai. Après cette date la chaleur commence à augmenter réellement.
Étant donné que nous sommes proches d’un lac et de son exutoire nous assistons davantage à la crue du printemps qui dure parfois qu’un ou deux jours. Quel spectacle saisissant de voir une masse d’eau se déverser là où habituellement un simple cours d’eau coulait paisiblement. La quantité d’eau issue de la crues printanière est telle que lac Saint-Jean, 3ème plus grand lac du Québec avec ses 1076,03 km², se rempli par l’amont et se vide par l’aval l’équivalent de six fois son volume total !
Sachant cela, il n’est pas étonnant qu’un barrage hydroélectrique ait été édifié.
Ce fameux coup d’eau du printemps n’est pas sans conséquence. De nombreux cours d’eaux subissent de fortes érosions.
Avec l’arrivée du printemps, une nouvelle activité se développe : se débarrasser au plus vite de la neige. Ainsi, ne vous étonnez pas de croiser des résidents pelletant vigoureusement la neige de leur terrain et déverser dans la rue où elle fondra plus rapidement. Certains utilisent même de l’eau pour l’aider à se liquéfier… Et une fois le terrain mis à nue, il existe des appareils ressemblant à des débroussailleuses munies d’une brosse en forme de rouleau pour extirper du gazon tout le sable et le sel issu du déneigement des routes.
Les plus pressés sortiront également leur barbecue dés le début avril alors que la température est encore régulièrement proche de 0-5 degrés
Ainsi tous les malheureux de l’hiver respirent et ont hâte de « chialer » (se plaindre) de pluie estivale, des maringouins et de la chaleur étouffante des canicules !
Quoi qu’il en soit, je suis content de vivre dans un pays qui possède quatre saisons distinctes.
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