D’abord une question pour le titre. Pourquoi de nombreux québécois ne veulent pas dérouler le tapis rouge au couple princier William et Kate, lors de sa visite en juillet prochain? Parce que le Québec a déjà son ..Amir. Pour ceux et celles qui l’ignorent, Amir signifie prince en arabe. Blague à part – même si je tiens à mes droits d’auteur-, ce qui est important à relever est que le co-porte-parole de Québec Solidaire a fait, ces dernières semaines, son Buzz médiatique dans le pays et même à l’étranger. Inespéré pour ce « petit » parti né il y a seulement cinq ans. Adulé par certains et honni par d’autres, la plupart lui reconnait un grand courage, de fortes convictions et surtout le mérite de faire sortir le jeu parlementaire des sentiers battus et d’apporter une certaine fraicheur à la vie politique québécoise. Ce qui est – à tout le moins – loin d’être une mauvaise chose pour combattre le cynisme de la population envers la chose politique. Amir Khadir ne laisse pas indifférent. Pour Québec Solidaire qui plafonnait, depuis sa création, à 5% des intentions de vote, le travail de député ne peut faire que du bien. Le dernier sondage le place à 17% devant l’ADQ.
Dans une discussion que j’ai eue récemment avec une collègue, elle disait qu’elle avait du mal à comprendre ce « système » qui fait qu’un député peut à lui seul empêcher toute une assemblée de décider. On parlait bien sur du feuilleton du projet de loi 204 visant à protéger, de toute contestation judiciaire, l’entente sur la gestion du futur amphithéâtre, entre la ville de Québec et le groupe Quebecor Média, projet que comptait bloquer celui que plusieurs qualifient désormais d’empêcheur de penser en rond, Amir Khadir,… un « Montréalais qui ne comprend pas la réalité de la ville de Québec » pour ma collègue. Les particularités de Québec autorisent-elles qu’on retire aux citoyens de Québec le droit de contester les décisions de leurs élus, lui avait répondu un autre collègue, visiblement en accord avec l’attitude et le travail du député de Mercier.
En l’espace de quelques jours, A. Khadir s’est illustré de façon spectaculaire sur plusieurs questions: déclaration sur la visite du couple princier qualifié de parasite, accrochage avec « l’intouchable » icône Lucien Bouchard et bien sur ce projet de loi 204. Mais si je consacre cette chronique à Amir Khadir, c’est aussi parce qu’il est né à l’extérieur du Québec, en Iran. Il est donc un immigrant selon la terminologie officielle. Et Amir Khadir doit aussi se considérer encore comme un immigrant. Il fallait le voir, l’autre jour lors d’une conférence, saluer deux jeunes étudiantes iraniennes arrivées il y a deux ans à Québec. « Elles parlent un parfait français » disait-il avec beaucoup de fierté. Khadir c’est une véritable Success Story à faire rêver des milliers d’immigrants et qui révèle la capacité de la société québécoise, non seulement à faire de la place à des citoyens venus d’ailleurs mais aussi à fonder sur eux de grands espoirs.
A. Khadir a dix ans quand ses parents décident d’émigrer au Québec. Médecin spécialiste en microbiologie-infectiologie, il s’intéresse, très jeune, à la chose politique et notamment à des questions internationales. Cet intérêt le mènera à s’investir dans des causes touchant plusieurs pays du tiers-monde: Cuba, Nicaragua, Zimbabwe Inde, Irak, Palestine et bien sur son pays d’origine l’Iran. En 2006, il fonde avec notamment Françoise David (Icône du féminisme québécois) Québec Solidaire, un parti qui va rassembler un large spectre d’organisations de gauche et d’extrême gauche – tout un défi -. Québec solidaire est souverainiste. Lors des dernières élections provinciales, Québec Solidaire a réussi à faire élire A. Khadir comme député à l’assemblée nationale, représentant de la circonscription de Mercier(Montréal). Une première dans les annales de l’histoire de la gauche québécoise.
Conscient des limites des ressources dont il dispose comme unique député de sa formation politique, Amir Khadir ciblera des questions particulières touchant notamment au contrôle et à la gestion des ressources et les biens publics. Ses premiers galons en tant que député, il les gagnera en s’attaquant en mai 2009 à Henri-Paul Rousseau, ancien président de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), lors de sa comparution en commission parlementaire au sujet des pertes de 40 milliards de dollars enregistrées par la caisse durant son règne. On retiendra aussi à son actif, le parrainage de la pétition pour le départ du premier ministre Jean Charest et la mise en place d’une commission d’enquête sur les malversations dans le secteur de la construction. Parmi les gestes qui lui ont valu et continuent de lui valoir les salves de certains éditorialistes – visiblement pas toujours de bonne foi -, on peut parler de sa participation à une marche pour le boycott de produits israéliens pour protester contre la politique du gouvernement israélien. Certains de ces commentateurs font un lien entre ses origines iraniennes et sa participation à cette initiative et omettent pourtant de préciser que la marche avait été organisée par l’organisme PAJU (Palestiniens et Juifs unis) présidé par un Juif Canadien. Plus récemment, la déclaration qualifiant le couple princier de parasite aurait fait la manchette dans 40 pays et a choqué, parait-il, en Grande Bretagne. Par ailleurs, en s’attaquant à l’intérieur du salon bleu de l’assemblée nationale à une grosse pointure du paysage politique québécois, l’ancien premier ministre Lucien Bouchard, A. Khadir a démontré – pour ceux qui n’étaient pas encore convaincus – qu’il ne manquait pas de culot. Enfin, il faut dire que le maire Régis Labaume et la chef du PQ, Pauline Marois, ont fait preuve de beaucoup d’amateurisme en pensant que la nouvelle coqueluche de la gauche québécoise allait cautionner le projet de loi 204. Ils lui ont plutôt offert l’occasion rêvée pour s’illustrer aux yeux de nombreux Québécois comme étant le seul député qui n’a pas peur de « s’attaquer aux puissants » et de faire passer l’intérêt public avant les ambitions carriéristes et électorales.
Le battage médiatique autour d’Amir Khadir intervient dans un contexte particulier au Québec: Bloc québécois balayé de la carte électorale fédérale, profond désir de changement et surtout rejet massif du parti conservateur. Pendant ce temps, Québec Solidaire mène campagne autour de son initiative « Projet d’un pays et pays de projets » qui peut être perçue comme une nouvelle voie pour relancer l’idée de la souveraineté. La bienveillance affichée, depuis quelques temps, par des analystes et personnalités de la mouvance péquiste à l’égard de Québec Solidaire (Jean-François Lisée, Jean-Pierre Charbonneau, Michel David..) dénote qu’un tournant majeur est peut être en train de se produire chez les souverainistes. J.F. Lisée, qui a conseillé plusieurs premiers ministres et chefs du parti québécois, prédit en tout cas un rôle significatif à Québec Solidaire sur la .. »glace » aux cotés de trois autres équipes. Ce regain de popularité de Québec Solidaire se produit après la vague orange qui a fait porter 59 députés néo-démocrates québécois à la chambre des communes. Il faut rappeler que durant la campagne, le mot d’ordre de QS était de faire élire le maximum de députés « progressistes » qu’ils soient du bloc ou NPD.
Que faut-il déduire des résultats de l’élection fédérale? Que la souveraineté a été rejetée massivement au Québec? Pas nécessairement! Le fait est – pour beaucoup d’observateurs – que, le 2 mai, les deux peuples fondateurs ne sont pas allés dans la même direction. Le peuple Québécois a choisi de faire barrage aux conservateurs et opté majoritairement pour un parti progressiste fédéraliste – un nouveau beau risque – alors que le reste du Canada a décidé au même moment de donner aux conservateurs de Stephen Harper un gouvernement majoritaire. Les deux grandes solitudes ! Un constat qui peut donner des minutions aux souverainistes pour démontrer la viabilité du projet de pays. Le dernier mot reviendra au peuple québécois.
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