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jeudi , 21 novembre 2024
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Le Québec expliqué à ma belle mère

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Comme de plus en plus de parents d’immigrants, ma belle mère est venue passer quelques temps avec nous, à Québec. Elle est évidemment contente de nous voir et notamment les enfants. Elle est aussi contente de découvrir un nouveau pays et une culture différente. Pour quelqu’un qui n’a pas eu beaucoup l’occasion de le faire dans sa vie, ce séjour est d’autant plus apprécié. Ma belle mère qui a passé toute sa vie en Algérie a quand même fait un voyage à Paris, il y a quelques années. Si elle a aimé cette grande ville où elle a eu l’occasion de rendre visite à des connaissances du Bled et fait les incontournables courses pour les cadeaux à ramener à tous les membres de la famille, elle a, quand même, trouvé que tout y est à l’étroit : les rues, les logements… Il est vrai que pour les logements, quand elle verrait des 3 et ½ ou 2 et ½, elle nuancerait surement.

Ici, il n’y a pas de poussière; les rues sont larges; le gazon, l’asphalte et le béton se partagent le territoire. C’est ce qu’elle disait à son fils, l’autre jour au téléphone. Il voulait avoir des renseignements sur la qualité de vie au Québec, histoire de peser le pour et le contre quant à un éventuel projet d’immigration. Il faut dire qu’avec les témoignages des déçus du Québec, il y a à présent en Algérie – comme j’imagine ailleurs – plusieurs sons de cloche sur les chances de réussite des immigrants. Certes, beaucoup de jeunes rêvent encore d’immigrer au Canada mais il n’y a plus grand monde à croire qu’ils y trouveraient l’eldorado. Tant mieux, vous me diriez.

L’autre jour et alors qu’on faisait le tour de la ville en marquant des haltes dans quelques endroits attractifs, ma belle mère m’a interrogé sur la présence des immigrants : vous me disiez qu’il y a plus de 100 ethnies différentes au Québec. Pour ce que j’ai vu ici, on dirait que ces ethnies se cachent. Plus de 100 ethnies, oui mais à Montréal. Et pourquoi les immigrants ne sont pas si nombreux à Québec, c’est pourtant un bel endroit pour y vivre, s’est elle étonnée. Il y a au moins 2 raisons : l’une c’est que Montréal est la métropole du Québec et les immigrants préfèrent s’installer dans une grande ville, surtout que beaucoup y retrouvent leur communauté. Ça peut être utile quand on arrive dans un nouveau pays même si le risque de ghettoïsation n’est pas à écarter. L’autre raison, c’est que plusieurs immigrants tentent leur chance à Québec mais repartent quelques temps après, soit parce qu’ils n’ont pas trouvé ce qu’ils cherchaient, soit, pour certains, parce qu’ils se sont plaint de discrimination à l’emploi. Discrimination à l’emploi? Mais n’est ce pas toi qui dis que tu es plutôt satisfait de ton travail, ici? Oui mais ce n’est malheureusement pas le cas de tout le monde et puis, certains, dès que des obstacles apparaissent, croient qu’ils ne sont peut être pas les bienvenus dans cette ville. Ma belle mère s’est alors rappelée une légende relative aux difficultés que pouvaient avoir, dans le passé, des citoyens algériens en s’installant dans les régions conservatrices du pays. Un commerçant du Sud s’installe un jour dans une ville de l’Est algérien, réputée par le passé pour être réfractaire à la venue des gens de l’extérieur. Il espère y faire fructifier son affaire. D’ailleurs, à peine son épicerie (un dépanneur) ouverte, une petite fille vient lui acheter… une aiguille à coudre. Lorsqu’elle rentre chez elle, sa mère lui demande d’où est ce qu’elle l’a achetée et lui ordonne illico de la rendre quand elle apprend que c’est chez le nouveau du quartier. Le lendemain, le commerçant, ébranlé par l’incident, plie bagage et quitte la ville sans prendre la peine de se dire que cet incident est peut être un fait isolé et qu’il finirait par s’habituer aux gens de sa nouvelle ville ou que ces derniers finiraient par l’adopter. Moralité, il ne s’agit pas de taire les actes de discrimination ou de les fuir. Il faut juste avoir en tête que c’est ainsi que ça se passe malheureusement partout sur cette planète et qu’avec de la patience, du dialogue et de la tolérance, les choses évoluent.

Cette anecdote algérienne à part, le fait est que les deux plus grandes villes du Québec présentent deux visages radicalement différents : Québec ville blanche et francophone et Montréal cosmopolite et…bilingue. Pour une province qui accueille chaque année près de 50 000 nouveaux arrivants, la région de la capitale nationale donne parfois l’air de trainer volontairement les pieds quant à l’absorption de sa part d’immigrants. Montréal, seule métropole de la province est la destination choisie par environ 88% de ces nouveaux arrivants. Pendant ce temps, de plus en plus de Francophones de souche quittent Montréal pour la région. « À Montréal, il y a du racisme ». C’est ce qu’il m’est arrivé d’entendre plus d’une fois de la part de Québécois de souche. Comment ça, ils se plaignent de racisme dans leur propre pays?

Certains quartiers sont majoritairement peuplés d’immigrants. De nombreuses écoles sont désormais fréquentées par plus d’enfants d’immigrants que d’enfants québécois de souche et surtout la langue française recule sur l’ile de Montréal. Chez le Québécois moyen qui constate que sa ville et son quartier changent de visage très vite, cette situation peut engendrer de l’insécurité, des pertes de repères et parfois des attitudes de repli sur soi. D’ailleurs, dans la dualité Montréal/Québec, on a l’impression que le contraste est volontairement entretenu. C’est comme si la crainte de « perdre » Montréal, fait qu’on utilise Québec comme une forteresse pour défendre l’identité de la majorité francophone et en se gardant d’encourager ouvertement la venue des immigrants. Ainsi, tant que l’anglais continuerait de gagner du terrain à Montréal, la ville de Québec continuerait à accueillir les immigrants au compte gouttes. C’est peut être caricatural mais la réalité est que proportionnellement au nombre de ses habitants, la capitale – où se décident les quotas d’immigrants sélectionnés par la province – n’accueille pas un nombre suffisant de nouveaux arrivants. Même si dans la foulée des célébrations de son 400e anniversaire, on sent un plus grand intérêt des immigrants pour Québec.

En plus d’apprécier les sorties dans la ville pour découvrir les centres commerciaux en quête d’éventuelles aubaines, sorties effectuées généralement en fin de semaine, ma belle mère passe son temps à se reposer. Elle guette l’arrivée, quatre fois par jour devant notre maison, du fameux bus jaune qui vient, toujours à l’heure, chercher ou déposer les enfants non sans engendrer son émerveillement devant cette société si organisée. Comme les personnes de son âge, ma belle mère aime aussi consulter régulièrement un médecin. Aussi, quand elle a su qu’on a pris, pour son séjour, une assurance urgence et hospitalisation, elle a immédiatement pensé à aller voir un médecin…d’ici et pourquoi pas à faire des examens…et prendre le médicament qui guérit tous les maux. À près de 10 dollars de cotisation par jour pendant quelques mois, je trouve qu’il est légitime de s’attendre à consulter un médecin et même à prendre, au besoin, un traitement médicamenteux. Non ça ne marche pas comme ça ici, lui dit ma conjointe. Cette assurance est valable seulement pour les urgences et les hospitalisations. Comme on ne peut pas souhaiter à quelqu’un d’avoir de graves problèmes de santé, il n’y a donc aucune chance de rentrer dans ses frais avec une assurance comme ça. Mais on n’a pas le choix si on veut ne pas se préoccuper du « Que fera-t-on » en cas de situation grave. Constatant sa déception, on a quand même promis à ma belle mère une visite chez un médecin : couverture ou pas! C’est de cette manière qu’elle sera totalement comblée. Et je peux vous le confirmer : un parent comblé, ça n’a pas de prix.

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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