De Lebleu
Les Aveux!
Premiers pas à Montréal
Aujourd’hui, c’est quartier libre, je ferai le touriste. Après deux bus, me voilà dans le métro de Montréal qui voit passer plus d’un million de passagers par jour, oui, par jour! Une fois à l’intérieur, j’ai acheté la carte indispensable pour tout résident ici, la carte appelée Opus, avec elle, tu peux recharger des tickets pour un jour, trois jours, une semaine ou pour un mois, car ici, le ticket pour un seul passage, coûte 2,75$, alors qu’avec la carte Opus, c’est 70,00$ pour tout le mois, métro et bus compris, sur l’île de Montréal.
Cartes à la main, de Montréal et du Métro, mon premier arrêt c’était le Champ de Mars, pour commencer ma visite du Vieux Montréal, un coin très beau, un contraste entre ancienne et nouvelle architecture. La rue notre dame, croisée par la célèbre place Jacques-Cartier, là où les petites ruelles du vieux Montréal te ramène vers un siècle, autre que le siècle. La rue des artistes, peintres, caricaturistes, des objets de souvenirs, même si tout le lieu est souvenir! Et puis, à quelques pas devant toi, le vieux port qui fait face au grand Saint-Laurent, au fleuve Saint-Laurent, où ces petits navires, comme dans le temps, font la liaison entre le port et la rive-sud.
Et puis, tu remontes, vers la rue qui porte le même nom de cette célèbre et magnifique basilique, la Basilique Notre-Dame de Montréal, une vraie, pour de vraie, mais vraiment pour de vraie, merveille architecturale et un musée d’art humain, loin des clichés des religions!
Et puis, tu descends, au cœur de la ville, tu te retrouves au Chinatown, où les chinois sont la communauté la plus importante de la ville, tout est chinois, l’architecture, la nourriture, les conversations, l’écriture sur les magasins, tout! Et puis tu t’enfonces de plus en plus dans cette jingle, tu te retrouves à la rue Sainte-Catherine, ta curiosité t’attire dans l’énorme centre commercial Eaton, une partie du Montréal sous terrain, là où tu dois faire attention à tes impressions et tes pulsations, pour ne pas passer toute la journée à tourner sans savoir sortir de ces labyrinthes interminables!
Juste le temps de prendre le déjeuner, appelé dîner ici au Québec, car ici, c’est déjeuner le matin, dîner l’après-midi et souper le soir! C’est comme ça. Fatigué d’avoir trop marché, mais heureux d’être là!
Il faut rentrer. Après un métro et deux bus, me revoilà dans ma chambre. J’ai pris le souper (le dîner) avec Paul et sa compagne, on a eu une vraie discussion sur l’immigration, sur les pourquoi et les comment, sur les séparations et les retrouvailles, sur cette vie qui nous ramène vers l’inconnu, sur la définition du bonheur et du malheur. On a eu des fous rires qui ont brisés la glace entre moi et eux, les préjugés, les non-dits, les tabous. Tout est dit, ou presque!
La séance d’information
Aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec le bureau d’immigration du Québec, pour ma première séance d’information consacrée aux nouveaux résidents permanents. Et c’est une amie de Paul qui m’a accompagné dans sa voiture jusqu’à les lieux, une gentille femme qui aime rire et que j’ai beaucoup échangé avec elle ce matin, en prenant du café.
On était une quinzaine de personnes dans cette salle de la séance d’information, la plus part, des Maghrébins, seul un couple d’Amérique latine. Personne ne parlait à l’autre, chacun dans son silence, le silence des tombes, et au lieu de se regarder dans les yeux, on se regarde dans les chaussures! Est c’est ça la réalité du contact humain ici au Canada, c’est le contact des yeux dans les chaussures des autres!!! Il ne faut jamais regarder les gens dans les yeux, surtout dans les bus et les métros, il faut, disant, respecter la bulle de chacun! Et c’est comme ça depuis toujours, et ça marche très bien, apparemment!
L’agente d’immigration, elle-même, d’origine d’Europe de l’est, articule à peine son français, a parlé pendant plusieurs heures, pour, finalement, ne rien dire, ou, juste, pour dire ce qu’il y a dans le guide ‘Apprendre le Québec’. Mais il faut quand même assister, car par la suite, il y aura des séances d’informations plus longues et, à la limite, obligatoires.
La recherche de logement
Aujourd’hui, j’ai reçu la lettre de la RAMQ avec le formulaire à remplir. Avec Paul, je suis allé, comme demandé, au CLSC le plus proche afin de déposer ma demande pour la carte d’assurance maladie. Et encore une fois, les choses se sont déroulées très vite, surtout avec une charmante et souriante dame au guichet, elle m’a demandé l’original du CSQ, qu’elle a gardé avec la demande et c’est à la régie de me le renvoyer par poste, des photocopies du visa d’immigration et du CRP, une photo spécifique et 5$ de frais de dossier, et elle m’a informé que je recevrai ma carte d’ici 40 jours! Sauf qu’en général, la régie envoi la carte quand le résident permanent atteint les 90 jours de présence au Québec, mais c’est vrai que dans les 40 jours, on recevra un papier avec notre numéro pour des soins limités.
Après ça, j’ai contacté la SAAQ, Société de l’Assurance Automobile du Québec, afin d’échanger mon permis de conduire algérien, car j’ai le droit de conduire avec pour trois mois seulement. Pour cela, je dois, aussi, passer des examens théoriques et pratiques, mais sans passer par les écoles de conduites, contrairement à ceux qui n’ont pas du tout de permis ou qui ont un permis de moins de deux ans, ou même ceux qui ont un permis de plus de deux ans mais n’ont pas contacté la SAAQ pendant leur première année de résidence ici au Québec. Et ici, les cours dans les écoles de conduites coûtent très chers.
L’agente m’a donné un rendez-vous pour passer mon examen théorique, une sorte de trois tests, et m’a conseillé de se procurer les deux guides indispensables du code de la route. Mais aussi, le site Internet de la SAAQ, dispose du même test, qui comporte pratiquement les mêmes questions le jour de l’examen!
Après avoir terminé avec ça, il ne me reste plus que le logement, et c’est, liste d’annonces à la main, que j’ai commencé la recherche, toujours avec Paul, je me suis fixes mes objectifs, le type d’appartement recherché, et le plafond de mon budget, afin d’ignorer les autres annonces.
Encore une autre spécificité Québécoise, ici, on parle plutôt de 1½, 2½ ou 3½, le premier chiffre indique le nombre de pièces, fermées ou pas, et le ½, demi, c’est pour indiquer la salle de bain. C’est aussi simple que ça!
Après plusieurs coup de fil aux propriétaires, j’ai pu visiter plusieurs appartements, mais il y avait toujours quelque chose qui manque, une fois c’est trop cher, une autre fois c’est au sous-sol, une fois c’est sale, une autre fois c’est très loin du métro et du bus. Jusqu’à ce que j’ai trouvé mon bonheur, un appartement selon mon budget, la grandeur, la propreté et surtout la proximité aux transports.
La concierge de l’immeuble, m’a demandé de payer deux mois d’avance, même si normalement, elle n’a pas le droit de me demander ça, mais j’ai finalement accepté, car il y aura toujours des bons qui payent pour des mauvais, c’est pour ça que les propriétaires sont, un peu un peu méfiants. Heureusement qu’elle m’a confirmé qu’elle n’a jamais eu de problème avec les Maghrébins! Ouf! Ça fait plaisir d’entendre ça avec tout ce qui se passe au-dessus de nos têtes!
Se sentir au bled!
Si un algérien est en manque du bled, ou s’il a une certaine nostalgie du pays, ou s’il a oublié les misères bureaucratiques qu’on a tous subi, ou si, tout simplement, le café du coin (de chez lui) lui manque beaucoup, alors qu’il aille au Consulat général d’Algérie à Montréal!
Au coin Saint-Urbain et Sherbrooke, le drapeau vert blanc rouge te fait signe de loin. Je suis allé pour demander la carte consulaire, au cas où je renouvellerai mon passeport, j’en aurai besoin, et j’ai été sûr et certain que j’allais me sentir mal, très mal!
La salle d’accueil, en sous soul, une sorte d’ancienne cave aménagée pour recevoir des êtres humains!, et malgré la nouvelle peinture et ces guichets, la tuyauterie est toujours visible, cette tuyauterie des toilettes des gens d’en haut, qu’on ne voit jamais et qui sont, entre autres, la cause directe de la fuite de ces algériens qui attendent leurs tours pour passer devant des agents aux guichets qui font les grincheux. Des visages fermés, sans le moindre sourire d’accueil, comme si tu es devant des gardiens de prison dans un camp de concentration! Ils parlent amicalement, seulement, avec les gens qui les connaissent, tout à fait comme au bled, leur bled, qui est le nôtre aussi!
La même bureaucratie qu’au pays, la même angoisse, le même stress et le même mépris de ces agents, comme au pays! Cette bureaucratie et cette administration, ce mépris et cette arrogance, les premières raisons, encore une autre fois, de la fuite de la quasi-totalité des algériens vers l’inconnu.
Après deux bonnes heures d’attente, parce que sur les dix guichets installés, trois seulement sont ouvert, et en plus, les agents passaient beaucoup de temps à parler avec les gens qui connaissent, à haute voix comme s’ils étaient seuls ou chez eux, normal!, ils échangeaient leurs numéros de téléphones, normal!, Et nous, devant eux, planqués sur ces chaises, sans aucun mot! Normal!
Après ces deux maudites heures d’attente, je suis passé, heureusement que j’avais tout préparé pour la demande, beaucoup de paperasse. Pour cette carte consulaire seule, plus que le nombre total de documents qui m’a été demandé par toutes les administrations canadiennes!
Et à la fin, ils te disent que la carte sera prête d’ici deux mois! Oui! T’as bien entendu, deux mois! Eh ben! Ici au Canada, j’ai eu mon Numéro d’Assurance Social en dix minutes chrono! Qui dit mieux? Et c’est ça qui fait la différence.
Les Aveux!
Et, entre autres, c’est ça qui te libère!
C’est là que tu te libères des adieux, et tu dis, que finalement, un pays n’est pas seulement une terre qu’on écrase de nos pieds, mais c’est surtout, un amour qu’on porte partout avec nous dans nos cœurs! Et que les algériens, ne méritent pas une cave d’égouts pour être reçu, ils méritent mieux que ça, beaucoup mieux que ça!
Ce sont mes aveux et mes confessions. Si l’émigration est le déchirement, l’immigration est la réconciliation. Si les Adieux du départ sont le tsunami qui emporte ton âme et ton cœur vers l’effondrement, les Aveux sont le rayon de soleil d’un nouveau jour, plein d’espérance, d’espoir et, surtout, d’assurance.
Ma confession, à moi-même, ce n’est pas d’écraser mes souvenirs laissés derrières, au contraire, ma confession est de les porter dans mon cœur, et avancer avec, vers cette nouvelle vie, ce privilège, car l’immigration au Canada est un privilège, une chance qu’il faut la saisir dès les premiers mois de notre installation, afin de réconcilier les Adieux manqués avec les Aveux reconnus!
Et c’est à instant là, que j’ai téléphoné à mes parents, à mes meilleurs amis, à ma famille, aux gens que j’aime et aux gens qui m’aiment, pour leur dire que je suis heureux, car c’est vrai, je suis vraiment heureux. Je marche dans ces grandes rues de Montréal, tout seul, souriant, content, heureux d’être là, heureux de rester là, et surtout, heureux de faire ma nouvelle vie, là!
Troisième et dernière partie, (probablement) prochainement!
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