Cette fois, nous n’avons pas voyagé dans les villages. Nous sommes restés à Kuujjuuaq toute la semaine. Je ne savais pas trop quoi apporter comme vêtements côté température. Je ne prends pas de chance, j’emmène des vêtements pour toutes sortes de conditions météorologiques.
Notre avion est retardé parce qu’il y a des orages dans le Nord de l’Ontario. Les pilotes partent de là-bas. A onze heures nous avons l’information que nous partirons seulement dans l’après-midi. Nous décidons d’aller manger à Val-d’Or.
Un collègue de Val-d’Or nous emmènent manger du steak haché pétillant dans un resto où paraît-il, les serveuses sont plus vite que leur ombre pour nous servir. On à peine fini de passer la commande que le plat est déjà devant nous…Cela reste à voir…Et puis, qu’est-ce que ça peut bien être du steak haché pétillant??
Il est 11h30, on doit être de retour à l’aéroport à midi. Cela prend 5 minutes se rendre à l’aéroport. Le service a besoin d’être rapide en effet…
Top chrono. Je passe ma commande à 11h32.
La serveuse est aussi sympa que l’avait prédit mon collègue. La gentillesse légendaire des Abitibiens n’est pas une légende, croyez-moi.
11h35 mon plat est devant moi! Sans blague!
La serveuse sert mes collègues avec son plus beau sourire. Elle a l’air d’une poule satisfaite de bien nourrir ses poussins. Elle passe de table en table pour voir si personne ne manque de rien. On jurerait qu’elle est investie d’une mission divine de nourrir la planète.
Mon steak haché pétillant consiste en du steak haché bien cuit couvert d’une sauce brune, accompagné d’oignons frits et de champignons de Paris dorés. Le tout servi dans une assiette de métal qui garde le tout très chaud et qui fait en sorte que la langue nous pétille à chaque bouchée. Bon, on repassera pour la gastronomie mais c’est quand même meilleur que la poutine ou les pâtes aux fruits de mer de Kuujjuuaq.
Mais cette femme représente parfaitement l’image que je me suis faite des Abitibiens. Des gens sans complexe, qui acceptent leur sort sans maugréer, qui se contentent de peu, qui prennent le temps de vivre et qui dégagent une sorte de force tranquille difficile à expliquer…
Mon père est justement venu me rendre visite à Amos le week-end dernier et ça l’a frappé lui aussi. Lui qui vient du Bas du fleuve, il a dû admettre que les Rimouskois sont froids et snobs à côté des Abitibiens. Le pauvre habite Côte-des-Neiges mais il n’a jamais réussi à apprendre l’anglais, n’étant pas très doué pour apprendre une langue seconde. Il était fasciné de voir que tout le monde parle français en Abitibi.
Il a parlé à des gens dans un café vendredi et le samedi, il était tout surpris de se faire saluer chaleureusement par eux sur la rue Principale.
Maintenant tout le monde me connaît au Rona. Ils savent quelle couleur j’ai peinturé mon salon, mon patio. Je suis allée chercher un paquet au bureau de poste de Trécesson. Deux petites madames dans la soixantaine m’ont accueillie avec leur plus beau sourire. Probablement les deux commères du village. Quand j’ai dit mon nom, elles ont su toute de suite qui j’étais.
« Ah! c’est vous qui avez acheté la petite maison sur le bord du lac Davey! On espère que vous allez rester plus longtemps que les autres… »
« Vous venez d’où? »
« De Montréal »
« Vous venez ici pour le travail? »
« Oui »
« Ben voilà votre paquet. C’est quoi au juste un simulateur d’aube? »
« C’est pour simuler le lever du soleil le matin. C’est pour se réveiller en douceur. »
Les deux commères se sont regardées d’un air perplexe.
« J’ai de la misère à me lever le matin. Surtout l’hiver, quand il n’y a pas de lumière. Vous m’excuserez, il faut que j’y aille. Je dois aller au boulot. »
Ben voilà, j’ai rencontré deux habitantes de Trécesson. Il m’en reste 1498 autres à rencontrer. Mais je suis certaine que tout le monde à Trécesson sait maintenant que la fille qui a acheté la petite maison sur le bord du lac Davey se réveille le matin avec un simulateur d’aube… »
Dites donc, il ne faudrait pas que je me fasse venir un vibrateur trois vitesses…
Au moment où j’écris ces lignes, mon voisin vient de m’apporter du doré qu’il vient de pêcher dans mon lac…
Raymond qu’il s’appelle. Lui aussi est assez coloré. Il habite Amos où il a plusieurs blocs-appartements. Mais il a son chalet à côté de ma maison. Il vient surtout le week-end. Raymond pêche à longueur de journée sur son ponton, mais il ne mange pas son poisson, alors il me l’apporte.
Raymond voulait tondre mon gazon parce qu’il croyait que je n’avais pas encore acheté de tondeuse. Quand je lui expliqué que je ne tondais pas mon gazon délibérément, parce que j’aime avoir des fleurs toutes les couleurs, il m’a regardé perplexe comme les deux commères du village.
C’est Raymond qui m’a parlé de la décharge du lac Davey. Il m’a dit: « Si tu vas complètement à droite du lac, tu vas trouver une décharge qui se jette dans un autre lac, puis tu vas prendre une crique qui va se jetter dans un autre lac et là, tu vas voir un gros tuyau de métal qui passe en-dessous de la route, d’après moi, tu vas pouvoir y accéder avec ton kayak… »
J’ai cherché un peu la décharge, puis je l’ai trouvé entre deux chalets. Le courant m’a emmenée dans un lac magnifique, où il n’y a pas de chalets. Puis j’ai cherché la crique. Je me suis retrouvée dans un genre de forêt enchantée et j’ai pagayé doucement dans la crique jusqu’à un étang plein de quenouilles où j’ai surpris un héron en train de déguster un poisson et dérangé un castor qui a sauté à l’eau en tapant de la queue. Puis j’ai déniché la cachette du huard de mon lac. Je me suis rendue comme ça jusqu’au fameux tuyau. Il a fallu que je me penche un peu, mais ça passe facilement.
Je me suis ramassée dans la Rivière Davey. J’étais à peu près à trois kilomètres de chez moi et ce, sans jamais sortir de l’eau. Il faut dire qu’il a beaucoup plu cet été. Le niveau de l’eau est élevé.
J’ai surpris un type en train d’uriner sur le bord de la rivière. Je crois qu’il ne s’attendait pas à voir arriver un kayakiste. Surtout pas une kayakiste. Il est parti en courant. Il n’a même pas pris le temps de remonter sa fermeture éclair.
J’ai pu constater qu’il avait également installé des filets pour attrapper des poissons, ce qui est complètement illégal. Cela explique un peu mieux sa réaction de surprise pour s’être fait prendre les culottes baissées, au sens propre.
C’est un peu le sport national ici. Tenter de braconner sans se faire prendre. De toute façons, les Indiens le font bien. Pourquoi auraient-ils le droit et pas nous?
Nous sommes débarqués à Kuujjuuaq à 18h. La Cour sera reportée à mercredi.
Non seulement on crève, mais il a fait autour de 30 degrés celcius tout l’été!!! Pas de pluie, pas de moustique. Ils sont allés se cacher, il faisait trop chaud.
Pendant que nous on avait pas eu d’été dans le Sud, au Nord, ils n’ont jamais autant crevé de chaleur. La coop de Kuujjuuaq a dû commander des centaines d’unités d’air climatisé. La ville a offert gracieusement des kayaks et des canots à ses habitants, pour qu’ils puissent aller se rafraîchir dans la rivière.
Pas étonnant que deux couples d’Amos se soient faits attaquer par un ours polaire alors qu’ils faisaient du canot-camping dans le Nord de l’Ontario! Les pauvres, ils sont complètement déboussolés. Je suis à la veille d’avoir des caribous sur mon terrain…
Blague à part, c’est complètement hallucinant de rencontrer un ours polaire dans le Nord de l’Ontario! Tu dors bien tranquillement, tu entends un grognement, tu prends ton couteau de chasse, tu ouvres la porte de la tente et surprise : tu vois un ours polaire et lui, il voit son souper!
Un des hommes a réussi à piquer l’ours avec son couteau, puis il a réussi à rejoindre les autres qui s’étaient poussé avec les canots, pendant qu’il faisait diversion.
Ils en ont été quittes pour une belle frousse! L’homme ne s’en est pas tiré sans blessures.
Combien de jours ont-ils dû pagayer par la suite sans tente et sans nourriture pour rejoindre la civilisation? L’histoire ne le dit pas.
J’ai retrouvé la même coop qu’à mon premier voyage. Mais cette fois, pas de pâtes aux fruits de mer. Ma glacière est pleine et j’ai bien l’intention de manger tout ce qu’il y a dedans. Nous y avons rencontré des recenseurs de bélugas. Il y en aurait moins dans la Baie d’Ungava que dans le Fleuve. Mais le but c’est de comprendre leur flux migratoire. Je leur ai raconté ma sortie en kayak de mer à Kamouraska où nous avons été entourés de plusieurs bélugas. Ils m’ont confirmé que le béluga est animal très curieux. L’un des chercheurs était originaire de Matane et il avait été à l’école avec mon cousin. Mon Dieu que c’est petit le Québec!
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