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jeudi , 21 novembre 2024
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Le serment de citoyenneté

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Le jour J, tant attendu, est arrivé. Il est 13 h j’arrive à l’hôtel Holiday Inn. de Jonquière, loin d’une bâtisse fastueuse tel le Parlement de Québec. Dans le hall, nous sommes une trentaine d’immigrants de tous horizons. À ma grande surprise, les minorités visibles constituent la majeure partie de l’audience.
Par réflexe, mon cœur se ressert légèrement dans mon corps. Mon estomac se noue partiellement. L’alarme retentit doucement. Le stress se diffuse tranquillement.

Une grande femme mince aux cheveux grisonnant se déversant jusqu’aux épaules, nous invite à préparer nos précieux documents, puis à son signal prendre place dans la salle en arrière d’elle.
La grande porte s’ouvre. Au fond de cette vaste salle sans prétention aux aires des décennies révolues, trône une série de chaises installées sur trois rangées. Des questionnaires sont disposés une chaise sur deux. J’en déduis qu’il faut que je prenne la place d’un de ces documents. La salle s’emplit de la trentaine d’immigrants d’une vingtaine de nationalités différentes.

Une voix s’élève en avant. La madame de tantôt s’exclame :
« Bonjour ! Êtes-vous en forme ? Avez-vous bien révisé le livre ? Si c’est le cas, ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer. En général, Monsieur le juge ne se déplace pour rien…. »
Est-ce un signe de mascarade ? Tout le monde est d’office reçu ? Je n’en saurais rien.
Le niveau d’alarme s’accentue, se traduisant par une hausse de mes pulsations cardiaques.
Encore une fois quelques irréductibles gaulois, euh immigrants ne prêtent pas attention aux consignes nous invitant de prendre place sur les chaises où des formulaires sont déposés. Sûrement que la lune est venue les chercher…

La distribution des questionnaires débute. Le stress retombe un peu. Puis au moment où résonne l’autorisation d’ouvrir le document, la lecture des premières questions le fit détaler définitivement. Je réponds aux questions méthodiquement avec sérénité en scrutant davantage mon inattention maladive. Dans ce genre de situation, je suis capable de cocher une réponse et d’acquiescer pour sa voisine d’en haut !

Une dizaine de minutes plus tard je remets le document dûment rempli à une agente d’immigration (elles sont deux accompagnant le juge) et me rassois à ma place. Elles corrigent au fur et à mesure. Quelques instants plus tard, je suis appelé à rejoindre une des agentes à son bureau disposé en face de l’assemblée.

Je suis souriant, mais je croise les doigts, on ne sait jamais. La difficulté est parfois dissimulée derrière la facilité. Sous mes yeux, elle ouvre un dossier qui est tout simplement mon dossier. Je revois ma demande de citoyenneté remplis par moi-même avec les différentes photocopies. En un instant je me remémore le moment où j’avais préparé tout cela. C’est une impression bizarre, comme si une partie de ma vie était imprégnée dans ce dossier, Aussi, cette situation donnait un côté beaucoup plus humain à la procédure. Même si chaque demande de citoyenneté n’est répertoriée que par une série de chiffre, n’oublions pas quelle passent entre les mains de personnes. Ce n’est pas juste du traitement informatique.

Après quelques questions d’usage portant sur le où, pourquoi et comment j’en étais arrivé là, elle retourne les feuilles du questionnaire bariolé de rouge et naturellement me remet la lettre stipulant que j’ai rendez-vous pour la cérémonie à 14h45 au même endroit. Je compris que j’avais réussi le test. À ma demande, elle me dit que j’avais échoué à la question D, dont j’ai rapidement évacué l’intitulé, puisque l’essentiel est de savoir que dans 45 min le canada connaitra un groupuscule de nouveaux citoyens, et j’en suis !
Lorsque l’examen vous concernera, vous verrez les questions ne sont pas très compliquées, parfois par simple déduction elles se résolvent d’elles-mêmes !

Elle me demande également de lui remettre ma carte de résident permanent. Dommage j’aurais voulu la conserver en souvenir. Tantôt, nous vous en donneront une autre en échange (le certificat de citoyenneté canadienne) me dit-elle en souriant. Je ne dois pas être le premier à rechigner à lui remettre sa carte de résident permanent.

Par la suite, l’agente d’immigration m’invite à quitter la salle. J’imagine que dans la région de Québec ou de Montréal : l’examen et la cérémonie sont prévus à différentes dates. Mais en région, au vu du petit nombre de candidats à l’immigration et à l’éloignement des institutions d’immigration, il est plus adéquat de regrouper les étapes.

En attendant, je me promène dans les quartiers résidentiels de Jonquière. Un jour je vous en parlerais. Après cette petite virée, je retourne dans le hall de l’hôtel. Tout le monde y est installé, détendu et bavarde bruyamment. Rires et sourires font figures communes. Certains semblent se connaître, d’autres sont arrivés en véritable délégation ! Seulement moi, arrive en ce lieu aussi solitaire que le jour de mon arrivée au Québec.

Soudain, la grande porte s’entrouvre. Une jeune dame sort le sourire aux lèvres et s’écrit : « ça y est ! » en tendant ses bras vers sa famille.
Puis plus rien, la porte resta close. Étant donné que l’heure annoncée est dépassée, je me demande si mon tour est arrivé. Finalement, je m’avance, j’ouvre la porte. À l’intérieur, personne, seul le calme plat règne. Là je compris, tantôt c’était la dernière personne de l’examen qui sortait et tous ceux à l’extérieur attendent comme moi le début de la cérémonie ! Mon visage s’empourpra, quelle honte, pourvu que personne m’ai vu ! Je retourne me dissimuler dans un coin.

Quelques minutes plus tard, la grande femme mince arrive et nous invite à prendre place, mais tout en restant de bout en attendant monsieur le juge. Le juge pénètre dans la salle, s’installe derrière le pupitre, face à lui, un public silencieux avide d’informations à propos de la suite des évènements. Il s’en suit un long discours sur les tenus et aboutissant de l’immigration, des droits et devoirs du citoyen canadien, mais surtout de la chance d’être accepté dans ce pays.

Moi, français d’origine, né dans un pays libre et qui plus était à l’abri d’un cocon familiale sain, j’ai davantage immigré par caprice que par nécessité. Ma vie en France était tout à fait enviable, rien ne m’a poussé à partir, si ce n’est le goût pour le changement d’aventure; contrairement à de nombreux immigrants qui au nom de la liberté d’expression, l’accès à un pays riche, au besoin de vivre plus décemment quittent leur pays natal pour un pays où chacun est libre d’être heureux !
La France et ici ne composent pas le paradis terrestre, mais c’est pas pire ! Pour moi la citoyenneté canadienne c’est un trip, la cerise sur le gâteau, un passeport en plus, alors que pour d’autres dans cette salle c’est un sésame qui marque le scellage de leur nouvelle vie.
L’émotion des mes futures concitoyens m’a mis un peu mal à l’aise. Je me suis senti l’imposteur de cette assemblée, par le fait même de ne pas mesurer la grandeur de l’événement à sa juste valeur.

De plus, cette modification de statut est purement administrative. Demain je me réveillerais et je retournerai à la job comme d’habitude. Je suis content de ce qui m’arrive, mais ce n’est pas une métamorphose de ma vie telle l’a été mon premier permis de travail au Québec.

Bref, le discours se termine. Nous prêtons allégeance à Sa Majesté la Reine Élizabeth Deux. Nous chantons, plutôt eux chantent. Ils nous remettent un certificat. Il est 15 h 45, je suis Canadien !

Et avant de partir, une petite photo souvenir avec le juge me remettant mon certificat pour envoyer à maman.

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